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Chapitre 1. Le stick-slip dans le forage pétrolier

1.2. Les vibrations des garnitures de forage

1.2.4. Les vibrations de torsion

1.2.4.4. Lutter contre le stick-slip

Du fait de la variété des contextes de forage dans lesquels le stick-slip se produit et des multiples formes qu’il peut prendre, de nombreuses solutions ont été inventées pour lutter contre le stick-slip. Solutions immédiates :

Lorsque du stick-slip apparaît, on recommande aux foreurs de suivre des procédures similaires à celles représentées sur la Fig. 1.18, où l’on cherche à modifier le poids sur l’outil et la vitesse de consigne. On préconise de désengager l’outil de la roche pour éviter les blocages ou d’augmenter la vitesse de rotation pour franchir la vitesse-seuil. On doit alors veiller à ce que d’autres modes de vibration ne soient pas excités.

Fig. 1.18 : Recommandations opérationnelles immédiates contre le stick-slip (SCHLUMBERGER, 2007)

Solutions différées :

Si les problèmes persistent, il faut envisager des solutions qui mettent le forage en attente. L’une des plus courantes consiste à diminuer les frottements le long de la garniture. Pour cela, on recommande de nettoyer le puits en manœuvrant axialement la garniture, en la faisant tourner rapidement et en augmentant le débit de boue pour dissiper d’éventuels bouchons ("back-reaming"). La garniture étant suspendue, les risques de vibrations latérales sont accrus (HALLIBURTON, 2007).

Une autre solution consiste à injecter des lubrifiants (liquides ou solides) pour empêcher les phénomènes de colmatage (ABDOLLAHI & SKALLE, 2003). Cette solution présente deux inconvénients

majeurs. D’une part, le coût des additifs est de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de dollars. D’autre part, lubrifier les contacts tiges-puits peut conduire à diminuer le frottement visqueux tiges- boue et ainsi diminuer l’amortissement des oscillations de torsion (§ 1.4.2.3).

Solutions anticipées (hardware) :

Si les solutions précédentes sont inefficaces, on peut modifier la composition de la garniture en ajoutant ou en remplaçant des sous-composants mécaniques. Ces solutions, "hardware", sont très variées. On présente ci-dessous les technologies les plus emblématiques.

La première se rapporte à un type de conception d’outils. Sur l’outil représenté dans la Fig. 1.19, en arrière d’une rangée de taillants primaires, on dispose une rangée de taillants secondaires dont l’engagement dépend de l’engagement des taillants primaires. Dans cet exemple, les taillants secondaires sont moins agressifs (et donc moins performants) que les taillants primaires. En outre, du fait d’un différentiel de profondeur de passe entre la rangée primaire (notée 36) et la rangée secondaire (notée 41), les taillants secondaires n’entrent en action que lorsque la profondeur de passe des taillants primaires dépasse un seuil donné. Les taillants secondaires servent donc non seulement de limiteurs de profondeur de passe mais ils participent aussi à la coupe, contrairement à des amortisseurs d’impact ("impact arrestors") (Fig. 1.4, c). Cette technologie permet, selon les auteurs du brevet (TAYLOR ET AL., 2001), d’obtenir une évolution croissante du couple résistant avec la vitesse de rotation, contraire

à celle présentée sur la Fig. 1.14. Dans le principe, c’est un outil anti-stick-slip. Ce brevet ne renvoie à aucun modèle théorique permettant d’expliquer ce comportement tout à fait singulier.

Fig. 1.19 : Design d’outils PDC anti-stick-slip (TAYLOR ET AL., 2001)

Le crédit que l’on accorde à cette invention provient du fait que ce principe de conception a été largement développé dans l’industrie du forage, sous le nom de technologie "Depth Of Cut Control" (DOCC) (JAGGI ET AL., 2007). La Fig. 1.4 (a-c) en montrent plusieurs exemples proposés par différents

fabricants d’outils. Cette technologie semble offrir d’autres avantages que la seule réduction du risque de stick-slip. En effet, limiter l’engagement des taillants dans la roche permet aussi de diminuer la charge par taillant et ainsi l’usure de l’outil, qui réduit, d’ailleurs, à son tour le risque de stick-slip (JAGGI ET AL., 2007). Ces configurations d’outils sont utilisées dans les roches dures et abrasives qui

requièrent une coupe peu agressive ou une bonne stabilité de l’outil, tant du point de vue vibratoire (en torsion et en flexion) que directionnel. L’inconvénient majeur de cette technologie est son prix, puisqu’elle nécessite des développements avancés dans tous les domaines techniques du design d’outils (positionnement très précis des taillants, matériaux dédiés aux applications dures et abrasives, équilibrage de la structure de coupe, qualité des écoulements fluide, etc.). Cependant, contrairement aux autres technologies existantes, elle a l’avantage de ne pas comporter de parties mobiles.

C’est le cas par exemple du système Torkbuster (Fig. 1.20, gauche). Ce système vise à appliquer à l’outil un couple harmonique haute fréquence, qui se superpose au couple nominal et empêche les blocages de l’outil. Pour cela, une partie de l’énergie hydraulique est convertie en mouvement de percussion en torsion, par l’intermédiaire d’une turbine, positionnée juste au-dessus de l’outil.

Un autre système récent, "Anti-Stall Tool" (AST), fonctionne suivant le principe d’une coulisse qui se rétracte quand le couple à l’outil augmente (Fig. 1.20, milieu). Aux risques associés à un composant à parties mobiles, s’ajoutent les risques liés au couplage interne entre le mode de torsion et le mode axial. On trouve d’autres systèmes pour contrôler l’évolution du couple à l’outil, et notamment des limiteurs de couple.

Contrairement aux systèmes précédents, qui sont liés à l’action de l’outil de forage, d’autres systèmes cherchent à prévenir le stick-slip en se focalisant sur les frottements entre la garniture et le puits. Les "roller-reamers", par exemple, combinent une fonction de réduction des frottements tiges-puits avec une fonction de reaming. Il semble que ces systèmes aient non seulement des propriétés anti-stick-slip (Fig. 1.20, droite) mais limitent aussi l’entretien du whirl en diminuant le couple de frottement aux points de contact tiges-puits (SOWERS ET AL., 2009).

Torkbuster Anti-stall tool Roller-reamer

Fig. 1.20 : Exemples de systèmes anti-stick-slip

D’autres auteurs ont proposé d’ajouter un manchon positionné près de l’outil, en contact continu avec le puits, pour faire en sorte que le couple résistant global soit une fonction croissante de la vitesse de rotation permettant de stabiliser la garniture (PAVONE, 1994). L’inconvénient d’une telle solution est

de n’être efficace qu’au prix d’une diminution importante du couple disponible à l’outil. Solutions anticipées (software) :

La dernière classe de solutions contre le stick-slip consiste à réguler les commandes de surface (vitesse de rotation, poids au crochet). HALSEY ET AL. (1988) ont conduit les premiers travaux en ce sens, à

partir de deux constatations fondamentales. D’une part, les ondes de torsion se propagent le long des garnitures de forage avec une faible dispersion. D’autre part, comme l’inertie de la table de rotation est élevée et comme la vitesse de consigne est constante, le coefficient de réflexion des ondes de torsion en surface est proche de un (92 % selon ces auteurs). Afin d’absorber les ondes de torsion en surface, les auteurs proposent de réguler la vitesse de consigne, à l’aide d’un capteur de mesure du couple et de vitesse en surface et d’un correcteur proportionnel branché sur le moteur.

Depuis, plusieurs auteurs ont repris ce système en améliorant la mesure des grandeurs de surface (Worrall, 1990 ; Sananikone, 1992, Javanmardi & Gaspard 1992, d’après LEINE, 1997), en utilisant des correcteurs plus robustes (JANSEN, 1993 ; VAN DEN STEEN, 1997) ou encore en mettant en œuvre des

procédures d’accordage plus efficaces (VAN DEN STEEN, 1997). Les relations de proportionnalité qui existent entre les grandeurs électriques (respectivement intensité et tension) et mécaniques (respectivement vitesse de rotation et couple) permettent de représenter les analogues mécaniques de ces systèmes électroniques, à l’aide d’associations masse-ressort-amortisseur. Dans la Fig. 1.21, on représente le schéma de principe de l’absorbeur de couple appelé "Soft Torque Rotary System" (STRS), tel qu’il a été étudié par VAN DEN STEEN (1997). La structure de forage est elle-même représentée par

une combinaison simple de masses, ressorts et amortisseurs (système à masse concentrée).

La commande, linéaire et passive, est de type régulateur proportionnel-dérivé, afin d’assurer l’hyper- stabilité de l’asservissement ("hyper-stability approach"). Pour fonctionner, le STRS doit être accordé, en déterminant des valeurs optimales des deux paramètres k et f c . L’auteur propose plusieurs f critères d’accordage, suivant que l’on se trouve dans un régime d’oscillations de torsion de faible amplitude, de moyenne amplitude ou dans un régime de stick-slip.

Système à masse concentrée Diagramme d’accordage du STRS

Fig. 1.21 : Schéma de principe et accordage du STRS

Dans le cas du régime de stick-slip, les paramètres d’accordage doivent être déterminés numériquement, en résolvant, dans le domaine temporel, les équations du mouvement de cet oscillateur à deux degrés de liberté pour un couple donné de valeurs de k et f c . A chaque simulation, on f détermine la vitesse-seuil de la garniture de forage. Puis, on construit le diagramme d’accordage du système en parcourant l’espace des paramètres k et f c (Fig. 1.21). Dans cet exemple, on constate que f le minimum de la vitesse-seuil vaut environ 23 TR/MIN et qu’il est atteint pour k cf, f= 1990, 470. Les paramètres utilisés pour ces simulations sont fournis au § 1.4.2.1.

Le STRS a beaucoup été étudié et utilisé (KEULTJES & SAVIGNAT, 2001). D’autres systèmes ont vu le jour depuis (KYLLINGSTAD & NESSJOEN, 2009), et la recherche reste très active pour améliorer les

commandes de surface (SERRARENS, 1998 ; KARKOUB ET AL., 2009, etc.), même si, sur le terrain, on privilégie parfois la robustesse à la précision de la commande (VAN DEN STEEN, 1997).