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Etude du rôle de la complexité du test de Stroop et des perturbations de l’attention sélective par les stéréotypes

A. Stroop émotionnel

Intérêt du Stroop émotionnel

L’existence de biais attentionnels a été démontrée par la plus grande attention accordée de manière sélective à des stimuli pertinents émotionnellement mais interférant avec les tâches cognitives à réaliser. De tous les tests développés, le Stroop émotionnel a été la tâche la plus fréquemment utilisée (Williams et al., 1996). Le principe de ce test repose sur le fait que, avec des populations cliniques, des mots émotionnels vont perturber de manière plus forte la dénomination de la couleur relativement à des mots neutres. Bien que ce test ait été le plus souvent utilisé dans l’examen de biais attentionnels de populations cliniques (e.g. dépression, anxiété généralisée, PTSD), il a été montré que des stimuli qui étaient en lien avec une attitude significative de l’individu pouvaient également produire une interférence et capter l’attention de manière plus forte que des stimuli neutres (e.g. Pratto & John, 1991; voir aussi Williams et al.,

1996). Des études ont ainsi trouvé que des mots liés à des préoccupations négatives des individus produisaient plus d’interférence dans la dénomination de la couleur que des mots négatifs liés à des préoccupations moins importantes ou à des mots neutres (Williams et al., 1996). Dès lors, dans les études avec les populations non cliniques, les effets constatés ont été expliqués par le fait que le lien entre les mots présentés et les préoccupations actuelles était nécessaire pour expliquer l’interférence constatée au Stroop (Williams et al., 1996). Il est important de relever que l’interférence constatée au Stroop couleur et au Stroop émotionnel ne sont pas de même nature (Algom et al., 2004; Chajut, Lev & Algom, 2005; mais voir Dalgleish, 2005). Dans le test de Stroop émotionnel, la perturbation dans la dénomination de la couleur ne serait en effet pas due à la non-congruence entre dimensions de l’item. Elle s’expliquerait davantage par un effet de ralentissement plus général du traitement attentionnel du fait de la perturbation des mots émotionnels (Algom et al., 2004; Chajut et al., 2005). Malgré cette différence dans les processus impliqués, l’interférence présentée au Stroop émotionnel peut cependant être prise comme un bon indicateur de la perturbation attentionnelle spécifiquement associée aux préoccupations de certains groupes non cliniques (Williams et al., 1996; Dalgleish, 2005) telles que celles des âgés en lien avec les stéréotypes véhiculés sur le vieillissement.

Construction du test

Lors d’une première phase, des mots ont été sélectionnés à partir de précédentes recherches utilisant le Stroop émotionnel ou étudiant les stéréotypes négatifs chez les âgés. Une sélection a été effectuée selon les critères de fréquence d’apparition dans la langue française écrite, de nombre de lettres, de valence et d’appartenance catégorielle que nous allons maintenant décrire. Tout d’abord, suivant un critère parfois utilisé dans la littérature (cf. Burt, 2002), seuls les mots avec une fréquence d’apparition supérieure à 1 (pour un million d’occurrences) ont été retenus. Les valeurs de fréquence utilisées sont reprises de la base de données Lexique 3 (New, Pallier, Ferrand & Matos, 2001116). Deuxièmement, afin que la longueur des mots sélectionnés se rapproche le plus de celle des items du Stroop classique, des mots de 4 à 6 lettres sont retenus.

Troisièmement, en accord avec la littérature récente (cf. Algom et al., 2004; McKenna &

Sharma, 2004), les mots neutres sélectionnés appartiennent à deux catégories sémantiques différentes. Ce choix est fait afin d’éviter que la moins grande proximité catégorielle (c.-à-d.

116 Base disponible sur le site internet suivant: www.lexique.org

sémantique) des mots neutres par rapport aux mots à valence se confonde avec un effet de la valence proprement dite sur l’interférence. Cette procédure a permis la sélection de trois groupes de mots. Une liste de mots en lien avec les stéréotypes négatifs sur les âgés (par exemple: déclin), une liste de mots négatifs (par exemple: fiasco) ainsi qu’une liste de mots neutres (par exemple:

argile). Une quarantaine de mots ont été présélectionnés pour chacune de ces catégories. Ces mots ont ensuite été estimés pour leur niveau de valence. Pour cette évaluation, l’ensemble de la liste de mots (environ 170 mots) a été présentée à environ 15 étudiants qui devaient estimer le niveau de valence négative (vs positive) de chacun des mots qui leur étaient présentés. De plus, ce même échantillon d’étudiants devait également évaluer, pour le sous-groupe des mots en lien avec les stéréotypes négatifs sur les âgés (environ 40 mots), leur lien avec les stéréotypes négatifs sur le vieillissement. Sur cette base, des sous-groupes de mots ont alors été retenus pour chaque catégorie de mots du Stroop émotionnel (c.-à-d. Négatif stéréotype, Négatif contrôle et Neutre).

Selon une procédure similaire à celle parfois utilisée dans la littérature (cf. Sharma, Albery &

Cook, 2001), les mots sélectionnés sont présentés aux 15 étudiants qui déterminent leur

« niveau » d’appartenance catégorielle sur une échelle de Likert en 5 points (1 à 5, mauvais à bon). Les mots retenus sont ceux qui obtiennent une évaluation supérieure ou égale à 3 sur l’échelle par au moins trois des juges. A la suite de cette procédure, les trois groupes de stimuli retenus pour le Stroop émotionnel sont appariés sur la longueur, la fréquence d’apparition dans la langue française et le niveau de valence. Cette procédure a permis au final de retenir trois groupes de 8 mots.

Description du test

La version du test développée, informatisée, a été construite à l’aide du logiciel E-prime (Schneider et al., 2002). Dans ce test (cf. Tableau 13), trois blocs de 28 stimuli ont été séquentiellement présentés aux participants. Chaque bloc se compose de 8 mots en lien avec les stéréotypes négatifs sur les âgés (déclin, faible, dément, isolé, mort, pertes, regret, soucis), 8 mots négatifs sans lien avec les stéréotypes sur les âgés (condition contrôle) (fiasco, noyade, ennemi, haine, peur, danger, misère, menace), 8 mots neutres (argile, désert, plaine, route, date, marbre, pierre, statue) ainsi que 4 signes sans sens (* * * *, + + + +, ^ ^ ^ ^, " " " "). Les différents

groupes de mots sont appariés aux autres groupes quant au nombre de lettres, à leur fréquence d’apparition dans la langue française et à leur niveau de valence117.

Tableau 13. Résumé des conditions au test de Stroop émotionnel

Conditions Cible Distracteur Exemple Nombre de

présentations

Mots Stéréotype bleu déclin Declin 24

Mots Négatifs vert fiasco Fiasco 24

Mots Neutres rouge argile argile 24

Signes sans sens jaune ++++ + + + + 12

Note. Ce test comporte 28.57% de mots en lien avec le stéréotype.

Procédure du test

Chaque stimulus était présenté au centre de l’écran, sur fond noir en utilisant des couleurs différentes (bleu, rouge, vert, jaune). Ces 8 stimuli sont présentés dans un ordre pseudo-aléatoire afin que le même mot ou la même couleur ne se répète pas lors de la présentation d’items successifs. La tâche des participants consiste à dénommer le plus rapidement et avec le moins d’erreurs possible la couleur dans laquelle les items sont présentés (de Ribaupierre et al., 2004).

Indices

Les scores utilisés pour le test de Stroop émotionnel sont le temps de dénomination et le nombre d’erreurs. Ces dernières sont soit des erreurs « Stroop » (lecture du mot à la place de dénommer la couleur) soit des erreurs matérielles (problème de sensibilité de la clé vocale qui force le participant à répéter sa réponse). A partir de ces scores bruts et d’une manière identique à ce qui avait été fait pour le test de Stroop, différents indices d’interférence ont été calculés (voir Tableau 14):

117 Une ANOVA est réalisée sur chacune de ces dimensions.

Tableau 14. Résumé des indices utilisés au test de Stroop émotionnel Différence

Indice d’interférence 1 Mots Stéréotypes – Mots négatifs Indice d’interférence 2 Mots Stéréotypes – Mots neutres Indice d’interférence 3 Mots Stéréotypes – Signes sans sens

Note.Les deux premiers indices sont ceux qui ont été les plus souvent utilisés dans les études avec le Stroop

émotionnel. Le troisième indice a été ajouté afin de permettre une comparaison du niveau de l’interférence constatée dans le Stroop couleur.

Ces trois indices permettent un calcul du niveau d’interférence due aux mots liés aux stéréotypes négatifs sur le vieillissement. De ces trois indices cependant, le plus crucial sera pour nous celui utilisant comme ligne de base les mots négatifs (Mots stéréotypes – Mots négatifs) puisqu’il est le seul à permettre un contrôle de l’interférence liée à la valence émotionnelle des mots présentés du fait de l’utilisation d’une ligne de base de mots négatifs de même valence.