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Chapitre 1. Le stick-slip dans le forage pétrolier

1.2. Les vibrations des garnitures de forage

1.2.4. Les vibrations de torsion

1.2.4.2. De multiples formes de vibrations de torsion

Trop souvent, l’appellation "stick-slip" est utilisée pour décrire une multitudes de formes de vibrations de torsion. Par exemple, on observe l’occurrence du phénomène de "stick-slip off-bottom", qui se produit alors que l’outil ne fore pas BRETT (1992). L’outil ne forant pas, on comprend que cette forme

de stick-slip peut naturellement être considérée comme un pur problème de frottement lié au contact entre les gardes de l’outil de forage, les stabilisateurs ou les connexions vissées et les parois du puits. La source des instabilités provient de la forme spécifique des lois de frottement qui s’établissent au contact entre la garniture et le puits (contact métal-métal ou métal-roche).

DUFEYTE & HENNEUSE (1991) ont publié la dernière grande synthèse opérationnelle sur le stick-slip et

ont mis en évidence une autre forme de stick-slip qui se produit avec les outils à molettes, pourtant moins consommateurs de couple que les outils PDC. Depuis, d’autres auteurs ont confirmé l’occurrence de ce phénomène en signalant l’occurrence simultanée de variations significatives du poids sur l’outil (CHEN ET AL., 2002 ; ROBNETT ET AL., 1999). La source des instabilités est mal connue mais, étant

outils PDC (§ 1.1.3), la source des instabilités est certainement différente de celle du stick-slip avec les outils PDC.

Grâce aux développements des systèmes de mesures de fond de trou, plusieurs auteurs ont évoqué une forme haute fréquence des vibrations de torsion, se produisant dans la bande 10-100 Hz, liée à la résonance des drillcollars et appelée de ce fait "résonance de torsion" ou "torsional resonance" (WARREN

& OSTER, 1998). La Fig. 1.17 compare des enregistrements de fond correspondant à du stick-slip et de la résonance de torsion (LEDGERWOOD ET AL., 2010). On constate que, comme dans le cas du stick-slip

basse fréquence, les vibrations haute fréquence de l’outil sont très intenses et vont jusqu’à son arrêt complet. L’existence de ces vibrations est validée par PASTUSEK ET AL. (2007) et HALLIBURTON (2007).

Fig. 1.17 : Données de fond comparées stick-slip / résonance de torsion (LEDGERWOOD ET AL., 2010)

Les simulations conduites et validées expérimentalement par BRETT (1992) semblent montrer qu’un

même mécanisme soit à l’origine des deux phénomènes de la Fig. 1.17. En effet, cet auteur a réussi à expliquer par un même modèle, l’occurrence de vibrations de torsion haute fréquence (environ 60 Hz) se produisant sur un banc de forage (de rigidité élevée induisant une fréquence élevée) et du stick-slip basse fréquence (environ 0.15 Hz) se produisant pour une structure de forage réelle (de rigidité faible induisant une fréquence faible). L’approche suivie, décrite en détail au § 1.3.2, exige comme donnée d’entrée, l’hypothèse que le couple à l’outil diminue suivant la vitesse de rotation. L’auteur valide cette hypothèse aux différentes échelles expérimentales de son étude et attribue cette diminution à une difficulté d’évacuation des débris de coupe. Ce raisonnement implique donc qu’un même phénomène, lié à un écoulement de matière, se produit de la même manière dans un contexte de dynamique rapide (60 Hz) et de dynamique lente (0.5 Hz), ce qui n’a rien d’évident lorsque l’on se penche sur le comportement dynamique des outils PDC (§ 1.3.2.2).

Dans la pratique, différencier les formes de vibrations de torsion n’est possible que lorsque l’on a connaissance de l’évolution temporelle haute fréquence des grandeurs mécaniques et hydrauliques du problème. Par exemple, il se peut que le foreur applique le poids sur l’outil suivant un processus cyclique dont la fréquence correspond à une fréquence de résonance en torsion de la structure. Dans ce cas, on peut hâtivement conclure à la présence de stick-slip, alors qu’on a affaire à un régime forcé de vibrations de torsion. Des situations similaires peuvent être imaginées face à des problèmes de bourrage par exemple, si l’on n’a pas connaissance de l’évolution de la pression de boue.

1.2.4.3. Contexte opérationnel

Le stick-slip on-bottom et basse fréquence se produit préférentiellement dans le cas des puits verticaux et de diamètre élevé (FEAR ET AL., 1997), mais aussi dans le cas des puits fortement déviés

(HALLIBURTON, 2007) et plus généralement, lorsque les frottements tiges-puits sont importants (DUFEYTE & HENNEUSE, 1991). Ces auteurs n’ont détecté aucune influence du type de boue mais ont

observé une réduction de l’occurrence du stick-slip suite à l’ajout de lubrifiants.

L’emploi d’outils PDC, plutôt que d’outils à molettes favorise le stick-slip (DUFEYTE & HENNEUSE, 1991). Le risque de stick-slip est alors d’autant plus élevé que l’agressivité de l’outil PDC est grande.

Celle-ci peut être due au fait que les taillants sont neufs, qu’on utilise des taillants de large diamètre ou des outils dont le nombre de lames et de taillants est faible, ou encore des taillants dont l’angle de coupe est faible (HALLIBURTON, 2007). A l’inverse, le stick-slip est aussi favorisé par l’usure des taillants des outils PDC (BRETT, 1992 ; CHALLAMEL, 1999).

Agressivité et usure des outils PDC sont pourtant deux facteurs qui semblent agir de manière complémentaire puisque l’agressivité augmente le besoin en couple à l’outil, tandis que l’usure augmente principalement le besoin en poids sur l’outil. Cette contradiction est peut-être liée au fait que ces conclusions font implicitement référence à différents contextes de forage. En effet, les roches plastiques comme les argilites ou le sel (HALLIBURTON, 2007), caractérisées par un comportement à la

rupture de type ductile, sont connues pour favoriser le stick-slip. Il est possible que ce soit dans ce contexte que l’agressivité de la structure de coupe soit un facteur aggravant. A l’inverse, les roches dures, caractérisées par un comportement à la rupture de type fragile, sont, elles aussi, connues pour favoriser le stick-slip (BRETT, 1992 ; Fear, 2000) et c’est probablement dans ce contexte que l’usure

des taillants PDC est un facteur aggravant.

On montrera qu’il est en fait aussi possible que l’usure et l’agressivité de l’outil PDC augmentent le risque de stick-slip dans un même contexte de forage (Chapitre 7). De manière plus générale, selon (DUFEYTE & HENNEUSE, 1991), la lithologie est l’un des principaux facteurs de risque de stick-slip. Enfin, on a vu que le stick-slip se développe lorsque la vitesse de consigne est faible. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’on utilise un moteur de fond en mode "rotating" (DUFEYTE & HENNEUSE, 1991). Le

poids sur l’outil est aussi un facteur aggravant dans l’ensemble des contextes où le stick-slip se produit puisque d’une part, il augmente l’engagement de l’outil dans la roche et d’autre part, comme il est proportionnel au couple à l’outil, il accentue l’effet d’amortissement négatif.

Quels que soient les mécanismes à l’œuvre, les dégâts causés par le stick-slip sont multiples : usure prématurée des taillants qui subissent des régimes de vitesse élevés ; rotation inverse ou couplage à haute vitesse avec des vibrations latérales, puis écaillage des taillants PDC ; fatigue en torsion accélérée et dépassement éventuel des limites mécaniques en torsion des drillpipes ou des connexions ; variations intenses du couple en surface, calage du moteur de surface et endommagement éventuel des équipements de surface ; difficulté de transmission des données de fond. A cela s’ajoute une diminution importante de la vitesse d’avance du forage que DUFEYTE & HENNEUSE (1991) estimaient à 35 % des performances nominales.