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Chapitre 3. Le processus de coupe des roches

3.2. Caractéristiques générales des régimes de coupe

3.2.3. Identification des mécanismes de rupture

3.2.3.1. Mécanismes de rupture

Quelques références bibliographiques qui seront présentées par la suite de la présente thèse ont été laissées délibérément dans le style "minuscules". Cela signifie que ces références ne sont pas explicitées

dans la bibliographie et qu’elles ont été insérées sur la foi d’un autre auteur qui est, quant à lui, signaler dans le corps du texte dans le style "petites majuscules" et référencé dans la bibliographie. En l’occurrence, dans la section présente, cet auteur est DELIAC (1986). Il a, en effet, fait la synthèse bibliographique des différentes approches suivies dans le domaine de la modélisation des efforts de rupture.

En 1945, Merchant conçoit le premier modèle de coupe dans le domaine de la coupe des métaux sous l'hypothèse de la déformation plastique d'un copeau continu de métal. En 1962, ne relevant aucune trace de plasticité sur les surfaces de rupture des copeaux de charbon, Evans propose un modèle de coupe sous l'hypothèse de rupture par traction d'un copeau discontinu de roche. Nishimatsu, en 1972, propose de considérer que, dans le cas des tufs et des bétons, la plasticité est absente et que le copeau discontinu entre en rupture par cisaillement (dans un mode fragile) suivant le critère de Mohr- Coulomb. NGUYEN (1974) est un des premiers à faire la distinction entre les comportements à la coupe de type fragile ou ductile. Ses observations l'amènent à construire deux modèles de coupe : le premier, qualitatif, est particulièrement adapté aux angles de coupe négatifs (cas des pics miniers). Il prévoit de considérer que la roche se rompt par propagation de fissures dans le mode traction. En revanche, lorsque l'angle de coupe est positif, un mode de rupture plastique du même type que celui développé par Merchant pour les métaux semble prédominer. LEBRUN (1978) est le premier à considérer l'aspect

tridimensionnel du problème mécanique. Selon l'auteur, le copeau entre en rupture lorsque la contrainte satisfait le critère de Coulomb. DELIAC (1986) s'appuie sur les travaux de LEBRUN (1978) et

SELLAMI (1984), et introduit l'action de la roche broyée au voisinage de l'arête de coupe. Il modélise le frottement taillant roche (absent dans le modèle de Lebrun) et prend une géométrie tridimensionnelle de copeau plus réaliste (compatible avec les angles de coupe des taillants miniers).

L'ensemble de ces modèles ont en commun d'être des modèles analytiques : on postule une géométrie du copeau en formation, en définissant, a priori, les surfaces de rupture ; on se donne un critère de rupture (ou une loi de propagation de fissures) ; puis, on établit l'équilibre des forces entre ce copeau et le taillant tandis que dans le cas d'une loi de propagation de fissures, on effectue un bilan énergétique lié à la fracturation ; enfin, on calcule les efforts de rupture de manière explicite.

Lorsque l'on ne souhaite pas définir de géométrie de rupture a priori, on peut construire un modèle numérique (calcul aux éléments finis, aux éléments discrets) pour lequel on donne : une roche dont la rhéologie est postulée (souvent dans un cadre élastique) ; un critère de rupture ou des lois de propagation des fissures et un taillant exerçant un champ de déplacement imposé sur une section de l'échantillon de roche. De nombreux modèles ont ainsi été développés dans le domaine minier (Ingraffea, 1985 ; SELLAMI, 1987 ; Huang, 1999). Ces modèles sont souvent bidimensionnels et ne sont

pas adaptés à la prédiction des efforts de rupture. En revanche, ils sont utilisés pour décrire finement le processus de coupe et montrer l'influence des paramètres opératoires.

Que le modèle soit analytique ou numérique, qu'il privilégie la rupture par cisaillement ou par traction ou que les copeaux soient générés de manière discontinue ou continue, il n'y a pas consensus sur la modélisation des efforts de rupture dans la coupe des roches. Ce n'est pas surprenant car dans ce domaine, les taillants varient (par leur section ou par leur profil), les roches varient (par leur comportement à la rupture) et les conditions cinématiques varient (par la profondeur de passe et la vitesse de coupe). Ainsi suivant les cas, le ou les paramètres physiques représentatifs de la rupture peuvent être la cohésion et l'angle de frottement interne (NGUYEN, 1974), la résistance à la

compression simple (LEBRUN, 1978 ; DELIAC, 1986), la résistance à la traction (Evans, 1962 ; LEBRUN, 1978), la résistance au cisaillement (NISHIMATSU, 1972), la ténacité en mode traction pure (Dyskin,

3.2.3.2. Spécificités du forage pétrolier

Deux facteurs tendent à réduire le nombre des mécanismes de rupture observés dans le cas du forage pétrolier. D’une part, la boue de forage. D'après KOLLE (1996), Paterson (1978) montre qu’elle favorise la transition du mode fragile au mode ductile. DETOURNAY & DRESCHER (1992) expliquent que la

pression de boue a tendance à inhiber la propagation de fissures en mode traction pure. D’autre part, les taillants PDC ont des angles de coupe positifs ce qui privilégie le mode de rupture par cisaillement (NGUYEN,1974).

En revanche, les taillants PDC peuvent abattre des profondeurs de passe faibles (hc<0.5 mm), parfois même comparables à la taille des grains de la roche. Dans ce cas, des grains de roche sont arrachés à la matrice rocheuse. De telles profondeurs de passe sont imposées en contexte de roches dures afin de limiter l'usure des taillants. Le processus de coupe est plus ductile et le comportement des outils PDC est alors similaire à celui d'outils de forage spécialement conçus pour accomplir ces tâches : les outils à diamants naturels ou les outils TSP (Thermally Stable Polycrystalline) (Fig. 1.4). Selon les cas, le processus d'abattage se situe donc entre le pôle ductile et le pôle fragile.

Deux modèles analytiques de coupe développés pour le forage pétrolier, expriment cette dualité. S'inspirant des travaux de SELLAMI (1987), SELLAMI ET AL. (1989) modélisent la genèse d'un copeau

discontinu de roche de forme triangulaire par application du critère de rupture de Mohr-Coulomb (Fig.

3.10). La géométrie du copeau est paramétrée par l'unique angle α .

Fig. 3.10 : Schéma de principe du modèle SELLAMI ET AL. (1989)

Les efforts de rupture sont calculés en effectuant l'équilibre statique du copeau à la limite de la rupture puis en minimisant l'énergie de coupe par rapport à α . Les paramètres physiques de la rupture sont la cohésion et l'angle de frottement interne de la roche. Les auteurs ont comparé les efforts prédits par ce modèle bidimensionnel à ceux prédits par sa version tridimensionnelle et ont montré que la différence entre les deux approches est faible dès l'instant que la profondeur de passe reste faible (<2 mm). Ce modèle a ensuite été repris et validé par de nombreux auteurs : dans le cas des PDC usés et trimmers (Sellami & Simon, 1996 ; MENAND, 2001) ; dans le cas de l'étude des roches anisotropes (Simon, 1996 ; Boualleg, 2006) ; dans le cas de l'effet du refoulement (GERBAUD, 1999) ; dans le cas de la prise en

compte de roche broyée (MENAND, 2001).

S'inspirant des travaux de Merchant (1945) et Petryk (1987), DETOURNAY & DRESCHER (1992) modélisent la genèse d'un copeau continu de roche suivant un mécanisme d'écoulement parfaitement plastique sans perte de cohésion. Pour conserver le caractère analytique du modèle, la géométrie et la cinématique de l'écoulement plastique ont été simplifiées (Fig. 3.11). L'écoulement est constitué de blocs rigides délimités par des surfaces de discontinuité de vitesses et animés de vitesses homogènes par bloc. Les plans de cisaillement sont régis par le critère de rupture de Mohr-Coulomb et les surfaces de frottement par la loi de frottement de Coulomb.

Flux vers l’avant Flux vers l’arrière Flux mixte avec zone morte

Fig. 3.11 : Schémas de principe du modèle DETOURNAY & DRESCHER (1992)

Les efforts de rupture sont calculés comme précédemment si ce n'est que la géométrie de l'écoulement est paramétrée par plusieurs angles. Le mécanisme de rupture est identique à celui proposé par SELLAMI ET AL. (1989), c'est-à-dire le critère de rupture de Mohr-Coulomb, mis à part le fait que

DETOURNAY & DRESCHER (1992) se placent dans le cadre de la plasticité parfaite et non de la rupture

fragile. Les résultats de ce modèle ont été étendus au cas des taillants usés par DETOURNAY &

DEFOURNY (1992) et ont été utilisés et validés dans de nombreux contextes de coupe (types de roches,

géométries de taillants). On peut citer par exemple les travaux de RICHARD (1998) ou DAGRAIN

(2006).

Ces deux modèles sont donc en fait très semblables. Par principe, le premier se place dans le cadre du pôle fragile et, d'un point de vue phénoménologique, il est compatible avec la genèse de copeaux discontinus. Le second, en faisant appel à l'hypothèse de plasticité parfaite, est plongé dans le cadre du pôle ductile où le matériel abattu s'écoule de manière continue. D'un point de vue phénoménologique, l'hypothèse d’un copeau continu est compatible avec la coupe des argilites sous pression par exemple. Celle-ci génère en effet de longs copeaux de roche saine semblables aux copeaux observés dans la coupe des métaux. En revanche, cette hypothèse est incompatible avec la phénoménologie de la coupe des grès et des roches carbonatées en mode ductile qui génère principalement de la roche broyée (§ 3.2.2.1). Certains auteurs font intervenir des mécanismes un peu différents ou des mécanismes additionnels : CHEATHAM & DANIELS (1979) introduisent par exemple la résistance au cisaillement de la roche

comme paramètres représentatif de la rupture. WOJTANOWICZ & KURU (1993) considèrent la résistance

à la compression simple et la résistance au poinçonnement. La roche broyée est parfois prise en compte dans certains modèles analytiques (DELIAC, 1986 ; MENAND, 2001), mais sa genèse n'a jamais été

modélisée analytiquement. LEDGERWOOD (2007) aborde cette question importante dans le cas

particulier de la coupe des roches sous forte pression de boue (§ 3.3.3.4). Outre ces quelques différences, la plupart des modèles analytiques existants supposent que le mécanisme de rupture qui contrôle l'éjection des débris de coupe est la rupture par cisaillement. La plupart de ces modèles présentent les points communs suivants :

– les efforts de coupe sont proportionnels à la section de coupe ;

– les efforts de coupe sont linéaires suivant la résistance de la roche (sous ses différentes formes que sont résistance au cisaillement, résistance à la compression simple ou résistance au poinçonnement) ;

– les efforts de coupe augmentent avec l'angle de coupe ; – les efforts de coupe sont indépendants de la vitesse de coupe ; – le frottement modélisé est régi par une loi de type Coulomb.