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Chapitre 3. Le processus de coupe des roches

3.1. Introduction à l'étude de l'interaction taillant-roche

3.1.1.

Principe d'un essai élémentaire de coupe

3.1.1.1. Différents observables

Un essai élémentaire de coupe est un essai conduit à déplacement imposé au cours duquel on astreint un taillant à abattre une roche donnée, suivant une profondeur de passe h , un angle de coupe c ω et c une vitesse de coupe V (Fig. 3.1). La compréhension du processus de coupe repose sur quatre c observables principaux :

– l'effort de coupe : suivant ses trois composantes, normale, tangentielle et éventuellement latérale ; – les débris de coupe : on analyse leur granulométrie et leur cohésion ;

– la saignée creusée : on analyse sa géométrie et son état de surface ; – le taillant : on analyse son degré d'usure et son état de surface.

Fig. 3.1 : Schéma de principe de l'interaction taillant-roche (bidimensionnel)

3.1.1.2. Conditions réelles du travail d’un taillant

Dans le domaine minier, les profondeurs de passe abattues sont de l'ordre du centimètre, les vitesses de coupe de l'ordre du mètre par seconde et l'abattage est généralement conduit à pression atmosphérique. Dans le domaine pétrolier, les profondeurs de passe abattues sont de l'ordre du millimètre, les vitesses de coupe de l'ordre du mètre par seconde et le forage se déroule sous des pressions de boue de l'ordre de 10-100 MPa. La boue de forage permet de remonter les débris de coupe, de limiter les venues de fluides interstitiels provenant de la roche forée, de stabiliser les parois du puits et de refroidir l'outil.

3.1.1.3. Différents types de taillants

Les taillants des outils PDC sont constitués d’un support en carbure de tungstène (WC-Co) sur lequel est déposée une fine couche diamantée (le PDC, Polycrystalline Diamond Compact, à proprement parler), destinée à les protéger de l'usure et des chocs (Fig. 3.1). La recherche de matériaux permettant d’améliorer la "durabilité" des taillants PDC constitue un enjeu important de la recherche en forage pétrolier. SORLIER (2009) propose une synthèse détaillée des avancées technologiques dans ce domaine.

Il existe une variété de géométries de taillants PDC. La Fig. 3.2 présente trois géométries de PDC de laboratoire, les taillants cylindriques étant aujourd'hui les plus couramment utilisés.

PDC cylindrique PDC rectangulaire PDC en toit

Fig. 3.2 : Trois géométries de taillants PDC (clichés personnels)

Comme la pression de boue confine la roche et conduit à une augmentation significative de sa résistance apparente, les efforts de coupe dans le forage pétrolier sont du même ordre que dans l’abattage minier, c’est-à-dire de l’ordre du kilonewton. Du fait des différences de profondeur de passe, les contraintes sur les taillants PDC sont beaucoup plus élevées que sur les pics miniers. On minimise ainsi l’usure et les risques d’écaillage des taillants PDC en les concevant avec des angles de coupe

considérés, suivant la convention de la présente thèse, comme positifs (Fig. 3.1, Fig. 3.2). Suivant cette convention, les angles de coupe des pics miniers sont alors le plus souvent négatifs.

3.1.1.4. Différents types de roches

Du fait de la nature géologique et de la localisation des réservoirs pétroliers, les roches forées sont essentiellement sédimentaires et souvent, faiblement minéralisées. Les argilites représentent 75 % des mètres forés en exploration (KOLLE, 1996 ; DETOURNAY & TAN, 2002). Sous pression de boue, elles ont

un comportement à la rupture de type plastique qui se rapproche du comportement des métaux mous comme le plomb. Les autres roches forées sont principalement des grès et des roches carbonatées dont le comportement à la rupture est de type fragile. Certaines roches sont hétérogènes (conglomérats, roches à inclusions, roches fracturées) et/ou anisotropes (roches litées et alternées), ce qui complique la description du problème car il devient dépendant des conditions géométriques de forage. Comme ces problèmes ne sont pas abordés dans la présente thèse, on renvoie le lecteur à BOUALLEG (2006) pour

l'étude du forage des roches anisotropes.

Ce chapitre bibliographique est consacré à l'étude de roches homogènes, isotropes et à comportement plutôt fragile, étant donné que notre étude expérimentale a été conduite dans ce contexte. Toutefois, on présentera des travaux effectués sur les argilites car elles ont été beaucoup étudiées et révèlent des phénomènes qui peuvent être communs à d'autres roches.

3.1.1.5. Différents dispositifs expérimentaux

Il existe plusieurs classes d'équipement de laboratoire pour étudier l'interaction taillant-roche :

– ceux qui fonctionnent à pression atmosphérique et à des vitesses de coupe de l'ordre du millimètre par seconde : c'est le cas des bancs linéaires qui, faciles d'emploi, ont été très utilisés par le passé (RICHARD, 1998 ; GERBAUD, 1999 ; MENAND, 2001) ;

– ceux qui fonctionnent à pression atmosphérique et à des vitesses de coupe représentatives du forage pétrolier de l'ordre du mètre par seconde : c'est le cas des meules (BESSELINK, 2008) et des

tours (SELLAMI, 1987). Ces derniers sont des appareils imposants qui sont plutôt utilisés pour effectuer des essais d'usure - essais qui requièrent des distances de coupe très grandes (plurikilométriques) ;

– ceux qui fonctionnent sous des pressions de boue et à des vitesses de coupe représentatives du forage pétrolier : c'est le cas des cellules de forabilité comme celle qui est utilisée dans cette étude (Chapitre 4) ou dans SELLAMI ET AL. (1989) ; c'est aussi le cas des bancs de forage (Fig. 2.1) même

si ceux-ci sont plutôt dimensionnés pour tester des outils de forage.

3.1.2.

L'observation des efforts de coupe

3.1.2.1. L'énergie spécifique de coupe

Bien que l’essai soit réalisé à vitesse constante, les efforts de coupe mesurés peuvent varier significativement au cours du temps, du fait des cycles de chargement-rupture des copeaux de roche générés par la coupe (Fig. 3.3). Pour un essai de coupe donné, on calcule la moyenne temporelle des efforts de coupe.

Fig. 3.3 : Variations temporelles de l'effort de coupe (RICHARD, 1998)

Le premier niveau d'analyse du processus de coupe consiste à étudier la dépendance de ces efforts aux paramètres opératoires. Ces paramètres sont liés aux conditions cinématiques de l'essai, à la géométrie des taillants utilisés, aux roches abattues et s'il y a lieu, aux conditions de pression. Définie à l’échelle de l’outil de forage au § 1.3.2.4, l’énergie spécifique de coupe peut être définie à l’échelle du taillant comme le travail de l'effort requis pour abattre un volume unitaire de roche.

moy moy c c F F d S d S ε= ⋅ = ⋅ (Eq. 3.1)

Où d désigne le vecteur déplacement élémentaire du taillant, Fmoy le vecteur force moyen, moy c

F sa composante tangentielle (seule composante dont le travail est non nul), S la surface de coupe orientée et S sa projection dans la direction du déplacement, aussi appelée section de coupe. On considère que c le processus de coupe est efficace lorsque l’énergie spécifique de coupe est faible. L’énergie spécifique la est homogène à une contrainte moyenne sur la face d'attaque mais peut être vue comme une énergie volumique.

3.1.2.2. La ductilité apparente de la coupe

Lorsque la variabilité des efforts est grande, le processus de coupe est dit fragile. A l'inverse, il est dit ductile. On caractérise cette variabilité à l’aide du coefficient de ductilité apparente de la coupe (SELLAMI, 1990). max moy c c da moy c F F C F − = (Eq. 3.2) max c F et moy c

F désignent respectivement le maximum et la moyenne de l'effort tangentiel au cours d'un cycle moyen de chargement-rupture d'un copeau de roche. En pratique, ce coefficient est compris entre 0 (pôle ductile) et 1 (pôle fragile). Certains auteurs (DELIAC, 1986 ; RICHARD, 1998) donnent des

définitions alternatives de ce coefficient mais équivalentes.

3.1.3. Particularités géométriques

Le plus souvent, l'étude de la rupture de la roche est conduite dans un cadre bi-dimensionnel sous l'hypothèse des déformations planes (Fig. 3.1). Mais en pratique, la forme des taillants et la profondeur de passe, qui est du même ordre que la largeur du taillant, rendent le problème plus complexe.

D'une part, le travail d'un outil de forage est tel qu'un taillant repasse sur la saignée découverte par un autre. Le cas d'étude le plus simple et le plus couramment étudié est celui de la saignée isolée (Fig.

3.4). Mais les possibilités d'interaction entre saignées sont infinies. Dans le cas des PDC cylindriques,

on a l'habitude de les classer en quatre types (GERBAUD, 1999) :

Isolée En approfondissement Interactive symétrique Interactive asymétrique

Fig. 3.4 : Exemples de configurations de coupe pour des PDC cylindriques (GERBAUD, 1999)

La rupture est quand même étudiée dans un cadre bi-dimensionnel et on prend en compte la troisième direction de l'espace en introduisant des facteurs correctifs.GLOWKA (1989) calcule par exemple une

profondeur de passe équivalente en ramenant une section de coupe de géométrie complexe à une section de coupe de même valeur mais de géométrie rectangulaire. GERBAUD (1999) utilise la longueur

de contact entre l'arête du taillant et la saignée.

D'autre part, il arrive que la section de roche effectivement abattue soit significativement plus grande que la section de roche interceptée par la trajectoire du taillant (phénomène d'écaillage des bords de la saignée ; LEBRUN, 1978). En outre, les formes attribuées aux copeaux de roches théoriques pour étudier

leur rupture diffèrent sensiblement de leurs formes réelles. Pour compenser ce manque, DELIAC (1986)

introduit un coefficient d'influence affectant la section théorique de coupe qui permet d'ajuster sa modélisation théorique de la coupe à l'expérience.

En toute rigueur, l'étude de l'interaction taillant-roche devrait être abordée par une approche tridimensionnelle (LEBRUN, 1978 ; SELLAMI ET AL., 1989). Mais dans le domaine pétrolier, les bons

résultats des modélisations bidimensionnelles semblent montrer que ce n'est pas nécessaire.