• Aucun résultat trouvé

Langage verbal et enjeux politiques sociaux à l’adaptation de l’Évangile

CHAPITRE I : Les stratégies d’adaptation et d’intégration aux origines et la consolidation

6. Perceptions du paysage religieux de Montréal Positionnements, rôles et tactiques des

1.2 Langage verbal et enjeux politiques sociaux à l’adaptation de l’Évangile

Après la louange, la phase de la lecture de l’Évangile et de la prédication ou du commentaire de

la lecture a lieu. Une fois par mois un prêtre participe aux assemblées et il s’occupe de la prédication, mais pendant les assemblées hebdomadaires, Diego, ou un (une) leader charismatique, fait la lecture de l'Évangile. Toutefois, un jour, Diego a invité les personnes à lire dans leur Bible un passage, pour l’étudier ensemble, mais seulement quelques membres avaient apporté leur Bible et Diego leur a dit : « Le charismatique doit apporter sa Bible sinon, il n’est pas charismatique ». Un membre lui a répliqué : « Mais, nous sommes des catholiques » et Diego lui a répondu : « Oui, mais les charismatiques sont différentes des catholiques traditionnels. »

Les participants écoutent généralement debout la lecture et ensuite ils s’assoient pour écouter la prédication donnée par Diego ou par un homme ou une femme laïcs du ministère d’enseignement de la CCC. Le (a) prédicateur (trice) présente un commentaire de l’Évangile, à l’aide d’autres passages ou de textes reconnus par l’Église catholique. Le commentaire intègre une application des versets à la vie quotidienne des personnes pour enseigner, exhorter et aussi corriger les mauvaises attitudes et habitudes. Parfois, une leader charismatique rappelle à l’assemblée qu’il faut vaincre avec le pouvoir du Saint-Esprit les mauvais esprits qui provoquent des pensées, attitudes et sentiments négatifs, ce qui affecte la santé physique et spirituelle ainsi que les rapports interpersonnels et l’accomplissement des devoirs chrétiens. Typiquement, le prédicateur cherche à persuader les personnes d’acquérir de bonnes habitudes, comme participer à la célébration sacramentelle, persévérer et servir dans la CCC. Le commentaire doit favoriser la compréhension des Écritures, dans le contexte des fidèles, pour guider leur parcours religieux et social. La participation aux cultes est présentée comme fondamentale pour surmonter les épreuves des processus d’immigration et vaincre « l’ennemi » (Satan), tandis que l’habitude de parler avec Jésus jusqu’à développer une relation avec lui, devient « la solution » à toutes sortes de problèmes. Plusieurs autorités charismatiques proposent le dialogue pour résoudre les conflits. Comme Côté et Zylberberg (1990) l’ont remarqué, l’administration ecclésiastique du RCC promeut aussi le dialogue et l’œcuménisme, « la coexistence pacifique avec le reste du monde chrétien » et l’administration devient aussi consultative. « La participation des laïcs est sollicitée et leur rôle est revalorisé » au profit d’un entrepreneuriat sacral généralisé et d’une classe d’acteurs qui devient les porteurs de plusieurs charismes spéciaux. Cependant, leurs dons, talents et libertés n’échappent pas

100

au contrôle local des évêques et des prêtres. Ceux-ci ont le pouvoir de réguler et de restreindre la circulation des leaders charismatiques selon leur don de discernement, un charisme généralement réservé aux autorités cléricales, afin de revendiquer la prérogative de « déterminer ce qui doit être cru par tous les fidèles ». Néanmoins les officiants rituels préfèrent les tactiques douces de la persuasion.

Aucun prêtre ni prédicateur ne parle de Dieu comme du juge sévère d’autrefois face auquel le catholique préférait parler à travers la douce Vierge Marie. Ils préfèrent prêcher d’un Dieu d’amour sans colère qui peut pardonner aux pécheurs après leur mort au purgatoire. Plusieurs charismatiques croient que presque tout le monde aura la possibilité de payer pour ses péchés et de purifier son âme dans le purgatoire pour entrer finalement au ciel. Ce sont des croyances sans fondement biblique, mais elles ne sont pas débattues car les gens n’aiment pas parler du purgatoire ni de l’enfer. Les prêtres et les prédicateurs laïcs évitent aussi ces sujets et d’autres thématiques, telles que les jugements finaux de Dieu. Lors du sermon des messes et des assemblées charismatiques, ils ne doivent pas présenter ces jugements et la venue de Jésus comme les événements catastrophiques décrits dans la Bible. Un prêtre charismatique colombien dans la quarantaine cite à cet effet les conseils de Jean-Paul II : « les personnes qui croient dans le Christ ne doivent pas être des divulgateurs de désastres ». Pendant une entrevue, le prêtre nous a confirmé que les autorités catholiques et charismatiques utilisent la méthode allégorique d’interprétation. Nous avons constaté que plusieurs prêtres et leaders charismatiques recourent au catéchisme ou à d’autres livres, en supposant que dans les textes de la tradition catholique ils vont trouver « les interprétations correctes » des allégories et symbolismes de livres comme l’Apocalypse. Quelques- unes de leurs interprétations allégoriques sont compatibles avec l’amillénarisme catholique. Ainsi, les prédicateurs attribuent aux passages eschatologiques d’autres significations, adoucissant certaines doctrines liées aux jugements de Dieu et à d’autres sujets traditionnels de l’Évangile. Les techniques rhétoriques des prédicateurs leur permettent aussi d’offrir des discours réconfortants. Selon leurs messages, les catholiques doivent croire que la société pourrait être transformée et sauvée si les personnes assumaient un engagement personnel envers Dieu, l’Église et la société, en tant que fidèles agents de changement socioculturel. L’Évangile devient donc une bonne nouvelle pour la transformation et le salut de l’individu et de la société.

Les prédicateurs considèrent que ni l’Église ni les croyants ne doivent juger et condamner personne, même quelques prêtres exhortent les personnes à ne pas critiquer ni exprimer de

101

mauvaises opinions sur les autres. D’après les prédicateurs laïcs et les clercs, les charismatiques doivent plutôt prendre en considération ce qui est positif chez ces personnes et le faire ressortir. Néanmoins, lors d’une messe nous avons écouté le sermon d’un prêtre qui critique les personnes qui jugent les clercs impliqués dans les scandales d’abus sexuels, plutôt que de prier pour eux, en restant fidèles au catholicisme. Les autorités ecclésiales et les prédicateurs charismatiques s’efforcent de persuader les personnes du besoin de l’union avec Dieu et avec l’Église. Il faudrait s’intégrer à une communauté religieuse dans laquelle les personnes pourraient expérimenter une transformation qui changerait leurs vies, selon des principes normatifs transformant les valeurs de l’union et de la fidélité à l’Église en impératifs qui devraient guider les trajectoires des croyants. L’union et l’unité sont des sujets très récurrents dans les activités religieuses de la CCC et du RCC. Les leaders et prêtres charismatiques insistent sur le fait que l’union avec Dieu entraîne l’incorporation du Saint-Esprit dans chaque croyant et l’incorporation des fidèles dans le corps de Christ ou de l’Église, au moyen des sacrements. Les corps des personnes deviennent des temples de l’Esprit de Dieu et l’Église devient un corps dont les membres doivent être sous l’autorité de la tête ecclésiale, le pape. Le respect, l’obéissance et la fidélité envers les autorités religieuses sont donc fortement inculqués aux charismatiques à travers les enseignements des prédications pendant les assemblées, les retraites, les congrès et d’autres événements des charismatiques.

Quelques prédicateurs laïcs et prêtres du RCC utilisent les mêmes techniques rhétoriques des leaders pentecôtistes évangéliques pour susciter et canaliser les émotions, afin de revendiquer la filiation religieuse des fidèles. D’une voix résonnante pendant leurs prédications, ces hommes laïcs et clercs expriment des déclarations concises et puissantes qui touchent certaines sensibilités, ils font appel aux sentiments d’appartenance et aux éléments identitaires des catholiques. Les leaders et les autorités ecclésiales encouragent aussi des dynamiques interactives avec le public qui ont l’effet d’attirer son attention, le captiver et inciter une prédisposition émotionnelle qui rend les personnes susceptibles d’accepter un sermon. Les prédicateurs et prêtres invitent les croyants à dire à la personne qui est à leur côté quelques-uns de leurs messages courts. Les ministres posent aussi des questions à l’assemblée et lui propose des réponses. Le pouvoir émotionnel de certaines phrases, dont la répétition semble transformer des simples idées en convictions, font passer les messages des prédicateurs. Ceux-ci recourent également à quelques versets bibliques pour donner une légitimité à des messages normatifs. Ces techniques appellent un « amen ». D’autres personnes bougent leur tête en signe de consentement et quelques membres taisent leurs opinions critiques

102

face à certains discours, jusqu’à ce qu’ils trouvent un moment propice pour les exprimer, dans un contexte hors de l’Église ou même pendant quelques discutions confidentielles dans l’Église. Pendant la phase de l’assemblée qui suit le sermon, on invite les personnes à présenter leurs offrandes à Dieu en priant. Après la collecte, une leader demande toujours s’il y a quelqu’un qui vient à l’assemblée pour la première fois. Généralement, une personne ou deux lèvent leurs mains et elle leur demande de se mettre debout pour dire leur nom. Une fois que les visiteurs se sont présentés, la leader et l’assemblée les accueille avec des applaudissements. Par la suite, la leader commence l’étape des annonces, elle donne les informations sur les activités de l’Église, des communautés charismatiques et du comité diocésain. Pour finir, elle est informée du montant total de l’offrande et donne cette information à l’assemblée, en remerciant de leur collaboration.

En général, le thème de l’argent apparaît seulement pendant cette phase. Cependant, un jour, pendant son sermon, le prêtre colombien a fait aussi le commentaire suivant : « Il y a un pasteur qui dit : le monde va finir en 2012, mais ne vous inquiétez pas pour votre argent, mettez-le dans mon compte ». Lors d’une entrevue, le prêtre critique la théologie de la prospérité. Il affirme que les catholiques croient à « la provision divine », mais ils ne sont pas d’accord avec les « Églises évangéliques » qui prêchent « une prospérité immédiate et magique ». Selon lui, les catholiques constatent que beaucoup de gens sont déçus par ces fausses promesses, car la réalité est difficile et il est impossible d’obtenir ces choses par l’art de la magie, comme « les frères séparés » veulent le faire croire. Une femme charismatique de la CCC affirme qu’elle aime écouter, sur Internet, certaines prédications d’une émission de la radio évangélique, mais lorsque le prédicateur aborde le sujet de l’argent elle éteint l’émission, car certains « évangéliques » demandent de l’argent comme si les personnes pouvaient acheter les bénédictions et les miracles de Dieu avec l’argent. Une leader du comité diocésain dans la cinquantaine critique l’intimidation et la pression pour imposer la dîme comme une obligation et une affaire dans certaines « Églises évangéliques ». Elle considère que Christ n’a pas obligé personne et que l’Église catholique, sans obliger personne, a fait beaucoup d’œuvres de bienfaisance.

Pendant une prédication dans l’Église de la CCC, le prêtre colombien a affirmé que « l’argent est nécessaire », mais qu’il ne doit pas être une chose prioritaire dans la vie. La CCC est conséquente à ce sujet dans la performance rituelle, car le sujets des offrandes et des dîmes ne constitue pas de thématiques prioritaires ni d’obligations. Toutefois, l’importance attribuée aux bonnes œuvres a amené certains charismatiques à croire qu’il est possible gagner le salut par les

103

mérites et les œuvres humaines. Après le Sermon, lors de la dernière phase de l’assemblée, tous les participants se prennent la main en formant un cercle. Plusieurs personnes commencent à présenter leurs témoignages et requêtes, afin d’orienter les prières pour intercéder en faveur des familles, amis, collègues et voisins qui ont des besoins et difficultés. Diego ou un autre leader présente, de façon résumée, ces demandes à Dieu, en invitant les participants à prier pour ces besoins. Finalement, l’assemblée se termine par le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie ».

Outline

Documents relatifs