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Chapitre 3. Le processus de coupe des roches

3.2. Caractéristiques générales des régimes de coupe

3.2.1. Le pôle fragile

3.2.1.1. Phénoménologie de la coupe

Dans ce mode, l'essentiel des débris est constitué de copeaux de roches discontinus (Fig. 3.5). Leur taille est très variable suivant l'application. Ils se forment lorsque la profondeur de passe est

suffisamment grande (1-2 mm suivant le type de roche). Dans ce cas, leur longueur vaut entre 1 et 10 fois la profondeur de passe.

Copeau centimétrique en

abattage minier Copeaux millimétriques en forage pétrolier (hc = 1.6 mm)

Fig. 3.5 : Débris de coupe à profondeurs de passe élevées (DELIAC, 1986 ; clichés personnels)

La genèse du copeau est décrit en trois phases par NISHIMATSU (1972) dans le cas d'essais de coupe

conduits dans un tuf (roche volcanique) et trois bétons, avec un taillant rectangulaire, d'angle de coupe négatif et pour des profondeurs de passe comprises entre 2 mm et 16 mm (Fig. 3.6) :

– la phase de broyage et compactage : une zone de roche broyée se forme localement à la pointe du taillant. Celle-ci est immédiatement recompactée sur le taillant et fait corps avec ce dernier. Cette zone, bien connue dans la coupe des métaux, porte le nom de "built-up edge" ou "zone morte". Nishimatsu la nomme "zone primaire de roche broyée" (Fig. 3.6, zone 'a') ;

– la phase de genèse de copeaux macroscopiques : à profondeur de passe suffisante, une fissure macroscopique se propage et s'appuie sur la zone primaire de roche broyée. Cela conduit à l'éjection du copeau (Fig. 3.6, volume AA'B). L'auteur précise que la fissure principale se propage sous le niveau de la saignée théorique générant une "zone de surcoupe" (Fig. 3.6, zone 'c') ;

– la phase de broyage et de genèse de poudre de roche, de grains isolés ou de petits fragments de roche saine : le taillant pénètre plus loin dans la roche et tout le matériel qui n'est pas en passe d'être éjecté sous la forme d'un copeau macroscopique est alors broyé par l'action de la zone primaire de roche broyée. L'auteur nomme ce volume supplémentaire abattu la "zone secondaire de roche broyée" (Fig. 3.6, zone 'b').

Fig. 3.6 : La genèse d'un copeau de roche (NISHIMATSU, 1972)

Dans le domaine pétrolier et en s’appuyant sur les travaux de SELLAMI ET AL. (1989), KOEPCHEN

(1991) décrit le processus de coupe des roches par les taillants PDC (d’angle de coupe positif) suivant une succession similaire de phases : broyage jusqu’à ce que le front de coupe prenne la forme du taillant ; à mesure que la profondeur de passe effective augmente, des petits éclats de roche sont produits ; lorsque la surface de contact entre le taillant et la roche est suffisante, un copeau principal se détache de la roche.

3.2.1.2. Cycle de coupe

Ainsi décrit, le processus de coupe permet d'expliquer l'évolution des efforts de coupe instantanés. La

Fig. 3.7 met ce lien en évidence :

Fig. 3.7 : Le processus de coupe inscrit dans les efforts de coupe (DELIAC, 1986)

Le pic d'effort principal (Fig. 3.7, 'c') est lié au cycle de chargement-rupture du copeau principal tandis que les pics d'efforts secondaires sont liés au broyage de petits volumes de roche et aux cycles de chargement-rupture de petits éclats de roche. On constate qu'après l'éjection du copeau principal, l'effort de coupe chute à une valeur proche de zéro indiquant que le taillant a presque perdu le contact avec la roche.

Ce scénario de coupe a été observé par de nombreux auteurs. Dans le domaine minier, on peut citer par exemple les travaux de NGUYEN (1974) appliqués à l'étude d'un béton, de DELIAC (1986) dans le cas de roches carbonatées et de bétons, ou encore de WEI ET AL. (2003) dans le cas de la diabase.

En forage pétrolier, la présence de macro-copeaux est moins fréquente puisque les profondeurs de passe sont plus faibles. Toutefois, aux plus grandes profondeurs de passe (hc>1-2 mm), ce processus est aussi observé. On peut citer par exemple les travaux de SELLAMI (1990), RICHARD (1998), GERBAUD

(1999), principalement dans le cas de calcaires et de grès.

3.2.2.

Le pôle ductile

3.2.2.1. Phénoménologie de la coupe

Dans ce mode, on génère un ensemble hétérogène de petits fragments de roche saine et une part substantielle de poudre de roche et de grains arrachés à la matrice rocheuse (Fig. 3.8). Ce processus de coupe se produit préférentiellement lorsque la profondeur de passe est faible.

Grès des Vosges (hc = 1.6 mm) Calcaire d'Anstrude (hc = 1.6 mm)

Calcaire de Lacôme (hc = 0.8 mm)

Fig. 3.8 : Débris de coupe à profondeurs de passe faibles (clichés personnels)

Ces clichés proviennent d'essais conduits avec des taillants carrés de 12 mm de côté. Le cliché de gauche (essai réalisé à Vc = 0.3 m/s) montre que l'essentiel des débris est constitué de roche broyée. Comme l'enceinte est fermée pendant l’essai, la roche broyée est projetée sur les bords de la saignée et s'y amasse. Les copeaux de roches sont rares. Le cliché du milieu (Vc = 0.3 m/s) montre que dans certains cas, le front de coupe est préservé en fin d'essai et que sa surface est lisse car constituée de roche broyée. Sur le cliché de droite, le front de coupe est resté collé sur la face d'attaque du taillant en fin d'essai. Ces observations sont conformes à celles rapportées par RICHARD (1998), dans le cas du

mode ductile.

3.2.2.2. Cycle de coupe

Les variations temporelles de l'effort de coupe sont plus faibles (Fig. 3.9, gauche) que dans le pôle fragile (Fig. 3.9, droite). Les éclats de roche sont plus petits et les efforts chutent moins brutalement car le taillant est en contact permanent avec une couche de roche broyée. Ces enregistrements sont extraits de RICHARD (1998) et correspondent à des essais de coupe conduits dans du grès des Vosges à

0.3 mm et 3.6 mm de profondeur de passe, respectivement.

Fig. 3.9 : Variations temporelles de l'effort de coupe (RICHARD, 1998)