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Structure et mode de gouvernance de la congrégation néopentecôtiste

CHAPITRE I : Les stratégies d’adaptation et d’intégration aux origines et la consolidation

3. De la fondation de l’Église pentecôtiste Amour et Grâce à la consolidation de l’Église

3.1 Structure et mode de gouvernance de la congrégation néopentecôtiste

L’ÉCNP a une structure bureaucratique. À sa tête, le président (Blaquière) doit figurer dans le registre officiel de l’Église, de même que le trésorier et la secrétaire de l’institution, selon la loi sur la constitution des Églises. Il est stipulé par cette loi que les Églises protestantes doivent se soumettre à certains articles et dispositions juridiques pour les entreprises. Comme l’affirme Mary, une leader colombienne de la congrégation, l’ÉCNP a la « structure d’une entreprise » et l’attribution de fonctions aux membres de la congrégation, on fait souvent comme dans n’importe quelle entreprise, selon « les besoins qui se présentent dans le marché » et « les compétences » des

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membres. Cette Église est enregistrée comme « un organisme à but non lucratif » d’après l’administratrice de l’ÉCNP. La structure organisationnelle de l’ÉCNP s’est ajustée aux normes pour la construction des églises. Quelques pasteurs interviewés dans d’autres congrégations protestantes considèrent qu’il est presque impossible de construire leurs propres temples, car leurs Églises ne disposent pas de l’organisation, ni des recours humains et financiers nécessaires pour construire d’après les paramètres du gouvernement du Québec. Selon les pasteurs, le gouvernement est reconnu pour traiter de façon préférentielle avec l’Église catholique, car cette institution est « la seule Église reconnue comme telle, pas comme une entreprise, mais comme une Église qui peut bénéficier de subventions pour le soutien des temples et des activités ». Par ailleurs, Blaquière et d’autres pasteurs interviewés parlent des difficultés à trouver des locaux pour leurs églises à cause des zonages. Blaquière a fait le commentaire suivant :

« Je pense qu’il y a plus de liberté ailleurs, par contre ici… trouver de place pour une église, ce n’est pas évident, ce sont des places très spécifiques… Mon expérience à Saint Jérôme, depuis un an, est que les gens ne veulent pas collaborer... Ce sont des gens qui sont placés des fois au gouvernement… Je pense que la religion… et la politique peuvent compliquer les choses. » D’autre part, Blaquière, de même que Castellanos, a fusionné le système de la structure cellulaire de Cho avec le modèle G12 pour combattre l’inactivité des membres des congrégations traditionnelles. Le modèle G12 détermine la structure hiérarchique et organisationnelle ainsi que la gouvernance et les stratégies de formation de l’ÉCNP. Selon l’ancienne page web de l’ÉCNP, chaque personne doit avoir 12 disciples et les former dans une cellule, afin qu’ils puisent assumer le défi de devenir les leaders des nouvelles cellules. Dans les cellules on recrute et on forme des disciples qui perpétueront le cycle à leur tour, en suivant un modèle qui est considéré comme « le moyen le plus efficace pour… gagner des âmes et de faire des disciples ».

Le modèle G12 est un système de croissance qui brise le schème de leadership traditionnel concentré sur le pasteur pour promouvoir le travail en équipe (Castellanos 2004c : 30-33, 44-45). Après l’implantation du G12 à l’ÉCNP, de nombreux départements se sont créés, tandis que les ministères de la musique et des danses se sont développés. Depuis la fondation de la MCI Bogota et de l’ÉCNP, la musique et les danses ont été des moyens privilégies de ces Églises pour le recrutement des gens. Le modèle cellulaire du G12 a favorisé aussi l’adhésion des personnes et leur engagement dans l’ÉCNP grâce à une approche personnalisée et une promotion du

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développement personnel, dans le but de la croissance et la multiplication des Églises19. La structure organisationnelle et l‘approche de l’ÉCNP, ainsi que les programmes de formation pour le leadership, visent ces buts expansionnistes. Les mérites des bons résultats d’un ministère en équipe sont très importants, mais le ministère est centré sur l'individu, car « une nation ne peut être transformée que par le changement de chaque individu » (Castellanos 2007b : 249 ; 2007a : 30). Les conquêtes de Montréal, du Québec et du Canada sont des expressions populaires des membres de l’ÉCNP. Ils considèrent que l’Église est l’Israël spirituel et croient que les chrétiens sont la descendance d’Abraham par la foi, ils s’approprient des attributions et promesses que Dieu a données à Israël, tel que Castellanos et Blaquière l’ont fait (Castellanos 2004a : 70- 74 ; 2004c : 13-24). Durant les cellules et les activités sociales on entend dire aux immigrants latino-américains que le Canada est « Cannaan, la terre promise où coulent lait et miel ». Les membres des cellules doivent participer une fois par mois aux journées d’évangélisation le « Jour J ». Quelques-uns n’aiment pas évangéliser dans la rue. Ils affirment qu’ils n’ont pas « le don d’évangéliste », ni la formation, l’expérience et le temps nécessaire pour le faire, mais certains leaders ont mis beaucoup de pression sur eux pour participer au « jour J ». Line, une femme latino-américaine de l’ÉCNP considère que les leaders de chaque équipe s’inquiètent d’amener des gens à leur assemblée :

« Les Africains veulent amener des Africains, les Latinos devons amener des Latinos, comme dans une concurrence… S’ils exercent autant de pression, comme ils disent, pour sauver les âmes, pourquoi ils s’inquiètent plus d’autres choses? Ils s’inquiètent plus de remplir l’Église que de bien instruire les personnes pour sortir à évangéliser. »

Depuis 2012, « les leaders 12 » de l’ÉCNP organisent une autre activité d’évangélisation tous les mois dans les différents secteurs de Montréal, selon une distribution territoriale stratégique. Ils distribuent des dépliants pour inviter les gens du secteur à « une conférence » qui traite des sujets tels que : « Comment réussir dans la vie? ». Chaque membre d’une cellule est sous la surveillance du leader de cellule et celui-ci est sous la supervision du leader 12 de son équipe. Les leaders 12 ont à leur charge les équipes et les départements les plus importants de l’Église, car ils sont les disciples des équipes de base de Blaquière et d’Évelyne. La plupart des ministères sont à la charge

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des femmes leaders 1220 qui sont disciples de la pasteure. Selon le modèle G12, Évelyne doit avoir une équipe de 12 femmes et Blaquière une équipe de 12 hommes, c’est pourquoi les membres de ces équipes pastorales sont nommés : « leaders 12 » ou « pasteurs assistants ».

Selon Castellanos, on ne doit pas choisir les 12 disciples par amitié ou ancienneté, mais par « le fruit ». Le leader observe dans sa cellule quels membres réussissent à reproduire 12 cellules dans une année, en suivant fidèlement la vision, ils sont les candidats qui pourraient gagner le leadership par mérite, s’ils se soumettent à l’autorité de celui qui les choisit (Castellanos 2007a : 30, 277). Toutefois, Blaquière a une équipe pastorale de 11 leaders ainsi que son épouse et le couple tient compte de bons résultats du travail des disciples, ainsi que leur fidélité aux pasteurs. Les leaders 12 des équipes pastorales sont des couples d’époux, car le ministère idéal est conçu en couple (Castellanos 2004c : 31-32, 169). Chaque couple de leaders 12 a une équipe à sa charge constituée par plusieurs cellules de personnes qui représentent la « postérité » du couple, en tant que famille spirituelle avec plusieurs générations et niveaux d’autorité parentale. L’union familiale doit être la force du ministère et la famille devient la première cible de l’action ministérielle.

Bien que le G12 signifie le gouvernement des 12 (Castellanos 2007a : 24), une grande partie de l’autorité est concentrée sur le pasteur principal de la congrégation. Dans l’ÉCNP, Blaquière a un grand pouvoir de décision dans les réunions des équipes pastorales où l’on prend certaines décisions sur les affaires de l’Église. Cependant, plusieurs leaders considèrent qu’Évelyne exerce une grande influence sur lui. Éliecer, un leader 12 colombien, affirme que, selon la Bible, l’homme doit diriger la famille et l’Église, mais Dieu a créé le mariage pour donner à l'homme une femme qui soit une aide adéquate pour lui. L’homme doit donc consulter son épouse, d’après notre interviewé. Il précise que les pasteurs principaux planifient, organisent et prennent les décisions qui concernent l’Église en couple, bien que parfois ils demandent l’opinion des membres des équipes pastorales, car ceux-ci sont « les collaborateurs » du couple de pasteurs. Néanmoins, Éliecer et Martha, l’administratrice de l’Église, considèrent que les leaders 12 ont un certain niveau d’autonomie, car ils peuvent prendre plusieurs décisions dans le cadre de leurs équipes et par rapport à leurs fonctions, comme diriger les activités du groupe et déléguer des fonctions.

L’autorité de Blaquière réside aussi dans les rôles et dons qu’il exerce. Le pasteur est le

20 Plusieurs femmes leaders sont les responsables des ministères importants comme l’école de leaders, le chant, le

théâtre, les danses, les rencontres avec Dieu et le département social. L’administratrice de l’Église est une femme. Les hommes leaders 12 ont aussi à leur charge quelques départements importants comme ceux des télécommunications.

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prédicateur qui dirige l’enseignement et l’orientation doctrinale de l’ÉCNP. Ses interprétations des Écritures déterminent les significations et le sens des passages bibliques qui sont généralement acceptés par les membres de l’Église, ainsi que la signification de gestes et postures de louange, les adaptations des messages à la vie quotidienne et leur application pratique. Blaquière joue aussi le rôle de prophète et beaucoup des gens affirment avoir été guéris grâce au pasteur qui a « l’onction » et « le don de guérison ». Dans l’ÉCNP, Évelyne, certains hommes et femmes leaders 12 prêchent occasionnellement, mais tous les leaders sont subordonnés au pasteur. Toutefois, chaque leader peut choisir 12 disciples qui deviennent des leaders 12 et ceux-ci seront aussi subordonnés au leader qui les a choisis. Martha affirme que les critères les plus importants d'attribution du pouvoir aux leaders sont la relation avec Dieu et la fidélité. La personne doit être fidèle à Dieu, aux autorités de l’Église et aux leaders de son l’équipe, en plus de connaître certaines doctrines, appliquer fidèlement « la vision » et donner des « fruits ». Si un membre de l’Église a des problèmes ou des difficultés, il doit parler d’abord à son leader de cellule. Si le membre est en désaccord avec son leader, il peut recourir au leader 12 de son équipe et si l’affaire est délicate, le leader 12 pourrait en parler à Blaquière, afin qu’il prenne une décision. En 2009, Martha a prêché qu’il faut respecter « l’autorité de l’Église comme nous respectons ceux qui portent l’uniforme », car de la même façon que les policiers ont une responsabilité envers le gouvernement, les leaders doivent rendre compte à Dieu. Elle disait aussi :

« Ce n’est pas à toi de dire à un policier qu’il s’est trompé, c’est le gouvernement qui le décide… Si nous faisons ce que nous voulons en désobéissant, nous entrerons dans une prison spirituelle… L’autorité a été mise en place par Dieu pour nous protéger et pour nous diriger ». Finalement, Martha demande aux personnes de l’assistance de faire une prière guidée par elle : « Demandons pardon à Dieu… si nous avons désobéi ou critiqué nos leaders... Tu es le juge, Seigneur… Amen ». Ce fragment de la prière et l’analogie entre le policier et le leader illustrent les tensions des relations de pouvoir, dans une structure hiérarchique où parfois on impose un autoritarisme incontestable qui exerce un fort contrôle sur les individus, notamment à travers les leaders qui font le suivi personnalisé dans les cellules. À l’ÉCNP la critique est souvent abordée sous un angle négatif et de temps en temps on recourt à l’intimidation, car si les membres transgressent les valeurs primordiales de la fidélité et de l’obéissance aux autorités de l’Église, ils sont réputés se rebeller contre l’autorité de Dieu. Toutefois, les pasteurs et leaders de l’ÉCNP sont plus mesurés que Castellanos (2007a : 30 ; 2004c : 58-60), puisque ce dernier est encore plus

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exigeant en matière d’obéissance et de fidélité à la vision G12.

3.2 Le modèle des douze et des caractéristiques structurelles qui présentent certaines

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