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Fondation de la communauté catholique d’étude Trajectoire du fondateur et évolution

CHAPITRE I : Les stratégies d’adaptation et d’intégration aux origines et la consolidation

3. De la fondation de l’Église pentecôtiste Amour et Grâce à la consolidation de l’Église

4.1 Fondation de la communauté catholique d’étude Trajectoire du fondateur et évolution

Diego est le fondateur de la communauté charismatique catholique d’étude (la CCC). Il affirme que, pendant son enfance et son adolescence au Salvador, son père l’obligeait à aller à la messe, mais il a eu sa « première expérience spirituelle » à l’âge de 19 ans lors d’une retraite où étaient dispensés des cours de chrétienté organisés par un prêtre. Deux ans après la retraite il s’est marié avec Piedad, la secrétaire du prêtre. L’interviewé a déserté de la force aérienne de son pays et il a laissé aussi ses études universitaires en droit. Diego et son épouse ont adhéré à une communauté charismatique catholique de la capitale, où ils ont expérimenté leur première retraite d’initiation dans le RCC en 1982. Diego est passé par tous les processus d’initiation et de formation jusqu’à devenir responsable d’un ministère de la communauté.

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Diego et Piedad avaient des emplois séculiers dont la rémunération leur permettait d’avoir une position sociale confortable. Cependant, le couple et leurs quatre enfants ont immigré au Québec en 1986 à cause de la guerre civile au Salvador. Diego espérait trouver au Canada un pays plus tranquille où ses enfants pourraient envisager un meilleur avenir, bien qu’il dût recommencer à zéro, comme immigrant ouvrier. Il a décrit son expérience migratoire comme une trajectoire au cours de laquelle des « anges » l’ont aidé pendant des processus difficiles d’installation et d’adaptation. Notre interviewé, tout comme de nombreux charismatiques catholiques et néopentecôtistes des congrégations d’étude, considère qu’il est arrivé au Canada et à son Église par la volonté de Dieu. Plusieurs interlocuteurs et Diego lui-même affirment aussi que lorsqu’un charismatique va immigrer, les membres de sa congrégation lui conseillent d’adhérer à une communauté charismatique dans la société d’accueil. Diego et son épouse ont adhéré donc au groupe de Guadalupe peu de temps après leur arrivée à Montréal. Toutefois, un nombre considérable de membres de la communauté habitaient loin de l’église Sainte-Brigide où ils se rassemblaient. Ils demeuraient dans Côte-des-Neiges ou près de ce secteur à l’ouest de la ville. Diego, Piedad, quelques leaders et prêtres de la Mission latino-américaine participaient au service dominical d’une église sur la rue Côte-des-Neiges, afin d’appuyer la réalisation des messes en espagnol dans le secteur. Les prêtres des Églises respectives avaient préalablement donné leur consentement à ce sujet. Ils avaient également autorisé la création d’un nouveau groupe charismatique à l’église Côte-des-Neige, grâce à l’initiative des leaders latino-américains.

L’équipe timon du groupe Guadalupe a nommé Diego responsable d’un groupe de travail pour fonder la CCC en 1989, comme une communauté annexe à la Mission. La CCC avait pour objectif de répondre aux demandes des charismatiques de Côte-des-Neiges et d’attirer les Latino-Américains habitant dans le secteur, à travers la prestation de services adaptés aux besoins des immigrants, ce qui a rendu possible la fondation d’autres communautés charismatiques. La Mission a encouragé la création des groupes charismatiques dans les Églises où les prêtres de la Mission célébraient des messes en espagnol, mais quelques fondateurs et leaders charismatiques ont pris des décisions contre la volonté des prêtres, en dirigeant de façon relativement autonome la prestation des services et leurs communautés. À un moment donné, le prêtre responsable de la Mission a voulu couper les services des messes en espagnol dans quelques églises, car la Mission devait assumer les frais de ces services, et Diego a décidé de continuer à assumer la responsabilité des messes en espagnol à l’église Côte-des-Neiges sans l’appui de la Mission. La CCC a continué

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de fonctionner, non pas comme un groupe annexe de la Mission, mais comme une communauté sous l’autorité du prêtre responsable de l’église Côte-des-Neiges.

Diego a fondé d’autres groupes charismatiques et sa trajectoire religieuse illustre la façon dont l’autogestion du sacré de la part de leaders charismatiques latino-américains a été fondamentale pour l’adaptation des activités et services religieux à la langue, aux coutumes, à la musique, aux goûts et besoins des Latino-Américains. La CCC offre également de l’aide communautaire aux nouveaux arrivants, mais c’est surtout dans les groupes de prière à la maison que les immigrants sont recrutés. Au début, la CCC comptait environ 18 membres, la plupart provenant du Salvador. Les marqueurs ethniques activés pendant les rencontres des groupes chez les membres sont fondamentaux pour l’ambiance culturelle et familiale qui s’est créée. Ainsi, les maisons des charismatiques deviennent les antichambres d’une intégration plus permanente et engagée dans le sein d’une communauté paroissiale. Néanmoins, la clientèle de la CCC et de plusieurs groupes charismatiques de Montréal est caractérisée par une dynamique fluctuante, et cela, pour plusieurs raisons. Le déménagement annuel massif à Montréal implique souvent la recherche d’un autre groupe charismatique près du nouveau secteur de résidence. D’autre part, les groupes de prières à la maison disparaissent à cause du déménagement annuel, du manque de temps et de la difficulté à organiser des réunions dans les logements des membres qui ne sont pas propriétaires, selon certains leaders. Ils affirment également que le manque de formation préalable et postérieur au retrait d’initiation, ainsi que les difficultés à réaliser des suivis personnalisés aux néophytes comportent des lacunes et peuvent avoir une incidence sur les phénomènes de désertion.

Une autre raison mentionnée par nos informateurs concerne l’influence de leaders déserteurs sur les membres des communautés qui ont décidé de les suivre. Au début des années 90, plusieurs membres de la CCC ont commencé à assister à des célébrations d’autres groupes religieux, mais la plupart d’entre eux ont adhéré à de nouvelles Églises « pentecôtistes ». Deux ans après, Martin, le leader des jeunes de la CCC, a déserté et quelques jeunes de la communauté l’ont suivi. Il a fondé une Église néopentecôtiste27 en 1993. Nous constatons l’influence des Églises néopentecôtistes et le succès de leurs stratégies pour le recrutement de catholiques. Même quelques charismatiques

27 Diego a souligné les avantages économiques des congrégations indépendantes comme celle de Martin, car les

pasteurs ont plus liberté organisationnelle et financière que certaines autorités et leaders de l’Église catholique. Un point important à noter est que Martin a loué un temple d’une Église catholique pour célébrer les assemblées de sa congrégation néopentecôtiste.

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catholiques visitent l’ÉCNP. Diego affirme que l’Église catholique et le RCC n’obligent personne à suivre de formation religieuse qui pourrait favoriser la persévérance des adeptes. Les autorités ecclésiastiques et les leaders de la CCC n’exercent pas non plus de pression sur les charismatiques, pour qu’ils donnent les offrandes et les dîmes. Même la disparition des groupes de prière des maisons n’a pas été un motif pour exhorter les charismatiques à reprendre ces activités chez eux. Toutefois, sous cet apparent relâchement disciplinaire du catholicisme, en matière de formation, de participation à certaines activités et de contribution financière, se cachent une surveillance, une régulation, un contrôle et des exigences de première importance pour les charismatiques.

Les systèmes de contrôle disciplinaire sont plus évidents dans l’ÉCNP, par rapport à la formation, la participation, les offrandes et les dîmes des membres. Cependant, autant la clientèle de l’ÉCNP que celle de la CCC se caractérisent par leur mobilité. Face aux préférences multiples des libertés individuelles d’expression, de circulation, de réunion et d’association s’imposent des mécanismes différenciés de régulation et de contrôle. Les représentants diocésains du RCC essaient de rassembler plusieurs communautés à travers les stratégies d’intégration au niveau régional ; mais « qui trop embrasse, mal étreint ». La chaleur et la proximité d’une assistance personnalisée, dans les cellules et lors des réunions informelles, ont permis à certains leaders de gagner la confiance et la fidélité des charismatiques. Dans certains cas, la fidélité au leader devient plus grande que la fidélité à la communauté et à l’Église, ce qui accroît le risque de fragmentation. Celle-ci a favorisé la multiplication des groupes charismatiques dans la RCC, de même que la fondation et la croissance des Églises néopentecôtistes, comme « une tendance structurelle à la scissiparité » que l’on a trouvée chez les protestants (Mary 2000 : 120).

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