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Grèvement de la cédule de registre 1. Gage et usufruit

nouveAutés en mAtière De Droits De gAges immobiliers

D. Grèvement de la cédule de registre 1. Gage et usufruit

Il est possible de grever la cédule de registre de droits réels limités. La loi mentionne le gage et l’usufruit (art. 859 al. 1 et 3 CC) ; en revanche, n’étant pas incorporée dans un papier-valeur, la cédule de registre ne peut pas faire l’objet d’un droit de rétention au sens de l’art. 895 CC36.

Le gage et l’usufruit grevant une cédule hypothécaire de registre ne sont pas des droits réels immobiliers. L’art. 859 al. 1 CC précise expres-sément que le gage qui grève une cédule de registre est un “droit de gage mobilier”37 . Selon la doctrine, il s’agirait d’un gage sur une créance au sens des art. 899 ss CC38. Assez curieusement, ces auteurs semblent considérer

33 Cf. notamment : Steinauer, Les nouvelles règles, p. 366 s. ; Wolf / Kernen, p. 371 s.

34 Cf. Staehelin, n. 6 ad art. 853.

35 Sur la situation si le débiteur de la cédule n’est pas le propriétaire de l’immeuble grevé, voir : Staehelin, n. 10 ss ad art. 853 et n. 4 ad art. 854.

36 Art. 895 al. 1 CC. Cf. D. Staehelin, n. 13 ad art. 853 (qui réserve avec raison la possi-bilité d’exercer un “droit de rétention obligationnel” fondé sur l’art. 82 CO).

37 Cf. art. 859 al. 1 CC ; voir aussi la version allemande de cette disposition : “durch Ein-tagung des Fahrnispfandgläubigers”.

38 Steinauer, Les nouvelles règles, p. 366 ; Staehelin, n. 1 et 3 ad art. 859.

que le gage immobilier lui-même n’est pas grevé par le gage de l’art. 859 al. 1 CC ; la forme du gage (mobilier) grevant un gage (immobilier) ( subpignus) est pourtant connue du droit suisse39 et l’on ne voit guère de raison de ne pas admettre que le gage de l’art. 859 al. 1 CC grève non seulement la créance résultant de la cédule, mais également le gage immobilier qui la garantit40. Quoi qu’il en soit, force est de constater que le gage grevant une cédule hypothécaire de registre n’est tout au plus qu’une forme particulière de gage au sens des art. 899 ss41 ; cela résulte déjà du seul fait que, contrai-rement à ses cousins des art. 899 ss CC, il naît moyennant inscription au registre foncier. Quant à l’usufruit d’une cédule de registre, il s’agit d’une forme particulière d’usufruit sur des droits au sens des art. 773 ss CC42.

2. Constitution

La constitution du gage grevant une cédule de registre nécessite en premier lieu la conclusion d’un contrat de gage. Le nouveau droit ne pose pas d’exi-gence de forme à cet égard, mais il résulte de l’art. 900 al. 1 et 3 CC que ce contrat doit revêtir la forme écrite43 : la cédule de registre est une créance et un droit non incorporé dans un papier-valeur au sens de ces disposi-tions. Plusieurs auteurs soutiennent toutefois que ce titre d’acquisition est valable sans forme44 et l’art. 104 al. 3 ORF n’exige pas la production d’un contrat écrit. Le gage naît ensuite par inscription au registre foncier ; for-mellement, il s’agit selon l’art. 859 al. 1 CC45 d’inscrire le créancier gagiste et non le gage lui-même46.

39 Cf. Zobl / Thurnherr, Syst. T., n. 324 et n. 313 ad art. 884.

40 On peut toutefois observer que l’art. 863 al. 1 CC mentionne la mise en gage de “la créance qui résulte d’une cédule hypothécaire” (sur papier).

41 Du même avis, semble-t-il : Steinauer, La nouvelle réglementation, p. 64. Voir en outre H. Kuhn (p. 612), pour qui le gage de l’art. 859 al. 1 CC est un “eigenständiges immobiliarsicherungsrechtliches Rechtsinstitut”.

42 Cf., s’agissant de l’application de l’art. 774 CC : Staehelin, n. 17 ad art. 859.

43 Cf. Weiss, p. 207 ss ; Foëx, La cédule, p. 359 s.

44 Cf. Steinauer, Les nouvelles règles, p. 367 ; Staehelin, n. 5 ad art. 859 ; Kuhn, p. 613 ; Schmid, 2011, p. 60 ; Schmid, Notarielle Aspekte, p. 171. Laissent la question ouverte : Wolf / Kernen, p. 375 s.

45 Voir aussi l’art. 104 al. 3 ORF.

46 Cf. Wolf / Kernen, p. 376 ; Foëx, Le nouveau droit, p. 13.

Quant à la constitution de l’usufruit, elle suppose en premier lieu un contrat constitutif d’usufruit ; ici, c’est la liberté de forme qui s’applique (art. 11 al. 1 CO), faute de base légale contraire47. Il faut ensuite une ins-cription au registre foncier ; assez curieusement et contrairement à ce qui est prévu pour le gage, l’art. 859 al. 3 CC prévoit que c’est le droit lui-même (l’usufruit) et non son titulaire qui est inscrit au registre foncier48.

On peut enfin noter que les auteurs montrent une certaine réticence s’agissant de la constitution d’un usufruit sur une cédule de registre ayant fait l’objet d’un transfert de titularité aux fins de garantie (art. 842 al. 2 CC)49. Selon D.  Staehelin, il faudrait avant tout grever la créance “de base” (ou “causale”)50 puisque seule celle-ci est en principe productrice d’intérêts51 ; la cédule de registre devrait néanmoins simultanément être grevée d’usufruit, pour éviter que le fiduciaire ne dispose de celle-ci52. Pour S. Weiss ainsi que pour S. Wolf et A. Kernen, il serait même impossible de grever d’usufruit une cédule de registre transférée aux fins de garantie53. La loi n’exige toutefois nullement qu’un droit soit producteur de fruits ci-vils pour être susceptible d’être grevé d’usufruit ; en outre et en tout état de cause, rien n’empêche les parties de prévoir dans la convention de fiducie les conditions auxquelles la créance “cédulaire” produira des intérêts (soit par exemple, dès la constitution d’un usufruit).

L’on doit en conclure que l’acquéreur aux fins de garantie d’une cé-dule de registre peut fort bien grever celle-ci d’un usufruit au sens de l’art. 859 al. 3 CC ; s’il veut éviter d’engager sa responsabilité envers le fiduciant (art. 97 CO), le fiduciaire aura soin d’exiger que la convention de fiducie autorise la constitution de l’usufruit ; quant à l’usufruitier, il aura soin de convenir le cas échéant avec le constituant que son droit s’étend à la créance de base (garantie par le transfert de la cédule aux fins de garantie).

47 Cf. Staehelin, n. 17 ad art. 859 ; Wolf / Kernen, p. 378. Contra : Weiss, p. 213.

48 Voir aussi l’art. 104 al. 4 ORF. Voir cependant D. Staehelin, n. 17 ad art. 859, selon qui c’est l’usufruitier qui est inscrit.

49 Cf. infra, IV.A.

50 Cf. infra, IV.A.

51 Staehelin, n. 18 ad art. 859.

52 Staehelin, n. 18 ad art. 859.

53 Weiss, p. 212 ; Wolf / Kernen, p. 377.

3. Effets

La constitution de tels nantissement et usufruit sur une cédule de registre pose de nombreuses questions, sur lesquelles il n’est malheureusement pas possible de s’arrêter ici54.

L’on se bornera à en évoquer une seule. Tant l’art. 906 al. 2 CC (pour le gage) que l’art. 774 al. 1 CC (pour l’usufruit) prévoient que le débiteur de la créance qui connaît l’existence du droit (de gage ou d’usufruit) qui grève celle-ci ne peut plus se libérer valablement (sauf accord des intéressés) qu’en payant conjointement à son créancier et au titulaire du droit réel limité gre-vant la créance. Ces dispositions sont-elles applicables au gage et à l’usufruit grevant une cédule hypothécaire ? La doctrine répond par l’affirmative55.

Mais se pose alors la question de savoir si l’art. 970 al. 4 CC, qui pré-voit que “nul ne peut se prévaloir de ce qu’il n’a pas connu une inscrip-tion portée au registre foncier” est applicable in casu. En d’autres termes, découle-t-il de cette disposition que le débiteur de la cédule remise en gage est censé connaître l’existence du gage ou de l’usufruit même si elle ne lui a pas (encore) été notifiée par les parties ? Ce serait pour le moins surprenant : la fiction de connaissance des inscriptions ancrée à l’art. 970 al. 4 CC ne saurait guère s’étendre à des droits réels mobiliers, même portés au registre foncier. D’un autre côté, le texte de l’art. 970 al. 4 CC est clair et n’a pas été modifié pour tenir compte de ces nouveaux venus que sont le nantissement et l’usufruit des cédules hypothécaires de registre. L’on ne saurait évacuer le problème en avançant que le débiteur sera en tout état de cause avisé de la constitution de ces droits réels grevant la cédule de registre : à suppo-ser que l’art. 969 al. 1 CC soit applicable ici56, le conservateur du registre foncier sera souvent bien en peine d’informer le débiteur de la constitu-tion du gage ou de l’usufruit, puisque le débiteur (qui n’est pas nécessai-rement le propriétaire de l’immeuble grevé57) n’est pas inscrit au registre foncier58. Il faut donc espérer que la jurisprudence tranche cette question, en retenant que l’art. 970 al. 4 CC n’est pas applicable en l’espèce.

54 Voir notamment à cet égard : Staehelin, n. 5 ss et n. 17 ad art. 859 ; voir aussi, s’agis-sant du gage grevant une cédule de registre : Foëx, La cédule, p. 360 s. ; Foëx, Le nouveau droit, p. 13.

55 Cf. Staehelin, n. 6 et n. 17 ad art. 859.

56 De cet avis : Staehelin, n. 6 et n. 17 ad art. 859.

57 Cf. par exemple : Foëx, La cédule, p. 351.

58 Cf. supra, III.B.

E. Saisie

L’art. 859 al. 2 CC prévoit que la saisie d’une cédule hypothécaire de re-gistre “a lieu par l’inscription au rere-gistre foncier de la restriction du droit de disposer”. Cette “inscription”59 prend en réalité la forme d’une “ob-servation” au feuillet de l’immeuble grevé par la cédule hypothécaire60. L’art. 859 al. 2 CC est applicable par analogie en cas de séquestre de la cédule ou de faillite du titulaire de la cédule61 ainsi qu’en cas de poursuite en réalisation de gage62.