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L’impact des représentations sur la motivation d’apprendre le français

4.2 : Représentations sur la langue française, la France et les Français

4.2.1. L’impact des représentations sur la motivation d’apprendre le français

Dans les travaux de Dreyer (2007) et Chaubet122 (1995), peu de choses sont écrites sur les représentations en dehors de ce qui a déjà été résumé dans la première section (Cf. Première section, § 3.1.4. 2). En revanche, dans la thèse de Yang H.-Y. (2009, pp. 216-219) qui a notamment fait un entretien auprès de vingt-cinq étudiants de français à Taiwan, il est possible d’obtenir quelques informations à propos des représentations concernant la langue

française. La question suivante a été posée : « si tu penses à “apprendre le français”, quels

sont les cinq caractères, mots ou phrases courtes auxquels tu penses ? ». Voici un tableau

résumant les réponses obtenues à propos des caractéristiques du français ou les particularités liées à la langue française ou à la France selon les interviewés :

REPONSES NOMBRE DE

REPONSE

Romantique / romantique et joli 6

Difficile / de plus en plus difficile / le français n’est pas facile 3

Paris 3

L’industrie des produits de luxe / les vêtements / le parfum 3

Elégant 2

La Tour Eiffel 2

Le degré de difficulté 1

La conjugaison est compliquée 1

Très précis 1 La logique 1 La Provence 1 Chaleureux 1 Le vin rouge 1

122

Cf. également P. Chaubet & A. Monier, 1995, « Etudier le français à Taiwan : contribution pour une approche sensible du public des départements des universités de Fujen et Tamkang », in Actes :

communications et comptes rendus, sixième séminaire pédagogique de l’enseignement du français,

Yang H.-Y. constate que chez six personnes, la langue française est une langue « romantique », et trois étudiants l’associent à « Paris » ainsi qu’à « l’industrie des produits de luxe / les vêtements / le parfum », enfin, deux l’associent à « l’élégance ». Ces données nous révèlent des représentations, qui nous le verrons se retrouvent dans l’enquête de Chi

(2004)123 ainsi que dans cette recherche.

D’un autre côté, Yang H.-Y. indique également les projets bâtis sur l’apprentissage du

français : pour un étudiant de son échantillon, apprendre le français permettra de préparer par lui-même des voyages ; en revanche, les autres interviewés ont un objectif plus studieux, ainsi « étudier et voyager à l’étranger / faire ses études à l’étranger » apparaissent dans trois

entretiens. Dans deux autres entretiens, les étudiants expliquent avoir un objectif professionnel comme « trouver un métier » et être « guide touristique ».

La recherche de Yang H.-Y. nous permet donc de constater que certaines associations de mots indiquent des représentations positives sur la langue française et la France, et que l’apprentissage du français est pour certains d’entre eux lié à un projet d’études à l’étranger ou à visée professionnelle.

Par ailleurs, la thèse de Chi (2004)124 est également une mine d’informations à partir desquelles il est tout à fait justifié de se baser. L’auteure démontre, à partir de ses analyses

et des résultats de son enquête, que les représentations de la France sont souvent stéréotypées. A Taiwan, la France est souvent associée aux termes « romantisme », « culture », « art » et « luxe ». Ainsi, des publicités médiatiques (télévisuelles, radiophoniques, etc.) comme celles du « café de la Rive gauche »125 ou des gâteaux de mariage « Isabelle » en basant toutes leur campagne et leur image à partir de stéréotypes de la France, ont vu triompher leurs ventes en sachant entrer dans le schème de penser des consommateurs taïwanais. Ils ont « créé des histoires romanesques liées à une France

‘’mélancolique’’,, ‘’humaniste’’ ou ‘’romantique’’ »(2004 : 303).

123

H.-P. Chi, (2004), Représentations de la France des étudiants taïwanais de français à la fin de leur formation, Thèse de doctorat, Université Paris III-Sorbonne Nouvelle.

124

H.-P. Chi, (2004), op.cit.

L’examen de l’enquête de Chi montre que cela a notamment des répercussions sur les espérances professionnelles des étudiants de français qu’elle a sondés. Elle constate tout d’abord que les «mass médias » occupent une place importante dans les voeux des

filières et les espérances professionnelles de ce public. Elle remarque ensuite que les étudiants de français, qui, plutôt que le français, auraient aimé choisir les mass médias, estiment qu’ils pourront travailler dans ce domaine ou dans celui de l’édition alors que les

cours du département de français ne les y destinent pas. A son avis, les représentations stéréotypées sur la France telles que le romantisme, les beaux paysages, la gastronomie, la culture et le luxe font tant rêver et sont tellement populaires et appréciés des Taïwanais, qu’ils vont avoir beaucoup d’occasions d’être exploitées et d’apparaître à la télévision, dans

les journaux et magazines.

Chi finit par conclure que : « L’apparition fréquente de la France dans les médias, et

bien sûr son image généralement positive, voire féérique, conduisent les étudiants à penser qu’ils ont des possibilités de travailler dans les domaines des médias et de participer à la diffusion, à la production ou à la reproduction de ces représentations qui leur semblent riches et infinies, mais en réalité très partielles »(2004 : 303).

Par ailleurs, Chi a procédé à une analyse lexicographique des mots et des expressions que la France évoque chez les étudiants de français des universités Fujen, Tamkang, Wenhua et Zhongyang. D’après les résultats de son enquête 126, 56,6%

considèrent que la France leur fait penser au « romantisme ». Le « café » arrive ensuite en deuxième place et a été choisi par 15,7%. A la troisième place, avec 15,3% on retrouve « le parfum ». Après celui-ci, suivent la « Tour Eiffel »(14,5%), la « gastronomie » (9,8%), l’ « art » (8,1%), la « mode »(7,7%), les « vêtements » (7,2%), le « vin » 56,8%) et « Paris »(6,4%). De surcroît, l’auteure constate que seulement 4,3% des données en 1ère

126

Il faut indiquer que les pourcentages cités ont été calculés sur la base des répondants : 235 Répondants / 243 Interrogés / 631 Réponses. Il s’agissait d’une question ouverte. Cette question n’est pas posée aux étudiants de 1ère année, mais à ceux de 4ème année sur ce qu’ils pensaient lorsqu’ils étaient en 1ère année et ce qu’ils pensent maintenant en 4ème année.

année s’avèrent de sens négatif mais ne concernent que les images des Français et non du

pays la France127.

Qu’en est-il dans la présente recherche ? Contrairement à celle de Chi, je n’ai pas

posé la question « à quoi vous a fait ou fait penser la France ». Par conséquent, afin de dégager si les représentations et les motivations d’apprendre le français sont liées l’une à l’autre, j’ai procédé à un nouveau type d’analyse de la question n°6 : « pourquoi as-tu choisi d’étudier le français ?».

Bien entendu, les deux études ne sont pas analogues puisque Chi a enquêté auprès de 283 étudiants en quatrième année et leur a demandé rétrospectivement ce qu’ils

pensaient de la France quand ils étaient en première année, alors que dans ma recherche les première et deuxième années ont été directement interrogées. Par ailleurs, ayant enquêté auprès de 927 étudiants (dont 927 répondants), et ayant obtenu 1826 réponses à la question n°6, les pourcentages ne sont pas du tout comparables. Par conséquent, ce sont les thèmes évoqués dans les deux recherches qui seront mis en parallèle. Je donnerai cependant les pourcentages de mon analyse ainsi que la position occupée par les thèmes dans le tableau Q6 (Cf. Annexe IV).

Ainsi, le « romantisme » apparaît très peu dans ma recherche et absolument pas en première position des évocations des étudiants contrairement à celle de Chi. Tout d’abord, c’est la langue française est romantique qui est évoquée par 1,6% des enquêtés et qui

occupe la 30ème position. Puis, la France est romantique (1,5%) à la 34ème position et les

Français sont romantiques (0,1%) à la 67ème position. Faiblement présent, le romantisme ne semble pas être la représentation la plus saillante de cette enquête.

En ce qui concerne « Le café » et « le parfum », ceux-ci ne sont jamais cités par mes apprenants enquêtés. Tandis que « la Tour Eiffel » qui est à la quatrième position et « Paris » à la dixième chez Chi, n’apparaissent qu’une seule fois et ont donc été regroupés

127 En observant l’annexe 17 Tableau A, pp. 479-480, j’ai remarqué que les mots ou expressions

négatifs sont : « le peuple n’aime pas travailler (0,4%) », « les Français sont un peu bizarres » (0,4%),« pas chaleureux » (0,4%),« froideur des Parisiens » (0,4%), « orgueil des parisiens » (0,4%).

dans la catégorie monuments historiques et lieux emblématiques qui occupe la 58ème position, et a été énoncée par 0,4% de mes enquêtés.

« La gastronomie » apparaît à la 26ème position et est mentionnée par 1,9% des enquêtés quand ils justifient étudier le français parce qu’ils s’intéressent à la gastronomie. Il est ici perceptible, que la gastronomie française ayant la réputation d’être l’une des

meilleures au monde, est associée aux études de français. En revanche, le « vin » qui arrive dans l’étude de Chi à la 9ème position, n’est jamais mentionné dans la mienne.

Par ailleurs, « l’art, la mode et vêtement » qui sont respectivement à la 6ème, 7ème et

8ème position dans les travaux de Chi, n’apparaissent qu’à la 48ème position avec l’évocation

France pays de l’art, de la culture et de la mode dans ma recherche.

Deux éléments sont à noter, tout d’abord il est possible que les questions précédent

la n°34 du questionnaire de Chi ont inconsciemment influencé les réponses des étudiants qu’elle a interrogés. En effet, les autres questions évoquaient où et quand ils pouvaient se procurer des informations sur la France. Cela a peut-être orienté les réponses mais il s’agit

toujours de représentations, ces données me semblent donc fiables.

De surcroît, dans ma recherche, j’ai demandé pour quelles raisons les étudiants ont choisi d’étudier le français. Il est par conséquent compréhensible de constater qu’ils évoquent essentiellement des mots ou expressions décrivant la langue française d’après les images qu’ils en ont. D’une certaine façon, ma question n’a pu qu’aiguiller les enquêtés dans

leurs réponses, mais celles-ci révèlent malgré tout des représentations.

En effet, à la première et deuxième positions, 17% des enquêtés déclarent que la

langue française est mélodieuse et 9,5% qu’elle est belle et élégante. Les évocations sur la

langue française se poursuivent donnant des informations sur la portée identitaire du choix d’apprendre le français. En effet, les apprenants de français veulent se différencier des autres étudiants taiwanais car la langue française semble jouir d’une aura de particularité, de prestige et d’exotisme. Ainsi, à la 17ème position les apprenants disent l’avoir choisie pour

particulier (3,2%). Apprendre le français c’est se démarquer des autres, ceci est confirmé par

les évocations à la 21ème position de 2,5% des apprenants qui pensent que la langue

française est prestigieuse, importante spéciale, immédiatement suivi par c’est cool, c’est fort (2,4%). Pour terminer, deux évocations contradictoires finissent d’esquisser le tableau :

en effet, 0,8% des apprenants ont choisi cette langue car elle est difficile à apprendre occupant la 49ème position, tandis qu’à la 53ème, ce qui correspond à 0,6% des déclarations des apprenants, parce qu’elle est facile. Dans les deux cas, il s’agit bien de représentations, pour les uns il s’agit d’un challenge, alors que pour les autres d’un investissement

tranquillisant.

L’exotisme de cette langue est quant à lui privilégié dans les commentaires sur la

mélodie, la beauté et le romantisme du français. De surcroît, deux raisons complémentaires sont formulées à la 46ème et 59ème positions, tout d’abord la qualité de vie et le mode de vie (1%, 45ème position) et 0,4% des apprenants déclarent avoir fait ce choix par envie de

s’imprégner d’une ambiance exotique, romantique. Ce désir d’exotisme est également

flagrant chez les 0,2% d’apprenants qui avouent étudier le français parce qu’ils sont attirés

par les paysages français et parce que les Français sont beaux.

Tout comme l’a souligné Chi, les médias jouent un rôle non négligeable dans tous

ces propos. En effet, comment des apprenants qui ne sont que 1,4% à déclarer être déjà allés en France, peuvent-ils être 5% à avouer « aimer la France »128 ? Les déclarations des apprenants informent qu’ils sont 3,2% à avoir choisi d’étudier le français à cause des films et

des acteurs (18ème position) et 1,6% pour comprendre les chansons, chanteurs et opéras

rock (32ème position) ou pour 0,8% des passionnés de football afin de pouvoir discuter avec des joueurs français de football. Le tapage médiatique suite aux dernières coupes du monde de football semble influencer un certain nombre de Taiwanais dont le sport national favori est pourtant le soft ball. L’environnement socioculturel est également très visible car les

manifestations artistiques et culturelles de tous genres sont à la fois qualitativement et quantitativement très représentées à Taiwan.

128

Il est également possible de ressentir le poids de la télévision, des magazines et des publicités lorsque 2,2% des enquêtés disent que la France est un beau pays (24ème position), 1,5% que la France est romantique (34ème position), 0,9% que la France est un pays élégant,

cultivé, 0,8% que la France est le pays de l’art, de la culture et de la mode ou encore les

0,4% qui évoquent les monuments historiques, Paris, le Louvre, la Tour Eiffel.

Avant de terminer, il faut signaler que je n’ai relevé qu’une seule connotation négative,

elle ne concerne pas la langue ni le pays mais les Français : 0,9% des enquêtés déclarent avoir choisi le français car les Français ne savent pas (ou très peu) parler anglais. Il est probable que ce constat ait été rapporté par des Taiwanais ayant voyagé en France ou par les médias, plutôt que par une expérience personnelle des enquêtés. Ceci montre bien comment les informations se transmettent aux gens et restent dans leur mémoire.

Pour conclure sur tout ce qui a été décrit, il s’agit dans l’ensemble essentiellement d’images esthétiques évoquant la France et la langue française, certaines tirent vers le stéréotype positif, tandis qu’une seule est négative.

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