• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1. Le stick-slip dans le forage pétrolier

1.3. Les approches théoriques existantes du stick-slip en forage pétrolier

1.3.3. Le stick-slip dans le mode torsion-axial

L’approche proposée par RICHARD (2001) s’inspire en fait de modélisations tout à fait analogues,

conduites, encore une fois, dans le domaine de la tribologie. Par exemple, dans l’expérience décrite dans la Fig. 1.30, VAROTSOS (2004) précise qu’au cours de la phase d’accélération, le plateau supérieur

a tendance à se soulever d’une hauteur de 15µm. Cette déformation dans une direction perpendiculaire à la direction du frottement constitue ce que l’on appelle un couplage de modes et qui représente un deuxième mécanisme important générant des instabilités vibratoires par contact frottant (SINOU & JEZEQUEL, 2006).

1.3.3.1. Le modèle RICHARD (2001)

L’auteur considère un pendule de torsion (Fig. 1.33) qui est non seulement animé en surface par une vitesse de rotation de consigne Ω0, mais qui est aussi libre de se déplacer axialement d’une quantité U, suivant un mouvement de corps rigide et ce, sous l’effet du poids au crochet, noté H0. Le moment d’inertie de torsion de la BHA est noté I, la raideur de torsion des drillpipes C et le couple à l’outil T. La masse de la BHA est notée M, le poids immergé de la garniture WS et le poids sur l’outil W .

Fig. 1.33 : Schéma de principe du pendule torsion avec couplage axial (RICHARD, 2001)

Le déplacement axial de l’outil et sa position angulaire étant repérés respectivement par U et Φ, les équations du mouvement s’écrivent :

(

0

)

0 S I C t T MU W H W  Φ + Φ −Ω = −   = − −    (Eq. 1.6)

On note la forme très simplifiée de ces équations qui n’incluent d’amortissement visqueux ni dans le mode de torsion, ni dans le mode axial et qui n’incluent pas non plus de déformation axiale. L’intérêt de cette approche est de considérer un modèle d’interaction taillant-roche (Fig. 1.34, gauche) directement dans les équations du mouvement. La réponse de l’outil n’est donc pas une loi caractéristique comme la loi de frottement dans l’approche torsion pure, mais c’est la réponse mécanique instantanée de l’outil.

Cette hypothèse de travail requiert d’expliciter la réponse complète de l’outil dans les équations scalaires (Eq. 1.6). Comme cette tâche ne peut pas être formulée en toute généralité dans le cas de la structure de coupe tridimensionnelle d’un outil PDC réel, l’auteur se place dans le cadre d’un outil simplifié, composé de n lames de coupe continues, régulièrement espacées d’un angle valant 2 / nπ , présentant un même méplat d’usure d’épaisseur ln et engagées dans la roche à une même profondeur de passe d tn( ), dont on observe qu’elle est supposée indépendante du rayon de l’outil et égale à l’avancement par tour (Fig. 1.34, droite).

Modèle de coupe Schéma de coupe

Fig. 1.34 : Modèle d’interaction outil-roche de RICHARD (2001)

Le modèle d’interaction taillant-roche utilisé est celui de DETOURNAY & DEFOURNY (1992), qui permet de calculer les efforts W et T à l’aide de formules explicitées en annexe A.4. Ces formules relient les variables dynamiques aux variables cinématiques que sont la profondeur de passe d et la position angulaire Φ, qui sont respectivement définies par :

( ) ( ) ( )

n n

d t =U tU tt (Eq. 1.7)

tn désigne la durée correspondant au passage de deux lames successives et est appelée "retard". Le retard est solution de l’équation :

( )t (t tn) 2 /π n

Φ − Φ − = (Eq. 1.8)

Les équations (Eq. 1.6) à (Eq. 1.8) constituent un système d’équations différentielles couplées, à retard, devant être traité numériquement (schéma d’Euler explicite utilisé par l’auteur). Le terme de retard introduit un effet mémoire dans le système qui exacerbe son caractère auto-entretenu. L’auteur montre qu’il existe un régime stable de stick-slip de basse fréquence, associé à des vibrations axiales de haute fréquence et qui s’accompagne de la formation d’un motif de fond de trou répétitif, favorisant l’auto- entretien de ces vibrations couplées, par un mécanisme dynamique similaire à la régénération de l’ondulation du front de coupe qui apparaît dans les études sur le bit-bounce des outils PDC (§ 1.2.2.2). Des détails sur l’évolution temporelle des différentes grandeurs physiques du problème sont fournis en annexe A.5.

L’auteur s’intéresse ensuite à l’évolution de la moyenne des grandeurs adimensionnées T (couple à l’outil), ω (vitesse de rotation), W (poids sur l’outil) et δ (profondeur de passe), sur plusieurs périodes de stick-slip. Comme, en régime permanent de stick-slip, la moyenne de la vitesse de rotation à l’outil ω est égale à la vitesse de rotation imposée ω0, l’auteur représente l’évolution du poids sur l’outil moyen W , de la profondeur de passe moyenne δ et du couple à l’outil moyen T suivant la vitesse de rotation imposée ω (Fig. 1.35). 0

Fig. 1.35 : Résultats moyens du modèle RICHARD (2001)

Ces courbes démontrent que, pour un poids de consigne constant (W =W ), la profondeur de passe 0 moyenne δ diminue avec la vitesse de consigne ω , tandis que suivant les valeurs d’un paramètre 0 unique β (défini en annexe A.5), le couple à l’outil moyen T diminue si β < et augmente si 1 β > . 1 Ce résultat permet donc d’expliquer les variations observées par BRETT ET AL. (1989) (§ 1.3.2.3), sans

invoquer de mécanisme lié à des difficultés d’évacuation des débris. Ce résultat est d’autant plus intéressant que l’auteur montre que le système est instable pour β < alors qu’il est stable pour 1

1

β > . Ce résultat montre donc que les outils caractérisés par un facteur β > sont stables. Au 1 § 1.2.4.4, on a évoqué l’existence de brevets portant sur la conception d’outils anti-stick-slip. Une des

implications industrielles les plus importantes du travail conduit par RICHARD (2001) est de proposer, pour la première fois, un cadre pour aborder théoriquement la conception des outils anti-stick-slip.

1.3.3.2. Evolutions successives de l’approche couplée torsion-axial

Depuis son élaboration, ce modèle a été repris sous différents angles par plusieurs auteurs. D’après GERMAY (2009), Germay (2002) a étendu l’analyse de stabilité du même système et découvert de nouveaux régimes de vibrations. Detournay (2004) et HOFFMANN (2006), ont conçu un système

expérimental, DIVA, visant à confirmer les résultats du modèle RICHARD (2001). Ce système n’a pas encore fourni de résultats concluants pour des raisons liées à l’algorithme de contrôle de la tension de surface, au choix des roches et des taillants, à l’occurrence de vibrations parasites. Face à ces difficultés, un dispositif plus rigide et plus simple a été conçu pour étudier à la fois l’interaction taillant-roche, mais aussi le couplage torsion-axial (Detournay, 2006 ; BESSELINK, 2008). On en présente certains résultats au § 3.3.4.2. GERMAY (2009) a étendu l’analyse numérique du système

dynamique de RICHARD (2001) en formalisant une approche à deux échelles de temps permettant d’aborder les régimes de stabilité de manière analytique. Il a aussi étendu le système à deux degrés de liberté de RICHARD (2001), à une structure continue afin de montrer que les mêmes tendances sont observées : le stick-slip est favorisé par une augmentation du poids sur l’outil et une diminution de la vitesse de consigne ; un paramètre β plus grand que 1 interdit généralement l’occurrence du stick-slip. Enfin, l’auteur a mis en évidence l’occurrence de régimes stables de stick-slip à des fréquences supérieures à la fréquence fondamentale, ce qui est tout à fait compatible avec les observations de terrain (§ 1.2.4.2).

1.3.3.3. Discussion

On propose en annexe A.6 une synthèse des points forts et des points faibles de l’approche torsion- axial ainsi que quelques pistes de développement. Cette approche est encore relativement jeune et doit être nourrie de nouvelles études expérimentales de laboratoire et de terrain dans le but de bien délimiter la validité du mécanisme de couplage de modes proposé. Cependant, l’approche en torsion pure a été confrontée et validée dans de nombreux contextes opératoires. Son principal défaut, vis-à-vis de l’approche torsion-axial, est que la loi de frottement ( )T φ est une donnée du problème et non un résultat. Elle n’est donc pas totalement prédictive puisqu’il faut connaître la réponse dynamique d’un outil avant de conduire des simulations de stick-slip. Au cours de la présente thèse, on cherchera à combler ce manque en abordant l’étude expérimentale et théorique de la loi de frottement, c’est-à-dire de l’interaction dynamique outil-roche.