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Si calculer la rationalit´e d’une manipulation sur un jeu h´edonique est un probl`eme NP-complet, cela ne signifie pas qu’en moyenne ce probl`eme soit difficile. [Conitzer et Sandholm, 2006] ont montr´e l’existence d’une proc´edure permettant de manipuler une r`egle de vote lors-qu’elle satisfait l’axiome de monotonie faible et que le vote d’agents malhonnˆetes en collusions peut faire gagner un candidat parmi deux. Ils montrent empiriquement que les jeux satisfaisant ces conditions sont fr´equents. Ainsi, si certaines r`egles de votes sont dites robustes aux manipu-lations, car il est NP-difficile de d´ecider d’une manipulation efficace, en pratique ce probl`eme de d´ecision est souvent facile.

C’est pourquoi, pour montrer que la stabilit´e au sens de Nash permet de garantir une robus-tesse aux manipulations, nous montrons ici que les jeux h´edoniques satisfaisant les conditions n´ecessaires `a la mise en œuvre d’une manipulation rationnelle sont rares. Pour cela, nous estimons empiriquement la probabilit´e d’existence des jeux h´edoniques rationnellement manipulables par au moins un agent du syst`eme, soit par la manipulation constructive (d´efinition 4.1.1), soit par la manipulation destructive (d´efinition 4.2.1).

Pour cela, nous g´en´erons k jeux h´edoniques HG o`u les profils de pr´ef´erence des n agents sont d´efinis al´eatoirement uniform´ement. Pour chacun de ces jeux h´edoniques, nous consid´erons tour `a tour chaque agent ai ∈ N et calculons s’il est rationnel pour cet agent d’effectuer soit une manipulation constructive, soit une manipulation destructive. Notons que dans certains cas, tels que le jeu pr´esent´e dans les exemples 4.1.1 et 4.2.1, ces deux manipulations sont rationnelles.

Afin que la confiance en nos r´esultats soit suffisante, nous fixons pour nos simulations k = 10 000 et consid´erons le pourcentage de jeux manipulables par au moins un agent. Dans nos simulations, nous faisons varier n entre 3 et 10 agents. Notons que nous ne consid´erons pas le cas o`u n = 2 car soit les deux agents d´esirent coop´erer et forment la grande coalition, soit l’un des deux agents ne d´esire pas coop´erer et ils forment les coalitions singletons.

La figure 4.4 donne le pourcentage de jeux h´edoniques o`u la manipulation constructive ou destructive est k-rationnelle pour au moins un agent ai ∈ N .

Il est int´eressant de constater que, bien qu’en th´eorie la manipulation destructive est la plus efficace lorsqu’elle est k-rationnelle puisque P(am,k|HGMD) = 1 (propri´et´e 4.2.1), les conditions

Chapitre 4. Stabilit´e au sens de Nash : un concept de solution robuste 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 3 4 5 6 7 8 9 10 % de jeux manipulables |N| Manipulable Par constructive Par destructive

Figure 4.4 – Taux de jeux h´edoniques manipulables en fonction du nombre d’agents

de coalitions donn´ee, il est fr´equent qu’au moins un agent d´esire changer de coalition).

La manipulation constructive est plus souvent rationnelle. Par exemple, elle est rationnelle dans environ 11 % des jeux h´edoniques `a 8 agents. Cependant, comme pour la manipulation destructive, plus n est important, moins il existe de jeux h´edoniques manipulables. Ceci s’ex-plique par le fait que plus il y a d’agents participant aux jeux, moins il existe de structures de coalitions o`u un agent d´esirant manipuler le jeu est l’unique responsable de la non-stabilit´e.

Remarquons la pr´esence d’un cas particulier. En effet, le pourcentage de jeux manipulables augmente en passant de jeux `a 3 agents `a des jeux `a 4 agents. Cette augmentation est due au fait qu’il n’existe que 5 structures de coalitions possibles dans les jeux `a 3 agents et qu’il est fr´equent que la solution soit individuellement optimale pour chaque agent, et qu’aucun n’ait besoin de mettre en œuvre une manipulation.

Par ces simulations, nous montrons que le nombre de jeux h´edoniques manipulables par au moins un agent est relativement faible. Ainsi, utiliser un protocole de s´election satisfaisant la stabilit´e au sens de Nash permet de fortement accroˆıtre la robustesse en pratique des jeux h´edoniques, tout en garantissant que la solution du jeu sera rationnelle pour l’ensemble des agents participants.

4.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons ´etudi´e la robustesse des jeux h´edoniques aux manipulations lorsque le protocole de s´election satisfait la stabilit´e au sens de Nash. Nous avons consid´er´e deux manipulations : la manipulation constructive et la manipulation destructive.

La premi`ere consiste `a augmenter la probabilit´e de satisfaction de l’agent malhonnˆete en aug-mentant artificiellement le nombre de structures de coalitions stables au sens de Nash. Pour ce faire, l’agent malhonnˆete d´efinit son profil de pr´ef´erence en pr´etendant ˆetre indiff´erent `a toutes les coalitions possibles et introduit un seul agent Sybil pr´esentant ses v´eritables pr´ef´erences. Nous avons montr´e que cette manipulation permet de rendre stables des structures de coalitions 82

4.4. Conclusion o`u l’agent malhonnˆete est l’unique responsable de la non-stabilit´e. La rationalit´e de cette mani-pulation d´epend alors principalement des coalitions pr´esentes dans les structures de coalitions dont l’agent malhonnˆete est l’unique responsable de la non-stabilit´e. La seconde manipulation est dite destructive, car elle permet de r´eduire le nombre de structures de coalitions stables qui ne sont pas satisfaisantes pour l’agent malhonnˆete. Pour effectuer cette manipulation, l’agent malhonnˆete pr´esente son v´eritable profil de pr´ef´erence et introduit un seul agent Sybil pr´ eten-dant vouloir ˆetre dans toutes les coalitions contenant l’agent malhonnˆete. Nous avons montr´e que cette manipulation est rationnelle s’il existe au minimum deux structures de coalitions stables telles que l’une est pr´ef´er´ee `a l’autre par l’agent malhonnˆete.

Pour montrer la robustesse des jeux h´edoniques utilisant la stabilit´e au sens de Nash, nous avons dans un premier temps montr´e que les conditions de rationalit´e de ces deux manipulations sont les conditions minimales `a la rationalit´e de toute manipulation. En effet, nous avons montr´e que si un agent malhonnˆete met en œuvre une manipulation rationnelle sur un jeu h´edonique alors la manipulation constructive ou la manipulation destructive sont aussi rationnelles.

Nous avons ensuite montr´e que d´ecider si une de ces deux manipulations est rationnelle re-vient `a r´esoudre un probl`eme N P -complet. Enfin nous avons estim´e empiriquement la proportion de jeux h´edoniques o`u il existe au moins un agent pour qui la manipulation constructive ou la manipulation destructive est rationnelle. Nous avons montr´e que les conditions n´ecessaires `a la rationalit´e de la manipulation destructive sont tr`es rarement r´eunies. Bien que la manipulation constructive soit rationnelle dans un plus grand nombre de cas, ceux-ci restent relativement peu nombreux. Par ailleurs, pour ces deux manipulations, plus le nombre d’agents participant au jeu est important, plus il est rare que les conditions n´ecessaires `a la rationalit´e de l’une des manipulations soient satisfaites.

Nous pouvons ainsi conclure que s´electionner al´eatoirement uniform´ement la solution d’un jeu parmi l’ensemble des structures de coalitions stables au sens de Nash permet de lutter efficacement contre les manipulations. Cependant, pour montrer cette robustesse, nous avons ´emis certaines hypoth`eses favorables aux agents malhonnˆetes. De plus, l’ensemble des structures stables au sens de Nash est parfois vide, ce qui limite son utilisation dans des applications pratiques. Ainsi, dans le chapitre suivant, nous poursuivons cette ´etude en remettant en cause l’hypoth`ese de b´en´efice du doute et en consid´erant d’autres concepts de solution.

Chapitre 4. Stabilit´e au sens de Nash : un concept de solution robuste

Chapitre 5

Forces et faiblesses des autres jeux

Sommaire

5.1 Remise en cause du b´en´efice du doute . . . . 86 5.1.1 Hypoth`ese de sous-additivit´e . . . . 86 5.1.2 Hypoth`ese de sur-additivit´e . . . . 89 5.2 Robustesse des autres concepts de solution . . . . 92 5.2.1 La manipulation destructive n’est plus rationnelle . . . . 92 5.2.2 La manipulation constructive reste rationnelle . . . . 94 5.2.3 Destruction du cœur . . . 101 5.2.4 Fr´equences des jeux manipulables . . . 104 5.3 Conclusion . . . 105

R´esum´e.

Si dans le chapitre 4 nous avons montr´e que la stabilit´e au sens de Nash est robuste aux manipulations lorsque le jeu satisfait certaines hypoth`eses, nous ´etudions dans ce chapitre la robustesse des jeux h´edoniques sous d’autres conditions. Dans un premier temps, nous ´etudions la rationalit´e des manipulations constructives et destructives sans l’hypoth`ese du b´en´efice du doute et consid´erons des hypoth`eses de sous-additivit´e et sur-additivit´e. Dans un second temps, nous ´etudions deux autres concepts de solutions canoniques qui garantissent que la solution est individuellement rationnelle : la stabilit´e individuelle et la stabilit´e au sens du cœur. La stabilit´e individuelle d´esigne l’ensemble des structures de coalitions o`u un agent peut refuser qu’un autre agent rejoigne sa coalition. La stabilit´e au sens du cœur correspond, quant `a elle, `a l’ensemble des structures de coalitions o`u il n’existe pas de sous-ensembles d’agents d´esirant collectivement quitter leurs coalitions respectives pour en former une autre ensemble. Pour ces deux concepts de solution, nous montrons que les jeux h´edoniques dont la solution est s´electionn´ee al´eatoirement uniform´ement parmi l’un de ces deux concepts de solution sont fortement sensibles aux manipulations.

Chapitre 5. Forces et faiblesses des autres jeux

Dans ce chapitre, les principales notations utilis´ees sont celles d´efinies dans les chapitres 3 et 4 et sont r´esum´ees en l’annexe A.1.

5.1 Remise en cause du b´en´efice du doute

Les manipulations constructives et destructives (d´efinitions 4.1.1 et 4.2.1) ne sont ration-nelles que sur un jeu h´edonique respectant certaines conditions, et ces conditions reposent sur les hypoth`eses ´emises au chapitre 3. Dans cette section, nous ´etudions la robustesse des jeux h´edoniques lorsque l’hypoth`ese de b´en´efice du doute, intuitivement tr`es favorable aux agents malhonnˆetes, est remise en cause. Toutefois, pour qu’un agent malhonnˆete puisse d´ecider de la rationalit´e de toute manipulation utilisant un agent Sybil, il lui faut dans tous les cas ´emettre des hypoth`eses, analogues au b´en´efice du doute, permettant d’estimer ce que seront les profils de pr´ef´erence des autres agents pendant la mise en œuvre de la manipulation.