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Prospectus et informations-clés pour l’investisseur

Dans le document Journée 2011 de droit bancaire et financier (Page 163-166)

réflexions sur l’iDée D’une loi sur les services finAnciers

III. Prospectus et informations-clés pour l’investisseur

Les obligations de prospectus sont aujourd’hui réglées de manière dispa-rate et pour la plupart pas conformes aux standards ou aux pratiques inter-nationales. Par exemple, les art. 652a et 1156 CO n’exigent qu’un nombre très restreint d’informations dans le prospectus relatif à l’émission et au placement public d’actions ou d’obligations. En matière de produits struc-turés, l’art. 5 LPCC n’exige qu’un prospectus simplifié dont le contenu est fixé par une directive de l’Association suisse des banquiers13. Le placement des notes de débiteurs étrangers fait l’objet d’une autre directive plus an-cienne. Sur deux terrains décisifs cependant, la réglementation suisse se compare avec les standards internationaux. C’est d’abord le cas des pros-pectus de cotation, dont le contenu est fixé par le Règlement de cotation de SIX Swiss Exchange. Le Regulatory Board de la principale bourse suisse veille à adapter régulièrement le règlement principal et les règlements com-plémentaires aux évolutions du marché et des pratiques internationales. Le prospectus des placements collectifs de droit suisse, dont les exigences gé-nérales sont fixées par la loi et concrétisées par la Swiss Funds Association, répond lui aussi aux meilleures pratiques internationales en la matière.

Le caractère éparpillé et disparate des normes suisses en matière de prospectus crée des lacunes significatives et de nombreuses possibilités d’ar-bitrage réglementaires, comme l’ont récemment démontré MM.  Schleifer et Fischer14. L’ensemble du système repose en outre sur l’idée qu’il n’est pas besoin d’exiger, ou à tout le moins de réglementer, les prospectus relatifs aux instruments financiers qui ne sont pas destinés aux investisseurs qua-lifiés. La pratique confirme que des prospectus très complets existent dans cette partie du marché aussi, et pour les produits les plus divers.

La généralisation de l’obligation de prospectus pour tous les produits financiers standardisés qui ne sont pas réservés à une catégorie étroitement définie d’investisseurs professionnels ne paraît guère contestable. Les mo-dalités d’une telle obligation ne seront pas toujours faciles à définir. D’une part, il convient de favoriser la comparabilité des diverses catégories de produits financiers. Il n’est cependant pas possible de réduire les informa-tions nécessaires à un schéma unique, ce que confirme

l’autoréglementa-13 Directives concernant l’information des investisseurs sur les produits structurés, juil-let 2007.

14 P. Schleifer / D. Fischer, “Prospektfreie Platzierungen”, in Kapitalmarkttransaktio-nen V, Zurich 2010, 121-193.

tion boursière qui combine un règlement (général) de cotation et des règle-ments complémentaires. D’autre part, dans un pays multilingue comme la Suisse, il convient de se demander si l’usage d’une seule langue nationale suffit et si l’anglais peut lui être substitué. La réponse pourrait être diffé-rente suivant que le produit est destiné ou non à la clientèle de détail.

Plus originale et au moins aussi nécessaire est l’exigence d’un “descrip-tif synthétique et succinct” pour tout “produit financier composé”. Inspirée du droit européen des placements collectifs, cette exigence a été introduite pour les placements collectifs suisses par une révision de l’art. 107a OPCC du 29 juin 201115. Le contenu de ce prospectus simplifié nouvelle formule, désormais appelé “informations clés pour l’investisseur”, figure à l’an-nexe 3 de cette ordonnance. En matière de placements collectifs, la Suisse a suivi par nécessité le mouvement du droit communautaire qui, après avoir introduit le prospectus simplifié en 2004 (“UCITS III”), l’a rem-placé par un document véritablement destiné au grand public lors de la révision de 2009 (“UCITS IV”).

La difficulté à normaliser pour une large palette de produits hétéro-gènes ces informations clés pour l’investisseur est incontestable. Mais sa nécessité ne l’est pas moins ; elle est la contrepartie indispensable de la multiplication des produits financiers offerts à un large public, multipli-cation rendue possible par l’innovation financière. Sans reprendre ici un argumentaire que j’ai développé ailleurs16, la nécessité de cette information simple qui permet à l’investisseur non qualifié de comparer des produits entre eux est facile à illustrer.

Aujourd’hui, un investisseur de détail qui souhaite prendre une posi-tion sur l’or sans détenir de l’or physique peut le faire de multiples façons.

Il peut bien sûr acheter des actions d’une société minière ou des parts d’un placement collectif investi dans de telles sociétés. Il peut aussi se faire ou-vrir un compte-métal par sa banque, obtenant ainsi une créance mais sup-portant également le risque de contrepartie de sa banque. Il peut également acheter des parts d’un placement collectif investissant directement dans le métal précieux. Ces fonds sont usuellement cotés en bourse ; l’investisseur

15 RO 2011 3177. Un document succinct destiné à l’investisseur ne signifie pas que les normes qui le définissent le soient également, cf. les 33 pages des Directives concer-nant le document d’ “Informations clés pour l’investisseur” en matière de fonds en va-leurs mobilières et autres fonds en placements traditionnels, sous la forme de fonds ouverts au public, adoptées par la Swiss Funds Association le 20 janvier 2012.

16 L. Thévenoz, “Une meilleure information des investisseurs privés”, RSDA 2011 350.

devra se demander lesquels de ces exchange traded funds détiennent de l’or physique et lesquels créent cette exposition au moyen d’instruments dérivés. Mais son choix ne s’arrête pas là puisqu’il peut même décider d’ac-quérir un produit structuré ; pour distinguer entre ces derniers, il devra notamment se demander si la créance qu’il acquiert contre l’émetteur du produit structuré est garantie par une couverture d’or physique.

Il y a dix ans, ces choix n’existaient pas. Parmi cette multitude d’op-tions pour un investissement dont l’idée de départ paraît remarquable-ment simple (“je veux acheter de l’or”), comremarquable-ment l’investisseur peut-il choisir ? Comment peut-il réaliser que certains placements l’exposent à un risque de contrepartie alors que d’autres bénéficient d’une couverture phy-sique qui le protège contre une répétition de l’histoire Lehman ? Comment peut-il comparer les coûts de ces différentes possibilités ? Percevra-t-il que d’autres événements que la variation du cours de l’or-métal peuvent affec-ter la valeur de l’instrument qu’il souhaite acquérir ?

Les bénéfices de cette innovation financière débridée sont largement illusoires si l’investisseur auquel ces produits sont destinés n’a pas les moyens de faire un choix raisonné fondé sur la comparaison des princi-pales caractéristiques des produits qui lui sont offerts. Aujourd’hui, les moyens de cette comparaison n’existent pas. Sous le label d’informations clés pour l’investisseur, un tel outil devrait bientôt exister pour comparer entre eux les placements collectifs. Ce n’est malheureusement pas le cas pour les produits structurés, pour lesquels le prospectus simplifié (art. 5 LPCC) a largement manqué son objectif17. Et aucun instrument ne permet aujourd’hui de comparer les uns avec les autres.

C’est cette lacune qu’un document d’information simple, concis et normalisé doit venir combler. La tâche est ambitieuse. S’il revient nécessai-rement à la loi ou à l’ordonnance de fixer les principes de cette obligation, l’activité de normalisation elle-même devrait s’appuyer sur l’expertise des organisations représentant les producteurs de ces produits, mais aussi sur les apports de la psychologie expérimentale.

Un document d’information n’est pas utile s’il ne parvient pas à l’in-vestisseur avant la décision d’investissement. Internet a le potentiel de fa-ciliter la recherche active de tels documents. Mais il n’en reste pas moins

17 Cf. notamment FINMA, Contrôle par sondage de prospectus simplifiés concernant des produits structurés, 9 décembre 2011. Ce rapport a suscité de vives critiques des orga-nisations professionnelles concernées.

que la plupart des investisseurs se renseignent auprès d’un intermédiaire financier. A juste titre, la FINMA propose d’exiger de celui-ci qu’il remette ces informations clés à tout investisseur intéressé par un produit financier composé. Elle ajoute : “Lors de tout contact avec les clients, il convient en outre de séparer physiquement le matériel publicitaire des documents exi-gés selon le droit de la surveillance.”18

On doit se demander si cette règle n’aboutira pas à fin contraire. Il est vraisemblable qu’il existera deux documents pour le même produit : un document commercial et un document d’informations clés norma-lisé. Les prestataires continueront bien sûr à montrer, présenter, remettre le document commercial. Les présentoirs dans les salles d’attente et dans les salons de réception en seront déjà pleins. Quand et comment le client aura-t-il accès à l’autre document ? On peut parier qu’il n’y aura pas un deuxième présentoir, que le conseiller à la clientèle aura sous la main le document commercial et pas l’autre, que dans le meilleur des cas il pen-sera à envoyer les informations clés par courrier électronique ou postal après l’entretien. Plutôt que de séparer physiquement les documents, ne conviendrait-il pas de les réunir en un seul support physique ou électro-nique tout en distinguant clairement la partie “commerciale” de la par-tie “informations clés” ? Les premières expériences du soussigné relatives aux informations clés exigées pour les placements collectifs suggèrent que les conseillers à la clientèle ne remettent jamais deux documents pour le même produit. Il est facile de deviner lequel ils utilisent de préférence !

Dans le document Journée 2011 de droit bancaire et financier (Page 163-166)