• Aucun résultat trouvé

P3 : (toujours en riant) et puis euh s’il parle cantonais alors personne ne va comprendre dans 54 la famille parce que ma mère elle est taiwanaise

Analyse et résultats des entretiens avec les professeurs : pratiques et représentations

53 P3 : (toujours en riant) et puis euh s’il parle cantonais alors personne ne va comprendre dans 54 la famille parce que ma mère elle est taiwanaise

55 E : d’accord

56 P3 : (toujours en riant )XX oui mais pourtant on doit dire on-on doit être compté- être 57 considéré comme une famille qui vient de Canton (petits rires) »

Malgré tout, on apprendra plus tard dans son discours qu’elle était capable de dire de petites phrases en cantonais pour s’adresser à sa grand-mère paternelle lorsqu’elle était

petite. Sa capacité langagière en cantonais dépasse donc la compréhension orale puisqu’elle était capable de s’exprimer un peu en cantonais.

5.1.3.6. L’usage de l’espagnol sur le lieu de travail en dehors de la salle de

classe

Une langue étrangère autre que l’anglais apparaît dans un entretien : le neuvième révèle

en effet que P9 pratique occasionnellement la langue espagnole (E9, P9, L.122-130) : « 122 P9 : je parlais très très bien espagnol. il y a___ eu ff (souffle) combien ? il y a une

123 dizaine une vingtaine d’années ! et puis bon par manque de pratique euh je

124 comprends quand les gens parlent.mon oreille accroche les sons.je peux reconnaître 125 tous les sons.il faut une ou deux minutes de réflexe pour me dire mais qu’est-ce qu’il a 126 dit ?qu’est-ce qu’il veut dire ?comment je vais répondre ?en général quand je veux 127 répondre c’est pas le- l’espagnol qui vient. je sors du chinois de l’anglais ou du je ne 128 sais pas quoi !

129 E : (rire)

130 P9 : je manque de pratique quoi ! voilà ! »

L’espagnol, langue apprise en France pendant sa scolarité, n’est plus une langue que cette enseignante pratique régulièrement. Or l’entretien indique que P9 a parfois l’occasion d’entendre et de parler l’espagnol. En réalité, à Wenzao où P9 travaille, les salles des professeurs de français et d’espagnol sont placées dans le même bâtiment et sont mitoyennes. C’est donc dans ce contexte que P9 peut se retrouver au contact de l’espagnol.

5.2. De l’usage des langues dans la salle de classe

L’usage des langues dans la salle de classe est un sujet bien vaste (Cf. Première section) et en particulier le recours à la (aux) L1 pour enseigner la langue étrangère. Il n’a pas été possible d’observer, ni de filmer ou d’enregistrer, les interactions en classe, en revanche les

entretiens ainsi que les enquêtes effectués, peuvent donner de précieuses informations.

5.2.1. Le recours exclusif au français

Les enseignants interrogés ne disent pas qu’ils recourent exclusivement au français. L’exemple de P4 est fort significatif (E4, P4, L.46-51) :

« 46 P4 : Avec les débutants, maintenant, j’utilise le chinois pour enseigner la civilisation

47 et la grammaire. Mais au début de ma carrière, je n’utilisais que le français ou 48 l’anglais et les étudiants m’ont beaucoup critiquée. Avec les élèves de niveau 49 2, je parle le moins possible en chinois. Mais je suis obligée de l’utiliser car j’ai 50 remarqué que si je ne parle qu’en français les étudiants ferment leurs

51 oreilles… »

Cette enseignante ne nie pas utiliser le chinois à l’heure actuelle alors qu’à ses débuts d’enseignement elle favorisait l’immersion en langue étrangère. Cependant, les étudiants à

Taiwan évaluent leurs professeurs, ainsi ils détiennent un certain pouvoir sur ces derniers. Si bien que des critiques trop acerbes de la part des apprenants peuvent jusqu’à mettre en

danger la position des enseignants. De surcroît, cette pratique permet aux enseignants de savoir ce qui déplait aux étudiants et de pouvoir ainsi faire un travail réflexif sur les méthodes d’enseignement employées. C’est ce qui s’est produit dans le cas de P4 qui a changé sa manière d’aborder la civilisation et la grammaire en recourant désormais au chinois.

L’emploi du chinois pour expliquer la grammaire semble être une habitude constante chez les enseignants enquêtés. Ainsi, P2 (E2, P2, L.700 à L.725) pense qu’il « faut

absolument » recourir au chinois car il y a des explications très difficiles à donner, sans équivalent en chinois, par conséquent il faut fournir de nombreux exemples et passer beaucoup de temps à expliquer si l’on emploie le français. L’usage du chinois permet donc

un enseignement plus efficace en termes de temps et de compréhension. Cependant, P2 nuance ses propos à deux reprises. Tout d’abord, certains éléments ne sont pas vraiment

explicables et seuls les exemples aident les apprenants à vraiment les saisir. Elle relativise également en disant que l’emploi du chinois, pour les explications grammaticales, se justifie davantage pour les cours de français mineur car ils ont moins d’heures d’apprentissage. De

surcroît, elle préconise de commencer dès la deuxième année à faire usage du français pour l’enseignement de la grammaire lorsque les apprenants sont en majeur comme l’illustre l’extrait suivant (E2, P2, L.726-733):

« 726 E : d’accord.d’accord..euh___ et ç’est à partir de quel- euh quelle année ? en fait tu 727 penses que- on peut euh__ utiliser le français pour expliquer tout en grammaire ? 728 P2 :.. ça dépend du nombre d’heures par semaine.si c’est euh si le français est leur majeur 729 je pense que__ .. dès leur deuxième année il faut déjà commencer

730 E : ah d’accord.quand même ! 731 P2 :oui !

732 E : très bien..donc si tu étais encore à Wenzao tu commencerais dès la deuxième année ? 733 P2 :oui ! j’essaie d- d’utiliser euh le français pour expliquer la grammaire »

Dans un autre entretien, alors que je demandais à l’enseignant E14 s’il utilisait seulement le français et le chinois pendant ses cours de phonétique ou de traduction, celui-ci m’a révélé utiliser le taiwanais, le chinois et aussi l’anglais, puis (L.61-64) :

« 61 P14 : Pour le cours d’expression orale, oui, je parle en français et surtout j’essaie de les 62 faire parler en français autant que possible car dans la plupart des cours les 63 professeurs donnent leurs explications ou exposent la théorie en chinois, c’est par 64 exemple le cas pour le cours de grammaire française. »

Ainsi, E14 semble sous-entendre que les apprenants sont finalement peu confrontés au français et qu’ils n’ont pas souvent l’opportunité de s’exprimer en français. Son témoignage montre que les enseignants sont conscients qu’eux-mêmes, ainsi que leurs collègues,

emploient le chinois majoritairement.

L’entretien n°11 indique, quant à lui, une autre forme de conscience de l’usage collectif

du chinois par les enseignants pour les explications grammaticales (E11, P11, L.193-196) : 193 E : Que pensez-vous de l’utilisation du chinois pour les explications

194 grammaticales ?

195 P11 : Nous l’utilisons tous, si c’est rapidement ça va. Mais dès la troisième 196 année on peut enseigner la grammaire tout en français.

Cet extrait confirme que l’emploi du chinois n’est pas tabou. Cependant, d’après cette enseignante de français majeur, il n’est possible d’employer exclusivement le français pour les explications grammaticales qu’à partir de la troisième année, tandis que P2 indiquait que c’était possible dès la deuxième. Ce sont des informations intéressantes dans la mesure où elles s’accordent pour ne pas utiliser uniquement le français avec des débutants.

Jusqu’à présent les entretiens révèlent que l’usage du chinois est essentiellement destiné à l’enseignement de la grammaire. Il existe cependant de nombreux autres cours,

notamment ceux intitulés « manuel » ou ceux de « conversation (avec ou sans manuel de FLE) ». Les manuels peuvent-ils favoriser un usage exclusif du français ?

Lors de l’entretien n° 8, P8 parle longuement de son apprentissage du chinois, de son

expérience de stagiaire de CLE à Taiwan, mais aussi de celle en tant que professeur de FLE. Son témoignage est important car il s’agit d’une enseignante native. Parlant couramment

chinois, elle peut en tirer partie en classe mais elle déclare employer de moins en moins le chinois imputant cela au changement de manuel. En effet, Initial proposant des explications très simples et claires, les apprenants n’auraient plus autant besoin d’explications supplémentaires en chinois. Toutefois, la langue chinoise sert de vérificateur puisqu’elle y recourt afin de s’assurer que les explications grammaticales aient toutes été bien comprises

(E8, P8,L.86-100) :

« 86 E: utilisez-vous le chinois en classe?

87 P8: Au début, il y a deux ans, je pense que je parlais beaucoup plus en chinois

88 que maintenant.

89 E: quand l’utilisez-vous et pourquoi l’utilisez-vous moins maintenant?

90 P8: Avec Initial je parle beaucoup moins chinois. Je l’utilisais pour expliquer la

Outline

Documents relatifs