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Chapitre 5. Modèle d’interaction taillant-roche

5.2. Ajustement du modèle dynamique de coupe

5.2.1. Méthode d’ajustement

L'influence de la roche sur les efforts de coupe étant naturellement prépondérante, on propose un modèle ajusté pour chaque roche. En outre, au travers de l'analyse de l'évolution du rapport Fn/F c notamment, on a montré que F et n F sont influencés par la vitesse de coupe de manière différente c (§ 4.4.1). Ces deux grandeurs étant mesurées par le capteur de force sur des voies indépendantes, on les ajuste séparément. Ainsi, dans le tableau suivant, apparaît le nombre de valeurs expérimentales utilisées pour l’ajustement du modèle dans chaque roche :

Ajustements du modèle à 3 corps

Anstrude Chauvigny Lacôme Buxy

154 128 56 224

Tab. 5.2 : Nombre de points expérimentaux ajustés par roche.

n

F et F ont été ajustés suivant la méthode des moindres carrés. Dans un premier temps, ces c ajustements ont été effectués automatiquement, à l'aide du logiciel de calcul scientifique Scilab. Ceci n’a permis de déterminer que des solutions optimisées intermédiaires puisque elles se sont avérées fortement dépendantes des conditions initiales de l’ajustement. On a donc, dans un second temps, procédé à un ajustement manuel des modèles pour chaque roche. Pour cela, on a limité les plages de variations de certains paramètres, de façon à respecter les tendances expérimentales décrites au § 4.2.

5.2.2.

Résultats des ajustements

On visualise les résultats des ajustements dans le diagramme représentant les efforts théoriques ajustés en fonction des efforts mesurés (Fig. 5.2).

Fig. 5.2 : Efforts mesurés / efforts théoriques

Les points de ces diagrammes représentent F et n F , pour l'ensemble des conditions opératoires c testées. Le nombre de points sur chaque diagramme correspond donc aux valeurs indiquées dans le

Tab. 5.2.

De part et d'autre de la bissectrice du diagramme, on représente deux droites d'erreur relative. La valeur annotée sur chacune de ces droites représente l'écart quadratique relatif moyen, défini par :

(

)

2 2 1 2 1 / 2 / 2 N mes theo i i i N mes i i F F N F F N = = − =

(Eq. 5.10)

On constate que l’erreur théorique est de l'ordre de 20 %, ce qui peut être considéré comme satisfaisant dans le domaine de la coupe des roches, même dans les roches les plus homogènes (SELLAMI, 1987). La qualité des ajustements peut être mieux appréhendée en calculant la population effective de points expérimentaux compris entre les deux droites d'erreur exprimée en pourcentage de la population totale : 67.5 % (Anstrude) ; 70.3 % (Chauvigny) ; 60.7 % (Lacôme); 78.6 % (Buxy). Ainsi, on constate que les écarts quadratiques relatifs moyens assez élevés obtenus dans le calcaire de Buxy et le calcaire de Chauvigny sont compensés par une population relative significativement plus élevée que dans les autres roches.

On a cherché à repérer parmi les essais, ceux pour lesquels l’écart à la valeur mesurée est le plus grand. Il ne ressort aucune tendance claire permettant de dire que le modèle à 3 corps est moins bien résolu dans certaines conditions opératoires, en termes de profondeur de passe, de vitesse de coupe ou de taillant utilisés. A des fins d'extrapolation, ce modèle peut donc être utilisé avec la même confiance quels que soient les paramètres opératoires extrapolés.

5.2.3.

Interprétation des résultats

Le modèle étant semi-empirique, on s’attend à ce que les coefficients soient représentatifs d'une certaine réalité physique. Les valeurs de ces coefficients ainsi que les écarts quadratiques relatifs moyens F pour chaque roche sont fournis dans le Tab. 5.3.

( ) c R× ( ) φ× stat σ ( ) x+ c φ Agran gran V K µ µ − 0( ) n F ∗ 0( ) c F

(MPa) (°) (MPa) (1) (°) (1) (m/s) (1/MPa) (1) (kN) (kN)

F Anstrude 30 35 38.8 1.3 31.5 14.10 5.31 0.0 0.61 0.00 0.09 (3.25%) (0.85%) (0.33%) (0.24%) (-) (-) (-) (0.04%) 15.67% Chauvigny 35 35 47.7 1.4 31.3 6.19 0.97 0.0 0.61 0.00 0.11 (2.73%) (0.65%) (0.46%) (0.23%) (-) (-) (-) (0.02%) 24.77% Lacôme 60 35 73.5 1.2 24.8 4.39 0.41 0.0 0.46 0.22 0.21 (2.52%) (0.48%) (0.80%) (0.43%) (-) (-) (0.07%) (0.07%) 18.07% Buxy 100 35 130.8 1.3 43.1 1.30 0.05 0.0057 0.00 0.31 0.28 (1.86%) (0.70%) (0.40%) (0.07%) (0.15%) (-) (0.05%) (0.04%) 20.85% ( )+ / stat c x=σ R

( )∗ Les valeurs fournies correspondent à

tai

w = 12 mm

( )× cf. annexe B.1

Tab. 5.3 : Coefficients d'ajustement par roche pour le modèle à 3 corps

Sous chaque valeur des coefficients d’ajustement, on a indiqué un pourcentage qui représente la sensibilité du modèle à ce coefficient. On mesure cette sensibilité à partir de l’effet d’une variation de

± 10 % de chaque coefficient sur la valeur de l’écart quadratique relatif moyen.

A titre d’exemple, dans le calcaire d’Anstrude, on fixe dans un premier temps σstat = 34.9 MPa et l’on calcule l’écart quadratique relatif moyen qui devient F −10% = F + 3.25 %. Puis, le même calcul est effectué pour 42.7 MPa. La valeur indiquée dans le tableau est celle qui réalise le maximum de

10%

F − et de F +10%. La valeur d’un paramètre très influent, comme σstat par exemple, peut être interprétée avec plus de confiance que celle d’un paramètre peu influent, comme 0

c

F . Ainsi, si le modèle physique est bien décrit, l’incertitude sur le paramètre influent est plus faible.

En l’occurrence, le paramètre le plus influent est la contrainte moyenne de coupe σstat. On fournit les valeurs de la résistance à la compression simple Rc et du rapport x=σstat /Rc. Il est remarquable de noter que ce rapport est à peu près constant pour les quatre roches testées. On retrouve le lien qui unit la résistance à la coupe et la résistance à la compression simple (RICHARD ET AL., 1998). Cependant,

on montre aussi que, de manière générale, l’énergie spécifique de coupe est très différente de la résistance à la compression simple, par le calcul suivant, portant sur l’énergie spécifique de coupe

/ S c c E =F S :

(

0 ; 0

)

c0

(

1

)

1.3 S S c ch stat c c stat c c F E E V l tan tan R S σ φ ω σ > = = = + + > ≈ ⋅ (Eq. 5.11)

La première inégalité peut être déduite des résultats expérimentaux présentés au § 4.3.2, selon lesquels l’énergie spécifique augmente à la fois avec la vitesse de coupe et la taille du chanfrein. L’égalité de l’équation précédente provient de l’écriture des efforts élémentaires (Eq. 5.9). On déduit la dernière inégalité du fait que tous les termes de l’égalité sont positifs. Ces résultats confirment les conclusions de l’étude bibliographique, selon lesquels la résistance à la compression simple est un indicateur de la résistance à la coupe mais n’est pas une mesure de l’énergie spécifique de coupe.

Comme la résistance à la compression simple, l’angle de frottement interne des roches peut varier sensiblement d’une campagne de mesure à l’autre, en fonction, par exemple, de la provenance de la roche (annexe B.1). D’après le Tab. 5.3, on constate alors que les valeurs ajustées des angles de frottement φ , qui est pourtant un paramètre bien contraint, sont grossièrement égales à l’angle de c frottement interne de la roche. Bien que ce résultat numérique ne fasse qu’accentuer la variabilité des angle de frottement sur la face d’attaque recensés dans la littérature (§ 3.4), il est cohérent avec la modélisation proposée. En effet, le modèle présuppose la présence systématique de roche broyée à l’interface entre le taillant et la roche en train d’être abattue. Cela favorise donc l’établissement de mécanismes de frottement de type roche/roche broyée sur la face d’attaque (et bien sûr sur le méplat artificiel). Or, dans ces circonstances, en se référant à DAGRAIN (2006), l’angle de frottement est censé se rapprocher de l’angle de frottement interne de la roche.

On ne peut pas commenter les valeurs ajustées des paramètres de l’interface zone broyée/saignée, Agran et Vgran, car le mécanisme associé a été emprunté à un autre champ de la physique. En revanche, on constate qu’ils sont sensiblement monotones en fonction de la "dureté" de la roche, de sorte que la fonction Agranlog

(

1+V Vc/ gran

)

est d’autant plus concave que la roche est dure. Le modèle ajusté est donc compatible avec ce qu’on observe sur la Fig. 4.8.

En outre, on constate que le paramètre ajusté Kµ est nul pour les trois roches les plus tendres. En fait, on a contraint ce paramètre à être positif ou nul, du fait de l’absence de phénomènes explosifs dans le domaine de la coupe des roches. Dans ces trois roches, le frottement sur le méplat artificiel est de type frottement de Coulomb.

En revanche, dans le calcaire de Buxy, Kµ>0 signifie que le coefficient de frottement sur le méplat artificiel diminue avec la vitesse de coupe. Ce paramètre permet ainsi de renforcer théoriquement l’observation expérimentale selon laquelle, pour certains essais de coupe, l’effort tangentiel diminue avec la vitesse de coupe (Fig. 4.4). Ce coefficient de frottement décroît jusqu’à sa valeur à l’infini µ,

qui est nulle (Tab. 5.3). Ainsi, dans le calcaire de Buxy, la contrainte normale sur le méplat artificiel augmente avec la vitesse de coupe et la contrainte tangentielle diminue à partir d’une certaine valeur de la vitesse de coupe (Eq. 5.2), phénomène qui s’apparente à de l’hydro-planning. Cependant, aucune mention n’est faite de l’occurrence d’un tel phénomène dans les expériences de HARTLEY & BEHRINGER

(2003), les auteurs ne présentant pas l’évolution du couple moteur suivant la vitesse de rotation des plateaux.

Enfin, en ce qui concerne les efforts à profondeur de passe nulle, 0

c

F et 0

n

F , on considère qu’ils sont associés à l’arrachement de grains de roche à profondeur de passe "nulle", cette notion de nullité restant floue dans le cas d’un matériau granulaire cohésif, comme une roche. Cependant, le modèle ajusté est peu sensible à ces paramètres (Tab. 5.3) et leur valeur, nécessairement positive ou nulle, reste faible, même dans les roches les plus dures, si bien que ces paramètres sont mal contraints. Remarquons que ces deux grandeurs représentent l’ordonnée à l’origine de courbe d’efforts suivant la profondeur de passe uniquement dans les cas où le taillant est aiguisé ou lorsque hc <hch.

Au cours de cette section, on a présenté les résultats des ajustements et on a proposé une interprétation physique des paramètres du modèle, excepté Agran et Vgran. Cependant, ces paramètres n’étant pas tous bien contraints, ce point de vue quantitatif est insuffisant. C'est pourquoi on étudie maintenant comment le modèle à 3 corps rend compte des tendances expérimentales détaillées au

Chapitre 4.