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Concernant les dialectes et langues locales de Taiwan (Cf. §1.3 ), je disais (Cf. §1.4.2.1) que des cours de langue, culture et arts locaux ont été définitivement introduits dans les programmes officiels des écoles primaires depuis 1996 dans tout le pays. Ceci est en effet,

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Cortazzi M. et Jin L., 1999, « Cultural mirrors » in HINKEL,Eli (éd.), Culture in second language

le résultat des changements historiques et politiques qui ont eu lieu à Taiwan puisque depuis l’arrivée des Nationalistes en 1949, date à laquelle le chinois standard devient la langue

officielle de Taiwan et le japonais complètement interdit.

En 1956, le « Mouvement de promotion de la langue nationale 國語運動» est mis en

place. Il s’agissait tout d’abord d’effacer les traces de la colonisation japonaise, de consolider

le pouvoir (les Nationalistes étaient moins nombreux que les Taiwanais), de favoriser la diffusion du nationalisme chinois contre le communisme et de supprimer les distances culturelles et linguistiques entre les « Taiwanais de souche et les Continentaux »51. Toutes les langues sont complètement interdites, les enfants sont même sévèrement punis (dénonciations par les camarades, punitions corporelles et humiliations) s’ils parlent une langue autre que le chinois à l’école.

Cependant, après la levée de la loi martiale en 1987, les Taiwanais ont désormais la liberté d’expression, les partis politiques d’opposition au Kuomintang sont autorisés, etc. D’ailleurs, avec cet assouplissement social, politique, et avec la création du parti Démocratie

Progressiste, qui exalte le patriotisme local plutôt que chinois, les intellectuels ainsi que des citoyens taiwanais commencent à faire valoir les langues et les cultures taiwanaises. Ainsi, le 3 avril 1993, le Ministère de l’Education Nationale a annoncé que désormais l’enseignement de la langue première des élèves serait inséré dans les programmes de l’enseignement officiel à l’école élémentaire et au collège, à condition que cela ne gêne pas l’enseignement

de la langue Nationale, et que les élèves des cours élémentaires et de collège pourraient selon leur intérêt et leur besoin, étudier le minnan et le Hakka en tant que cours optionnel. Cette même année une loi sur l’utilisation des dialectes dans les médias est adoptée.

Finalement, les programmes officiels de l’Education Nationale de Taiwan ont introduit les

cours de langues, cultures et arts locaux de façon effective en 1996 dans les écoles primaires et en 1997 dans les collèges. Pour en savoir davantage, j’ai consulté près de 300

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Ces termes sont constamment employés par les chercheurs dans leurs travaux, les journalistes, les politiciens de Taiwan, je reprends donc sciemment cette terminologie car elle est très révélatrice de la vision des taiwanais à propos de ces évènements historiques et de leurs revendications identitaires.

pages Web du Ministère de l’Education52

à destination des enseignants taiwanais, des blogs d’enseignants et j’ai même dialogué (en chinois) avec deux institutrices.

Même s’il faut saluer les initiatives et la bonne volonté du gouvernement à revaloriser les

langues endogènes de Taiwan la politique linguistique éducative a visiblement été appliquée de façon incohérente dans certaines localités, et les enseignants se plaignent de leur manque de formation53. En effet, ce sont les instituteurs qui sont chargés de l’enseignement de ces langues, or il arrive que leurs compétences linguistiques ne soient pas suffisantes. De plus, il faut qu’il y ait un nombre minimum d’écoliers pour qu’une classe soit ouverte, concrètement s’il y a cinq écoliers de langue aborigène contre vingt de langue taiwainaise, le

taiwanais est enseigné à tous au détriment de la langue aborigène. Par ailleurs, les linguistes ne se sont pas encore mis d’accord sur certains points linguistiques, ainsi par exemple, il n’y a pas d’uniformisation dans les façons de transcrire les langues, certains instituteurs utilisent donc les sinogrammes, d’autres le bopomofo, ou des systèmes phonétiques du type de l’API…

Pour finir, il s’agit de cours de 50 minutes par semaine, en si peu de temps les écoliers ne peuvent pas réellement approfondir l’acquisition des langues et des cultures locales. Cette

mesure apparaît donc quelque peu insuffisante. Il faut souligner que les langues à apprendre sont nombreuses.

1.5.2. Les langues étrangères

Il est important de pouvoir situer le statut des langues étrangères et la position qu’elles occupent dans un pays. C’est pourquoi, dans la partie qui va suivre, la place de l’anglais et

52 Op. cit.

53La situation de la mise en place de l’apprentissage des langues locales et régionales de Taiwan fait

écho à celle des Seychelles et de la Réunion. En Effet, comme le souligne Rispail et Wharton (2003 : 44) : « si on peut saluer les potentielles retombées de telles décisions sur le plan symbolique (statut

de la langue créole au sein de l’institution scolaire et de la société), on peut en revanche s’inquiéter des conditions de leur mise en œuvre, qui aurait nécéssité davantage de préparation technique (équipement didactique, standardisation, mais surtout, prise en compte des différents créoles – des Caraïbes, de l’Océan Indien – difficile au sein d’un seul et unique concours) ». in RISPAIL M. &

WHARTON S., (2003), « Réalités sociolinguistiques et dimension interculturelle en formation : comparaison entre la Réunion et les Seychelles », in ELA n° 129, (janvier), p.41-52.

du japonais sera succinctement présentée par rapport au français ; ce qui me permettra d’aborder la question du choix des langues, puisqu’il est nécessaire de connaître « le

marché aux langues »54 à cause des répercussions que ces langues provoquent dans l’enseignement des langues.

Depuis 1996, le Ministère de l’Education de Taiwan a décidé d’expérimenter l’enseignement d’une deuxième langue étrangère au choix en cours optionnels dans les études secondaires supérieures, et cela a été reconduit en 1999. Il s’agit de promouvoir les

enseignements des langues japonaise, française, allemande et espagnole auprès des élèves taiwanais âgés de quinze ou seize ans. Les objectifs officiels du Ministère de l’Education de

Taiwan sont de développer chez les élèves la motivation à apprendre une deuxième langue étrangère, le développement des stratégies d’apprentissage, la formation aux quatre

compétences (CE-CO-EE-EO), une meilleure compréhension de la culture des pays des langues-cibles afin d’ouvrir des perspectives au niveau international. Ces cours optionnels

sont proposés aux lycéens de la première année du cycle supérieur.

1.5.2. 1. L’anglais

En raison des évènements historiques, tels que la présence militaire et l’aide

économique américaine au début de la République de Chine à Taiwan, cette dernière est très influencée par cette culture, et la langue anglaise y est bien entendu associée, jouissant ainsi d’un prestige inégalé. A ce sujet, le système éducatif a été calqué sur le système

américain, et la destination principale des étudiants taiwanais est les Etats-Unis.

L’anglais est en outre la première langue vivante obligatoire pour les écoliers (à partir de la troisième année de l’école primaire), collégiens, lycéens et étudiants ; son

apprentissage et sa maîtrise sont considérés comme incontournables et nécessaires, de

54 J’évoque bien entendu « Le marché aux langues » du titre de l’ouvrage de Louis-Jean Calvet, Le

plus, comme le souligne Saillard (1998 : 70) « un des enjeux majeurs de cet apprentissage

est la possibilité d’effectuer des études supérieures aux Etats-Unis ».

1.5.2. 2. Le japonais

Quant à la langue japonaise, elle bénéficie d’un statut très différent des autres

langues étrangères à cause des faits historiques exposés auparavant.

Cette langue est tout d’abord très plébiscitée par les jeunes Taiwanais, conséquence directe de l’influence économique, culturelle et géographique du Japon. Elle a pour atout

supplémentaire, de ne pas être une langue très difficile à apprendre pour des locuteurs lettrés sinophones puisque l’écriture japonaise a fait beaucoup d’emprunts à la langue

chinoise classique (文言文wenyanwen) pendant des siècles en adoptant un grand nombre de sinogrammes. De plus j’ai indiqué précédemment qu’en raison de la colonisation de

Taiwan, la langue japonaise a laissé des traces dans le lexique du mandarin mais surtout du minnan.

De surcroît, elle figure parmi les langues étrangères introduites depuis 1997 dans les collèges en tant que deuxième langue vivante avec le français et l’allemand, et fait

également partie des langues optionnelles les plus demandées par les étudiants à Taiwan (ibid. 1998 : 69).

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