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Influence des conditions opératoires sur le risque de stick-slip

Chapitre 7. Rôle de l’interaction outil-roche dans le phénomène de stick-slip

7.1. Influence des conditions opératoires sur le risque de stick-slip

Afin de se placer dans des conditions réalistes de forage, le modèle présenté au chapitre précédent doit incorporer l’effet de la pression de boue. Son impact sur les efforts de coupe est double. En effet, la résistance de la roche augmente, d’une part, du fait de la pression hydrostatique et d’autre part, du fait du phénomène de confinement dynamique (§ 3.3.3). On s’appuie notamment sur les travaux de SELLAMI (1987) et DETOURNAY & ATKINSON (2000) pour modéliser ces deux phénomènes. Les détails de ces modélisations sont fournis en (Annexe C).

On s’intéresse à un unique outil de forage utilisé dans une variété de conditions opératoires. Cet outil, noté P0, est un outil plat de diamètre 203.2 mm (8 ’’), composé de 19 taillants PDC chanfreinés à 45°. En ce qui concerne le poids sur l’outil, il existe une règle, dans la pratique du forage, qui consiste à appliquer environ 0.5 t par pouce de diamètre d’outil type PDC. Comme P0, la plupart des outils utilisés dans ce chapitre ont un diamètre de 8 ’’. C’est pourquoi, la plupart des simulations présentées par la suite correspondent à un poids sur l’outil de 4.0 t.

7.1.1.

Influence de la roche

On se place à la pression de boue de référence (24 MPa) pour présenter la réponse dynamique de l’outil P0 dans les calcaires d’Anstrude, de Chauvigny, de Lacôme et de Buxy. Comme au Chapitre 6, la réponse dynamique est constituée de la réponse en couple (TOB = f(RPM)) et de la réponse en vitesse d’avance (ROP = g(RPM)).

On rappelle que cette réponse dynamique est calculée pour une plage donnée de poids sur l’outil du fait du fonctionnement de DRILSIM, dont chaque calcul est effectué à vitesse d’avance (ROP) et vitesse de rotation imposées. Cependant, à la différence de la Fig. 6.6, on choisit de simplifier la lecture

des graphes, en ne représentant que la valeur moyenne des grandeurs (TOB, ROP) sur la plage de poids sur l’outil indiquée. En l’occurrence, les courbes suivantes ont été obtenues pour un poids sur l’outil compris dans la plage [4.0-4.1 t].

Fig. 7.1 : Réponse dynamique pour différentes roches (P = 24 MPa, WOB = 4.0 t)

On relève le résultat important que le couple à l’outil diminue avec la vitesse de rotation pour les quatre roches testées (Fig. 7.1, gauche). Cela va dans le sens des résultats expérimentaux obtenus sur banc de forage, dans le calcaire de Buxy et à pression atmosphérique (§ 2.2.1).

Plus précisément, on note, d’une part, qu’à poids constant, le niveau moyen du couple sur l’outil diminue avec la "dureté" de la roche (Fig. 7.1, gauche). Ceci est attendu puisque l’enfoncement des taillants dans la roche diminue avec la "dureté" de cette dernière. D’autre part, ∆TOB est d’autant plus élevée que la roche est "dure" (Fig. 7.1, gauche). Autrement dit, le risque de stick-slip augmente avec la "dureté" de la roche.

Ce dernier résultat représente un des résultats majeurs de cette thèse puisque le modèle outil-roche rend compte du résultat opérationnel classique selon lequel le risque de stick-slip augmente avec la dureté de la roche. L’originalité de ce résultat tient, en particulier, au fait que tous les raisonnements développés au cours de la présente thèse sont issus d’expériences conduites en régime quasi statique. Il n’est donc pas nécessaire d’invoquer un phénomène dynamique, comme l’occurrence de vibrations axiales (RICHARD, 2001), pour expliquer la décroissance du couple avec la vitesse de rotation.

BRETT (1992) proposait d’expliquer le phénomène de décroissance du couple avec la vitesse de rotation

par une difficulté accrue d’évacuer la roche abattue lorsque le régime de coupe est de type broyage plutôt que lorsqu’il est de type cisaillement. Les résultats obtenus ici et les arguments développés au cours des différents chapitres corroborent cette observation expérimentale clairvoyante : selon nous, le phénomène dynamique est effectivement lié au comportement de la roche broyée sous le méplat artificiel et la modélisation correspondante du cisaillement dynamique traduit cette difficulté à transférer la roche broyée vers l’arrière du taillant.

Les résultats précédents (Fig. 7.1) sont valables pour les quatre roches carbonatées testées. En outre, ils peuvent être étendus à tous les poids sur l’outil testés, toutes les pressions testées ainsi que tous les outils testés : les courbes sont toujours décroissantes et ∆TOB augmente toujours avec la "dureté" de la roche. L’intuition de BRETT (1992) peut donc être étendue à un cadre plus large que celui du stick-

slip. C’est le cas de toutes les courbes présentées dans ce chapitre : elles sont utilisables dans le cadre de régimes nominaux de forage.

Un autre résultat important est que, dans l’ensemble des conditions opératoires testées, et en particulier, pour toutes les roches testées (Fig. 7.1, droite), la vitesse d’avance est une fonction croissante et concave de la vitesse de rotation. Ce résultat confirme à nouveau les résultats

expérimentaux obtenus sur banc de forage qui ont permis d’expliquer la baisse des performances du forage en cas de régime de stick-slip (§ 2.2.4).

En outre, si l’on ramène la vitesse d’avance en mètres par heure, à une vitesse d’avance en millimètres par tour de l’outil (en la divisant par la vitesse de rotation), on obtient l’avancement axial de l’outil moyenné sur un tour (Fig. 7.2).

Fig. 7.2 : Avancement par tour pour différentes roches (P = 24 MPa, WOB = 4.0 t)

On constate ainsi que l’avancement par tour diminue avec la vitesse de rotation. C’est principalement l’effet du comportement de la roche broyée sous le méplat artificiel. Avec le phénomène de cisaillement dynamique, lorsque la vitesse augmente, la part de poids sur l’outil qui est dédiée à la coupe diminue. De manière cohérente, l’avancement par tour (qui peut être considéré comme la profondeur de passe maximale sur les taillants de l’outil), diminue avec la vitesse de rotation, à poids sur l’outil constant. Cela contribue donc à la décroissance du couple à l’outil avec la vitesse de rotation.

Les roches forées ne se distinguent pas seulement par leur résistance à la coupe, mais aussi par d’autres paramètres que l’on a défini au § 5.1.1. Ces paramètres influencent donc aussi les résultats présentés dans ce chapitre. C’est pourquoi, on a pris des précautions pour parler de "dureté" de la roche.

7.1.2.

Influence de la pression de boue

On s’intéresse maintenant à l’influence de la pression de boue, qui elle, peut agir de manière isolée sur le comportement mécanique de la roche, et en particulier, sur sa résistance. Notre modélisation, présentée en Annexe C, implique que si l’on augmente la pression de boue, cela revient à augmenter la résistance de la roche sans faire varier les autres paramètres, et en particulier les coefficients de frottement.

Plusieurs paramètres conduisent à une augmentation de la pression de boue. Tout d’abord la profondeur du forage bien sûr. La colonne hydrostatique de boue pèse d’autant plus que le forage est profond. Ensuite, la question de la densité de la boue est cruciale dans le forage puisqu’elle conditionne notamment la stabilité du puits. Or, la densité de boue conditionne aussi le poids de la colonne hydrostatique.

On présente ainsi deux simulations qui ont été conduites avec l’outil P0, avec un poids sur l’outil dans la plage [4.0-4.1 t] et sous deux pressions de boue de 24 et 36 MPa. D’après ce qui précède, ces deux simulations peuvent donc être vues comme :

– les deux réponses dynamiques d’une combinaison outil-roche donnée à une profondeur unique de 2000 m et correspondant à deux densités de boue de 1.2 et de 1.8 ;

– ou les réponses dynamiques d’une combinaison outil-roche donnée pour une densité de boue unique de 1.2 et correspondant à deux profondeurs de forage de 2000 m et 3000 m.

Fig. 7.3 : Réponse dynamique et pression de boue (Lacôme, WOB = 4.0 t)

On observe que ∆TOB augmente légèrement avec la pression de boue, de 115 à 127 daN·m sur la plage de pression choisie. Ce résultat peut notamment être interprété en termes de densité de boue : augmenter la densité de boue revient à augmenter le risque de stick-slip, toutes choses égales par ailleurs et notamment, la viscosité de la boue qui modifie les frottements le long de la garniture. En se reportant à l’annexe C.1, on note que lorsque la pression passe de 24 à 36 MPa, la résistance de la roche augmente de 5×12 = 60 MPa, le coefficient d’amplification K valant 5. C’est pourquoi, comme pour l’influence de la "dureté" de la roche, la vitesse d’avance diminue significativement avec la pression de boue (Fig. 7.3, droite). Ces résultats s’étendent à l’ensemble des roches et des poids sur l’outils testés.

En outre, cette augmentation équivalente de 60 MPa de la résistance de la roche conduit à une augmentation de 127 - 115 = 12 daN·m de ∆TOB. Par comparaison avec les résultats précédents, une augmentation de 122.0 MPa de la résistance de la roche de 38.8 MPa (Anstrude) à 130.8 MPa (Buxy), conduisait à une augmentation de ∆TOB de 125 - 49 = 76 daN·m. Cet impact plus fort du changement de roche par rapport à celui du changement de pression de boue, est à mettre au compte du frottement. En effet, changer de roche implique non seulement de changer la résistance de la roche mais implique surtout de changer les différents coefficients de frottement. Ce sont principalement eux qui expliquent les importantes variations de ∆TOB rencontrées dans le § 7.1.1.

7.1.3.

Influence du phénomène de confinement dynamique

Au cours des deux sections précédentes, on a mis en évidence le fait que ∆TOB augmente lorsque la résistance de la roche augmente, que ce soit en passant à une roche plus dure, ou en augmentant la pression de boue, supposée hydrostatique. Le phénomène de confinement dynamique, connu pour son effet d’augmenter la résistance de la roche (DETOURNAY & ATKINSON, 2000), on s’attend à ce que sa

prise en compte accentue l’augmentation de ∆TOB.

On présente dans la Fig. 7.4 la réponse dynamique de l’outil P0 dans le calcaire de Lacôme, à la pression de boue de référence (24 MPa), pour un poids sur l’outil de 4.0 t et pour différents degrés de confinement, caractérisés par la valeur de k (annexe C.2).

Fig. 7.4 : Réponse dynamique et confinement dynamique (Lacôme, P = 24 MPa,WOB = 4.0 t)

L’influence du confinement dynamique sur ∆TOB semble significative puisqu’elle révèle une variation maximale de 148 - 115 = 33 daN·m (Fig. 7.4, gauche). Mais les différentes courbes se croisent à différentes vitesses de rotation. On attribue ce résultat au fait que, suivant les valeurs de k, le phénomène de confinement dynamique se met en action à différentes vitesses de rotation. La décroissance du couple est donc d’autant plus rapide que l’amplitude k du confinement dynamique est grande.

D’après la Fig. 7.4 (droite), on observe que l’influence du confinement dynamique sur la vitesse d’avance est très significative. Tout comme pour l’influence de la roche et celle de la pression de boue, ceci est attribué au fait que lorsque le confinement dynamique augmente, la résistance de la roche augmente. Avec la plage de variations choisie pour k, cela revient à multiplier par deux la résistance de la roche. C’est pourquoi l’effet sur la vitesse d’avance est si important.

7.1.4.

Influence du poids sur l’outil

De nombreuses études ont montré que le couple à l’outil est proportionnel au poids sur l’outil (§ 1.3.2.2). On veut tester la validité de ce résultat dans une perspective de variation de la vitesse de rotation. Il se trouve que, d’après le modèle d’interaction outil-roche développé dans cette thèse, cette linéarité n’est pas garantie : d’une part, parce que les taillants PDC des outils sont cylindriques et chanfreinés et d’autre part, parce que les taillants d’un outil donné abattent des quantités de roche différentes. On représente donc dans la Fig. 7.5 l’évolution de TOB en fonction du poids sur l’outil, pour les quatre roches testées et à la pression de boue de référence.

Fig. 7.5 : TOB en fonction du poids sur l’outil (toutes roches, P = 24 MPa)

On constate que ∆TOB peut être considérée, avec une bonne approximation et dans une large gamme des WOB étudiés, comme proportionnelle au poids sur l’outil et croissante suivant cette même grandeur. Ce résultat s’étend à toutes les roches et toutes les pressions de boue testées et confirme théoriquement deux résultats recensés dans la littérature :

– le risque de stick-slip augmente avec le poids sur l’outil. On justifie donc théoriquement la solution qui consiste à diminuer le poids sur l’outil pour réduire le stick-slip (§ 1.2.4.4) ;

– le couple à l’outil est généralement considéré comme proportionnel au poids sur l’outil (§ 1.3.2.2). On vient de montrer que ∆TOB est proportionnelle au poids sur l’outil. On valide donc la proportionnalité du couple à l’outil et du poids sur l’outil à toutes les vitesses de rotation.

7.1.5. Conclusion

On a pu aborder, d’un point de vue théorique, un certain nombre de caractéristiques du stick-slip, certes connues en pratique, mais encore partiellement élucidées. Ces résultats théoriques essentiels pour la validation du modèle théorique sont les suivants :

– le risque de stick-slip augmente avec la dureté de la roche et la pression hydrostatique de boue ; – cependant, ce risque est contrôlé principalement par les forces de frottement taillant-roche plutôt

que par la pure résistance de la roche ;

– le phénomène de confinement dynamique, pris en compte ici de manière approximative, semble avoir, du fait de son caractère dynamique, un impact significatif sur le risque de stick-slip ;

– le risque de stick-slip augmente avec le poids sur l’outil ;

– dans une perspective d’évolution de la vitesse de rotation, la relation de proportionnalité entre le couple à l’outil et le poids sur l’outil reste justifiée.