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Chapitre 3. Le processus de coupe des roches

3.3. La transition fragile-ductile

3.3.4. Influence de la vitesse de coupe

3.3.4.1. Effets dynamiques sous pression de boue

Les travaux de Zijsling, Kolle, Detournay, Atkinson et Tan mettent en évidence l'influence conjointe de la perméabilité des roches et de la pression de boue sur le durcissement de la roche (§ 3.3.3.2). Le problème mécanique est alors diffusif et exige la prise en compte du temps et de la vitesse de coupe. DETOURNAY & ATKINSON (2000) définissent ainsi trois régimes de coupe :

– le régime de haute vitesse : si la vitesse de coupe est élevée ou la perméabilité est faible, le fluide interstitiel n'a pas le temps de s'écouler vers les pores qui se dilatent. En termes hydrauliques, on parle de problème non drainé. Il y a cavitation des pores ;

– le régime à basse vitesse : si la vitesse de coupe est faible ou la perméabilité est élevée, on parle de problème drainé. La pression de pore est alors égale à la pression de pore à l'infini ;

– le régime transitoire : à vitesse de coupe et perméabilité moyennes, la pression de pore varie entre la pression de cavitation et la pression de pore à l'infini suivant les conditions de coupe.

Ainsi, pour des roches très peu perméables, la pression différentielle est égale à la pression de boue, quelle que soit la vitesse de coupe. Pour des roches très perméables, la pression différentielle est égale à la différence entre la pression de boue et la pression de pore à l'infini, quelle que soit la vitesse de coupe. En revanche, dans des roches de perméabilité moyenne, la pression différentielle et par conséquent la résistance de la roche augmentent avec la vitesse de coupe (ZIJSLING, 1987).

KOLLE (1996) mesure les efforts qui s'exercent sur des taillants TSP (Fig. 1.4), de section carrée (3 mm

de largeur), d'angle de coupe de 20°, à une profondeur de passe de 0.3 mm, pour des vitesses de coupe représentatives du forage pétrolier et comprises entre 0.5 m/s et 8 m/s, dans cinq roches de porosité, perméabilité et résistance variables et soumises à des pressions de boue inférieures à 70 MPa.

En ramenant Fc et Fn à la section de coupe A, il s'intéresse alors respectivement à l'énergie spécifique E, et à la résistance au forage S ("drilling strength") :

/ / s n E F A S F A  =   =  (Eq. 3.9)

L'essentiel des résultats qu'il présente est relatif à la résistance au forage étant donné qu'une des finalités de son article est de discuter de l'usure des taillants TSP, qui est principalement liée à la résistance au forage. L'auteur confirme les prédictions de son modèle et de celui de DETOURNAY &

ATKINSON (2000) : la vitesse de coupe a peu d'effet sur la résistance au forage des trois roches imperméables (argilite de Mancos, marbre de Carthage et dolomite de Bonne Terre). Dans le cas du grès de Béréa, les prédictions du modèle sont bonnes et conduisent à un effet notable de la vitesse de coupe. En revanche, dans le grès de Colton, le confinement dynamique observé est plus grand à faible vitesse de coupe, ce qui est contraire aux prédictions du modèle.

Le modèle DETOURNAY & ATKINSON (2000) quantifie les conditions de coupe qui contrôlent ce phénomène de confinement dynamique, par l'intermédiaire de la grandeur sans dimension :

4

vd D

v d D, , désignent la vitesse de coupe, la profondeur de passe et le coefficient de diffusion de l'écoulement. Celui-ci vaut :

f k D C φµ = (Eq. 3.11)

k, , ,φ µCf désignent la perméabilité intrinsèque, la porosité, la viscosité dynamique et la compressibilité du fluide interstitiel. Le régime haute vitesse est caractérisé par λ >10 ; le régime transitoire par 0.001< λ <10 et le régime basse vitesse par λ <0.001.

En conclusion, la pression de boue a une influence considérable sur l'ensemble des observables d'un essai de coupe. En toute généralité, le problème de la coupe sous pression de boue est un problème diffusif qui induit la dépendance des observables à la vitesse de coupe. Au cours de leurs essais expérimentaux ou numériques, ZIJSLING (1987), SELLAMI ET AL. (1989), KOLLE (1996) et LEDGERWOOD (2007) ont imposé des pressions de boue élevées (entre 20 MPa et 80 MPa) et des

profondeurs de passe très faibles (entre 0.15 mm et 1 mm). Ces conditions de coupe sont caractéristiques des forages de grande profondeur (60 MPa⇔5000 m) ou des forages en roches dures (profondeurs de passe<1 mm).

3.3.4.2. Effets dynamiques à pression atmosphérique

A pression atmosphérique, le phénomène de confinement dynamique n'est pas actif puisqu'il est lié à la pression de pore qui est, elle aussi, à pression atmosphérique. Cependant, un autre mécanisme est susceptible d’intervenir. En effet, dans le domaine de la fragmentation dynamique des roches (tir à l'explosif) de nombreux auteurs étudient le comportement des roches sous compression dynamique. La barre de Hopkinson est un dispositif expérimental conçu pour étudier ce comportement. Son principe de fonctionnement est similaire à celui d'un essai de compression simple. L'échantillon de roche cylindrique est placé entre deux barres instrumentées, cylindriques, de même diamètre que l'échantillon. On lance un projectile sur l'une des deux barres de sorte qu'une onde de compression longitudinale se propage de part en part. L'essai consiste à mesurer l'état de contrainte, la déformation axiale et la vitesse de déformation axiale.

Les nombreuses études expérimentales sur le sujet montrent que la résistance à la compression d'une grande variété de roches (sédimentaires, volcaniques, métamorphiques et artificielles) évolue en fonction de la vitesse de déformation suivant une loi générale du type :

(

)

0 0 1/3 1 ( / ) , , c c c c c R R log si R si β ε ε ε ε ε ε ε  = + ⋅ <   ∝ >         (Eq. 3.12) Où 0 0 , , , , , c c c

R ε ε  R ε β désignent la résistance à la compression, la vitesse de déformation, la vitesse de déformation critique et trois constantes dépendant de la roche. On renvoie le lecteur à KOEPCHEN

(1991) qui propose une étude bibliographique approfondie sur ce sujet. La Fig. 3.21 présente une série d’essais effectués dans un tuf (ORTIZ, 2000, d'après Olsson, 1991). β est souvent très inférieur à 1 si

bien que la résistance à la compression est constante sur une large gamme de vitesses de déformation. DELIAC (1986) donne β0.07 pour un granite et β ≈0.03 pour un schiste bitumineux.

Fig. 3.21 : Résistance à la compression en fonction de la vitesse de déformation (ORTIZ, 2000)

DELIAC (1986) analyse une série d'essais de coupe avec un pic à attaque avant coupant un béton

(Rc = 50-60 MPa) à des profondeurs de passe comprises entre 4 mm et 10 mm et des vitesses de coupe comprises entre 0.5 m/s et 2.75 m/s. Il n'observe aucun effet significatif de la vitesse. On peut conclure d'après ses résultats que les vitesses de déformation correspondant à ces essais de coupe sont inférieures à la vitesse de déformation critique, εc. L'auteur spécifie que εc vaut typiquement 10² s-1.

Afin d’estimer expérimentalement les vitesses de déformation du forage pétrolier, KOEPCHEN (1991) a

analysé des enregistrements d’efforts élémentaires de coupe par des taillants PDC, sur banc linéaire. En divisant l’effort de coupe par la surface de coupe et en rapportant cette quantité à la durée moyenne du cycle de rupture, il a montré que la vitesse de chargement obtenue dans de nombreuses roches du domaine pétrolier est comprise entre 101 et 104 MPa/s. En divisant par les modules

d’Young correspondants, il obtient des vitesses de déformation comprises entre 10−3 et 1 s−1, qu’il

juge, lui aussi, inférieures à εc.

Cependant, l’estimation proposée par KOEPCHEN (1991) est fondée sur des essais sur banc linéaire,

dont la vitesse de déplacement est de l’ordre du millimètre par seconde. Or, les vitesses de coupe du forage pétrolier sont plutôt de l’ordre du mètre par seconde. Par ailleurs, l’auteur souligne que de nombreux auteurs ont montré que le module d’Young dépend lui aussi de la vitesse de chargement. Tous ces facteurs pris en compte, il est difficile de prédire où se situent les vitesses de déformation du forage pétrolier par rapport aux vitesses de déformation critiques correspondantes.

D’une part, il est probable que la résistance à la compression simple soit constante suivant la vitesse de coupe et que cette dernière n’ait, par conséquent, aucune influence sur les efforts de coupe. Dans ce cas, l’hypothèse d’indépendance des efforts de coupe à la vitesse de coupe, faite par l'ensemble des auteurs étudiant le processus de coupe à pression atmosphérique, est justifiée. Mais dès lors que la vitesse de coupe du forage augmente, que la profondeur de passe diminue ou bien que la résistance de la roche augmente, il se peut que la résistance à la compression simple augmente avec la vitesse de coupe, et éventuellement de manière très importante.

Outre l’étude expérimentale de KOEPCHEN (1991), rares sont les études expérimentales de la littérature

du forage pétrolier qui portent sur l'influence de la vitesse de coupe sur les efforts de coupe. BESSELINK

(2008) a conduit une telle étude sur une cellule de forabilité (dispositif nommé TAZ), qui fonctionne à pression atmosphérique et dont l’action est semblable à celle d’une meule et les vitesses de coupe atteignables, comparables à celles du forage pétrolier (Fig. 3.22).

Fig. 3.22 : Schéma de principe du dispositif TAZ (BESSELINK, 2008)

L'auteur conduit une série d'essais de coupe à pression atmosphérique dans du grès de Castlegate (Rc = 15 MPa), avec des taillants rectangulaires (10 mm de largeur), usés (épaisseur du méplat 1 mm), d'angle de coupe valant 15°, à des profondeurs de passe comprises entre 0.35 mm et 0.6 mm (d'autres profondeurs ont été testées mais n'entrent pas dans le cadre de la discussion) et des vitesses de coupe comprises entre 0.01 m/s et 0.94 m/s. L'auteur montre que le processus de coupe est ductile et que dans ce cadre assez spécifique, la vitesse de coupe n'a pas d’effet significatif sur les efforts de coupe.