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Chapitre 1. Le stick-slip dans le forage pétrolier

1.3. Les approches théoriques existantes du stick-slip en forage pétrolier

1.3.2. Le stick-slip dans le mode torsion

1.3.2.2. Lois de frottement en forage pétrolier

Le frottement de Coulomb est un modèle utilisé dans de nombreux domaines de la physique, en particulier dans la coupe des roches. Cependant, suivant les matériaux en interaction et les lubrifiants utilisés, on trouve des lois de frottement plus complexes (§ 1.3.2.2). Dans ce cas, on ne peut plus conclure de manière générale sur la stabilité du régime stationnaire et du régime de stick-slip. Pour approfondir l’étude de la stabilité du régime de stick-slip dans le domaine plus général de la dynamique des machines tournantes, on renvoie le lecteur à (CHALLAMEL, 2000 ; LEINE, 2000 ; RICHARD, 2001).

Dans cette partie, on s’intéresse à décrire les lois de frottement qui sont observées et utilisées dans la littérature du forage pétrolier, car c’est un de nos principaux objectifs que d’avoir accès à cette loi. BRETT (1992) étudie l’évolution du couple à l’outil en fonction de sa vitesse de rotation pour un outil

forage expérimental de 400 m, rig de forage réel de 4000 m). L’auteur montre que dans les trois cas, du stick-slip se produit à des fréquences contrôlées par la longueur caractéristique de la structure porteuse : à haute fréquence sur le banc de forage (60 Hz) et à basse fréquence sur le rig test (0.5 Hz) et sur le rig réel (0.15 Hz). D’après la mesure du couple à l’outil et de la vitesse de rotation sur le banc de forage, il montre que la loi de frottement est strictement décroissante (Fig. 1.28). Il injecte cette condition à la limite dans un modèle de pendule de torsion similaire à celui présenté plus haut et démontre, grâce aux systèmes de mesure de fond et de surface utilisés, que cette loi de frottement permet de retrouver l’évolution du couple à l’outil, de la vitesse à l’outil et de la vitesse en surface obtenue sur le rig de 400 m et celui de 4000 m.

Fig. 1.28 : Lois de frottement obtenue en laboratoire pour différents poids sur l’outil (BRETT, 1992)

La même évolution du couple à l’outil est rapportée par plusieurs auteurs (LEINE ET AL., 2002,

CHALLAMEL ET AL., 2000). Cependant, ces résultats expérimentaux ont en fait été moyennés. Les

données non traitées sont généralement beaucoup plus variables car il est impossible de stabiliser parfaitement le poids sur l’outil, que ce soit en laboratoire (Fig. 2.3) ou sur le terrain (Fig. 1.24, droite).

Ainsi, d’un point de vue théorique, les formules utilisées pour représenter de telles lois de frottement varient significativement d’un auteur à l’autre (ABASSIAN & DUNAYEVSKY, 1998 ; TUCKER & WANG,

1999 ;CHALLAMEL, 2000 ; LEINE ET AL., 2002 ; YIGIT & CHRISTOFOROU, 2006). Elles sont exprimées

sous la forme d’une fonction représentant le couple à l’outil T φ( ), ou bien, de manière équivalente, sous la forme d’une fonction homogène à un coefficient de frottement µ φ( ) (Eq. 1.4). Cette dernière représentation est possible car, comme le confirme la Fig. 1.28, il est reconnu que le couple à l’outil est proportionnel au poids sur l’outil (BRETT, 1992 ; PAVONE & DESPLANS, 1994). Ces fonctions sont

généralement de la forme suivante (ABASSIAN & DUNAYEVSKY, 1998 ; YIGIT & CHRISTOFOROU, 2006) :

( ) ( )

T φ =W d⋅ ⋅µ φ (Eq. 1.4)

La grandeur W désigne le poids sur l’outil et d une distance à ajuster. La Fig. 1.29 (haut-gauche) représente un exemple de loi de frottement théorique. Cette loi est inspirée d’une loi de frottement, très utilisée dans le domaine de la tribologie et souvent désignée sous le nom d’effet Stribeck (Fig. 1.29, haut-droite). Cette loi révèle trois régimes de fonctionnement dont l’interprétation est fournie sur la

Fig. 1.29 (bas). A mesure que la vitesse de glissement augmente, les aspérités s’estompent et l’interface

est remplie par le lubrifiant qui marque finalement une séparation franche entre les deux surfaces solides. Ainsi la courbe de frottement présente d’abord un effet de seuil, puis une portion radoucissante et enfin une portion croissante de type frottement visqueux.

Loi théorique (YIGIT & CHRISTOFOROU, 2006) Effet stribeck (MARU & TANAKA, 2007)

Régimes de lubrification

Fig. 1.29 : L’effet Stribeck en forage pétrolier et en tribologie

L’analogie abattage-tribologie est classiquement invoquée dans la modélisation du stick-slip en torsion pure. Toutefois, observer sur le terrain ces trois régimes de fonctionnement n’est ni aisé ni systématique. A vitesse élevée par exemple, certains auteurs observent la portion croissante (LEINE ET AL., 2002), quand d’autres n’observent qu’une portion décroissante (BRETT, 1992 ; CHALLAMEL ET AL.,

2000). A vitesse faible, la stabilisation du poids sur l’outil limite fortement l’interprétation. Données de fond (PAVONE & DESPLANS, 1994) Loi théorique (VAN DEN STEEN, 1997)

Loi tribologique (VAROTSOS, 2004)

Fig. 1.30 : Lois de frottement à hystérésis

Certains auteurs du domaine du forage parviennent cependant à discerner des mécanismes encore plus complexes. Ainsi, PAVONE & DESPLANS (1994), à partir de données de fond de trou, montrent qu’il se produit un phénomène hystérétique à faible vitesse, tel que le couple à l’outil passe un seuil lorsque la vitesse de l’outil augmente, seuil qui disparaît lorsque la vitesse diminue (Fig. 1.30, haut-gauche).

D’un point de vue théorique, cette interprétation a été reprise par VAN DEN STEEN (1997) qui propose une loi à hystérésis, qui dépend donc de l’accélération de l’outil et prend la forme T θ θ( , )  (Fig. 1.30, haut-droite). Une interprétation physique de ce phénomène dynamique complexe et provenant à nouveau du domaine de la tribologie, nous est donnée par VAROTSOS (2004). L’auteur rapporte que

Nasuno a conduit une expérience consistant à confiner un matériau granulaire (de diamètre ≈100µm) entre deux plateaux horizontaux rugueux afin d’empêcher le glissement du plateau sur le matériau granulaire. Le plateau inférieur est fixe et l’autre est entraîné en translation à vitesse constante par un moteur auquel il est fixé par un ressort de raideur ajustable.

Le principe de l’expérience consiste à plaquer verticalement les deux plateaux l’un contre l’autre puis à déplacer le plateau supérieur à vitesse de consigne constante dans le but de mesurer l’évolution de l’effort de frottement-cisaillement en fonction de la vitesse du plateau. Suivant la vitesse de consigne, le plateau supérieur présente plusieurs régimes de fonctionnement distincts, dont le régime de stick- slip. Au cours d’une phase de stick-slip, l’auteur a représenté la loi de frottement, en incluant les deux phases d’accélération et de décélération (Fig. 1.30, bas). On constate que le frottement diminue fortement et l’effet de seuil disparaît lors de la phase de décélération. L’auteur attribue ce phénomène à une fluidification de l’interface qui se met en place au moment de la phase d’accélération et qui perdure, sous forme d’une évolution de type frottement visqueux, lors de la phase décélération.

Au cours de la présente thèse, on cherchera à comprendre les mécanismes physiques qui régissent la forme de la loi de frottement. Cependant, on n’entrera pas dans ces détails liés à la dynamique qui nécessiteraient des travaux numériques et expérimentaux supplémentaires. Ainsi, on utilisera exclusivement des formes bijectives de la loi de frottement.