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La stochocratie : un vote al´ eatoire sur la cr´ edibilit´ e

8.2 Filtrer les t´ emoignages non cr´ edibles

8.2.2 La stochocratie : un vote al´ eatoire sur la cr´ edibilit´ e

Si le KL-filtrage (d´efinition 8.2.2) et par k-fautes (d´efinition 8.2.4) permettent `a un agent de d´etecter et filtrer une partie des faux t´emoignages, la cr´edibilit´e de chaque t´emoignage reste uniquement fond´ee sur les observations personnelles de l’agent qui la calcule. Or, il est possible que les t´emoignages des autres agents ne soient pas faux mais que les observations personnelles de celui qui les juge soient erron´ees. Ceci est le cas en pr´esence de discrimination, c’est-`a-dire lorsqu’un agent malveillant choisi son comportement en fonction de l’agent avec qui il interagit, de traˆıtrises car elle n’est observ´ee que par ceux avec qui l’agent malveillant a interagi ou plus simplement de bruit dans les observations de l’agent qui juge le t´emoignage.

C’est pourquoi nous proposons ici une troisi`eme fonction de filtrage permettant `a un agent de remettre en cause ses propres observations. Cette fonction s’inspire du syst`eme de vote par stochocratie, aussi appel´e suffrage par le sort. En politique, la stochocratie d´esigne un ´Etat dont le gouvernement est s´electionn´e al´eatoirement. L’objectif est d’introduire de l’al´ea dans la constitution d’instances de d´ecision afin de limiter les risques de collusion a priori et d’assurer une diversit´e des points de vue [Delannoi et Dowlen, 2010]. Dans notre contexte, nous proposons d’utiliser un m´ecanisme de stochocratie dans le processus de jugement de chaque t´emoignage. Il s’agit intuitivement de soumettre chaque t´emoignage face `a un jury de k agents s´electionn´es al´eatoirement uniform´ement. Ce jury d´ecide alors par vote majoritaire si le t´emoignage est cr´edible.

8.2. Filtrer les t´emoignages non cr´edibles D´efinition 8.2.5 - Cr´edibilit´e par k-stochocratie : Soit un syst`eme d’´echange de services hN,Si, ai ∈ N un agent, k ∈ N et un t´emoignage Fi,j,k0,x. Le t´emoignage Fi,j,k0,x est dit cr´edible par k-stochocratie si, pour un sous-ensemble N0 ⊆ N \ {aj,ak0} de k agents tir´es al´eatoirement uniform´ement, au moins dk/2e agents de N0 jugent Fi,j,k,x comme cr´edible.

Dans la suite, nous appelons juge un agent s´electionn´e par stochocratie pour juger de la cr´edibilit´e d’un t´emoignage. Afin de ne pas inciter certains agents honnˆetes `a voter strat´ egique-ment, les agents aj et ak ne sont pas s´electionn´es en tant que juges. En effet, aj est suppos´e consid´erer comme cr´edible son propre t´emoignage et ak peut ˆetre tent´e de voter pour ou contre le t´emoignage pour se promouvoir ou ´eviter une mauvaise r´eputation. Dans la suite, nous notons Lki(Fi,j,k0,x) un t´emoignage Fi,j,k0,xjug´e cr´edible par k-stochocratie. Nous pouvons alors d´efinir la fonction de filtrage qui rejette tous les t´emoignages qui ne sont pas cr´edibles par k-stochocratie.

D´efinition 8.2.6 - Fonction de filtrage par k-stochocratie : Soit un syst`eme d’´echange de services hN,Si, ai ∈ N un agent et k ∈ N. La fonction de filtrage par k-stochocratie est la fonction φi d´efinie par :

φi(Fi) = {Fi,j,k0,x∈ Fi|Lki(Fi,j,k0,x)}

Notons que les observations de l’agent aisont elles aussi soumises au filtrage par k-stochocratie. Ainsi, si aia peu d’observations ou une trop grande incertitude sur ses observations, ces derni`eres peuvent ne pas ˆetre utilis´ees lors du calcul de la r´eputation.

Cependant, la cr´edibilit´e par k-stochocratie est un processus stochastique et deux jugements successifs peuvent rendre des r´esultats diff´erents. De plus, comme elle repose sur un vote ma-joritaire, elle peut ˆetre influenc´ee par un vote strat´egique (d´efinition 1.2.1). En effet, un juge malveillant peut volontairement d´eclarer comme non cr´edible un t´emoignage qu’il consid`ere en r´ealit´e comme cr´edible ou inversement d´eclarer cr´edible un t´emoignage qu’il consid`ere ne pas l’ˆetre, afin de promouvoir ou de diffamer un autre agent. Toutefois, nous consid´erons la cr´edibilit´e par k-stochocratie comme robuste car :

1. Nous pouvons simuler les votes pour ´eviter les votes strat´egiques et r´eduire dans le mˆeme temps les coˆuts de communication. L’hypoth`ese faite par la stochocratie est qu’un juge honnˆete ai0 vote pour un t´emoignage Fi,j,k,x en mesurant la cr´edibilit´e de Fi,j,k,xau regard de ses propres observations Oi0,k,x. Or, comme les t´emoignages sont cens´es ˆetre les obser-vations des agents, si le juge est honnˆete alors Oi0,k,x = Fi,i0,k,x. Par cons´equent, un agent ai peut lui-mˆeme calculer Di0,j,k,x et d´ecider si le t´emoignage de Fi,j,k,x serait jug´e comme cr´edible par ai0. Ainsi, bien que nous ayons d´ecrit le filtrage par k-stochocratie comme un vote, il n’en est pas un au sens strict du terme car un agent peut utiliser les t´emoignages qu’il a re¸cus pour calculer a priori quel serait le vote de chacun des juges qu’il consid`ere. Cette m´ethode empˆeche alors un agent malveillant de voter strat´egiquement puisque son vote est formul´e `a partir de t´emoignages qu’il a lui-mˆeme pr´ealablement fournis et qui sont utilis´es `a son insu.

2. La probabilit´e que la majorit´e des juges soient malveillants est faible. En effet, pour qu’un autre agent malveillant ai0 puisse accorder sa voix pour rendre un t´emoignage (promotion

Chapitre 8. Cr´edibilit´e des t´emoignages

Propri´et´e 8.2.1 : Soit hN,Si un syst`eme d’´echange de services, ai ∈ N et Fi,j,k0,x ∈ Fi un t´emoignage. Notons l ∈ [0,|N | − 2] le nombre d’agents az ∈ N \ {aj,ak0} tels que KLz(Fi,j,k0,x) (resp. KLz(Fi,j,k0,x)). Le t´emoignage Fi,j,k0,x est jug´e par erreur par k-stochocratie comme cr´ e-dible (resp. non cr´edible) alors qu’il est faux (resp. vrai) avec une probabilit´e p ∈ [0,1] telle que : p = k X K=dk/2e |N0| K  × |N |−|Nk−K0|−2 |N |−2 k 

o`u N \ {aj,ak} est l’ensemble des agents pouvant ˆetre s´electionn´es comme juges, k est le nombre de juges s´electionn´es, N0 l’ensemble des agents en erreur sur le t´emoignage Fi,j,k0,x, et K le nombre d’agents de N0 s´electionn´es comme juges.

D´emonstration : Consid´erons le cas o`u le t´emoignage Fi,j,k0,xest un faux t´emoignage fourni par l’agent malveillant aj. Soit N0⊆ N \{aj,ak0} l’ensemble des agents az tels que KLz(Fi,j,k0,x). La probabilit´e que le t´emoignage Fi,j,k0,xsoit jug´e par k-stochocratie comme cr´edible correspond `

a la probabilit´e qu’au moins dk/2e parmi les k juges appartiennent `a N0. Or, la probabilit´e que exactement K ∈ [0,|N0|] des agents de N0 soient s´electionn´es al´eatoirement uniform´ement parmi les k juges suit une loi hyperg´eom´etrique H(N \ {aj,ak},k,|N0|), soit :

PK= |N0| K  × |N |−|N0|−2 k−K  |N |−2 k 

Pour un ensemble N0 fix´e, la probabilit´e p ∈ [0,1] minimale pour qu’au moins dk/2e agents de N0 soit s´electionn´es parmi les k juges est :

p = k X K=dk/2e PK = k X K=dk/2e |N0| K  × |N |−|Nk−K0|−2 |N |−2 k 

Un raisonnement identique peut ˆetre tenu dans le cas o`u le t´emoignage Fi,j,k0,xest un vrai t´ emoi-gnage. Il suffit de consid´erer cette fois N0 comme l’ensemble des agents az tels que KLz(Fi,j,k0,x). 

Le tableau 8.6 donne la probabilit´e qu’un faux t´emoignage soit jug´e par k-stochocratie comme cr´edible en fonction de |N |, |N0| et de k. Dans les cas o`u k > |N | − 2 nous consid´erons que l’agent ai simule un vote majoritaire parmi tous les agents de N \ {aj,ak0}.

Bien qu’il y ait des cas particuliers o`u la probabilit´e d’erreur soit nulle ou ´egale `a 1, la probabilit´e d’erreur est faible dans un contexte r´ealiste o`u |N |/2 > |N0| > k/2. Par exemple |N | = 100, |N0| = 10, k = 10, cette probabilit´e est de 0,0008. Il est int´eressant de remarquer que lorsque le nombre d’agents dans l’erreur est majoritaire (troisi`eme colonne pour chaque valeur de |N |) la parit´e de k influe sur la probabilit´e d’erreur puisqu’il faut r´eussir un vote majoritaire. Cela est en particulier visible sur lorsque |N | = 100 et |N0| = 50. Ainsi, la k-stochocratie est une fonction de filtrage qui permet `a un agent de r´eduire le taux de faux t´emoignages utilis´es lors du calcul de la valeur de r´eputation tout en remettant en cause les observations de l’agent, et ce avec une faible probabilit´e d’erreur.