• Aucun résultat trouvé

La grille destinée aux chefs de département est à l’origine la même que celle pour les

enseignants, elle est donc composée des trois parties thématiques de la grille présentée ci- dessus.

Les chefs de département sont des enseignants de français mais sont aussi le lien entre les sphères administratives, les enseignants et les apprenants. Par conséquent, dans cette grille, une petite rubrique supplémentaire porte sur la façon dont se fait le recrutement des professeurs (les diplômes et les disciplines, natif ou non-natif), et s’il existe des directives venant de l’Education Nationale de Taiwan.

3.3. Cadre de référence théorique en sociolinguistique et didactique

du FLE

Tout travail de recherche implique que l’on adopte un point de vue méthodologique. Pour ce faire, il convient de rappeler les théories qui ont influencé l’objet de l’étude et faire attention aux termes employés qui peuvent influencer malencontreusement le lecteur. Je commencerai donc par présenter le cadre théorique en sociolinguistique puis en FLE.

3.3.1. Notions, concepts, théories

Cette recherche étant pluridisciplinaire il est temps de compléter les informations des chapitres précédents avec les concepts éclairés par des sociolinguistes ou provenant des travaux de ces derniers.

Calvet rappelle (1993 : 17) «(…) que le monde est plurilingue en chacun de ses

points et que les communautés linguistiques se côtoient, se superposent sans cesse. Ce plurilinguisme fait que les langues sont constamment en contact ».

Dans la description de la situation linguistique de Taiwan, il est indéniable que de nombreuses langues y sont en contact. Quelques théories et définitions seront exposées avant d’approfondir la présentation de Taiwan en traitant la question du contact des langues.

Au chapitre précédent, il a été démontré que les Taiwanais sont au contact de plusieurs langues, il est donc possible de penser que dans leur grande majorité ils sont bilingues, voire multilingues. Mais il semble important de revenir dans un premier temps sur les définitions du bilinguisme et celles qui y sont liées.

Dans un second temps, comme le mentionne Saillard (2003 : 6) : « La situation à Taiwan est

habituellement qualifiée de diglossique ». Un rappel sur la diglossie et le statut des langues

seront faits pour pouvoir aborder le § 3.3.3 ci-après.

Le bilinguisme :

Pour certains chercheurs, notamment dans les années ’70, l’acceptation terminologique concernant le bilinguisme consistait à réserver cette notion à l’utilisation de

deux langues et à distinguer les situations de bilinguisme, de trilinguisme, etc, et de plurilinguisme. D’autres font du bilinguisme un emploi générique et considèrent que toutes les questions touchant la présence de deux langues dans la société et chez l’individu sont

applicables à trois, quatre, cinq langues ou plus81.

Il faut distinguer le bilinguisme de la collectivité et celui de l’individu. Selon Boutet

(1997 : 26), dans le cas du bilinguisme individuel, « il s’agit d’individus ou de familles qui ont

accès à plus d’un code linguistique. Par exemple, un couple mixte allemand-américain vivant à Berlin et transmettant ces deux langues à ses enfants leur donne accès à un bilinguisme individuel ». Boutet poursuit en précisant qu’ « en revanche, un enfant américain de parents portoricains vivant à New York pratique au sein de sa communauté, un bilinguisme anglais- espagnol de type sociétal ».

Le bilinguisme des individus n’est pas homogène, les compétences et les

comportements langagiers peuvent varier selon les individus et les contextes sociaux. Ainsi « la compétence bilingue dépend non pas seulement de la nature des deux langues ou des

variétés dialectales, de l’écart spatial et de la distance interlinguistique entre elles, mais surtout des conditions de leur acquisition » (Mackey,1997 : 62-63). Le lieu82 et le moment83 la façon84 et les raisons85 de l’apprentissage des langues sont donc très importants. Il faut

81

Cf. W.F. Mackey, « Bilinguisme », in Moreau (dir.), 1997, Sociolinguistique : concepts de base, Liège, Editions Mardaga, p.61.

82 Dans la famille, dans la rue, à l’école.

83 Concernant le moment, les chercheurs parlent de bilinguisme enfantin, bilinguisme simultané,

bilinguisme consécutif.

84 Comment les langues ont-elles été apprises : par contact ou attribution (bilinguisme primaire) ; par

instruction ou induction (bilinguisme secondaire).

85

Il s’agit de comprendre ce qui a motivé l’apprentissage des langues : motivation intégrative, motivation instrumentale.

également tenir compte du laps de temps durant lequel le contact avec chacune des langues s’est maintenu.

Je me permets d’ouvrir une parenthèse : le questionnaire élaboré pour cette recherche ne peut pas rendre compte de toutes ces informations, c’est la raison pour laquelle les trois premières questions permettront uniquement d’indiquer les langues présentes dans les déclarations des étudiants. De plus, l’objectif étant de savoir si les

apprenants recouraient aux langues de leur répertoire dans leur apprentissage du français, il ne s’agissait pas de montrer le bilinguisme ni la transmission des langues.

Avant de fermer la parenthèse, il faut également signaler que cette recherche adopte le point de vue développé par Py et Porquier, à savoir que « tout apprenant est en un certain

sens une personne bilingue (…) l’apprenant est un cas particulier de bilingue »86 avec toutes

les précautions que cela implique. En effet, une telle position oblige à voir l’apprenant, dès ses tous premiers pas dans la L2, comme un usager de cette langue qui dispose d’une

forme primitive de compétence87 lui permettant de participer dans une certaine mesure à des activités de communication88 en L2.

En matière de langue, l’école joue un rôle très important. Mackey (ibidem) indique que cette dernière peut avoir comme objectif de perpétuer le bilinguisme d’une population, il s’agit alors de bilinguisme de maintien. Toutefois, l’école peut aussi perpétuer l’assimilation progressive des populations qui utilisent au foyer une langue autre que celle de l’Etat, il s’agit

alors de bilinguisme de transfert. A noter que ce type de bilinguisme est constatable à deux reprises dans l’histoire de Taiwan (Cf. supra chapitre 1).

De surcroît, les effets d’une éducation bilingue peuvent dépendre de l’école, de la

famille, des stratégies familiales et parentales, mais aussi du statut des différentes langues et de leur prestige respectif, leur vitalité, ainsi qu’aux fonctions qu’elles assurent dans la

86 Cf. Porquier & Py, 2006, Apprentissage d’une langue étrangère : contextes et discours, Paris, Didier,

pp. 20-22

87 Il s’agit de l’interlangue qui est ainsi considérée comme une sorte de langue.

88 La conversation exolingue est considérée comme une sorte de conversation puisqu’il s’agit d’une

activité collective, organisée selon des principes communs à toute interaction verbale. (Cf. Porquier & Py, 2006 : 20-22)

communauté linguistique. Et comme le souligne Boutet (op.cit.) des valeurs, positives ou négatives, des jugements, des représentations sont associés dans chaque société aux langues qui y sont parlées. Ces valeurs confèrent alors un statut particulier aux langues.

Pour Robillard 89 le statut est la « position d’une langue dans la hiérarchie

sociolinguistique d’une communauté linguistique, cette position étant liée aux fonctions (…). Il faut distinguer le statut de fait (empirique, explicite) du statut juridique co-constitutionnel (explicite) ». Dans ce dernier cas, les catégories de statut les plus souvent utilisées sont

celles de la langue officielle, langue nationale, etc. Pour ce qui touche au domaine implicite, la terminologie employée est celle de langue haute/langue basse ou variété haute/variété basse dans les théories sur la diglossie.

La diglossie :

Le terme de diglossie a été proposé par Ferguson90 en 1959. Pour ce dernier, il existe une « variété basse » et une « variété haute » lorsque deux formes linguistiques génétiquement apparentées coexistent dans une même communauté linguistique. Ainsi, la variété haute jouit d’un prestige social dont ne jouit pas la variété basse. La variété Haute

(High) est la langue de la culture et des relations formelles, tandis que la variété Basse (Low) est généralement stigmatisée, et remplit des fonctions moins prestigieuses, plus conviviales il peut s’agir de la langue commune, celle de la vie quotidienne…Il définit aussi la diglossie

comme une situation linguistique relativement stable, harmonieuse et durable.

Ferguson restreint la diglossie aux cas de contact entre deux langues génétiquement apparentées, alors que Gumperz pense que le concept de diglossie peut également s’appliquer aux sociétés unilingues bi- ou multidialectales après avoir constaté que des variables sociales président au choix de l’un ou l’autre code au sein des groupes sociaux.

Fishman91 va lui élargir la notion de diglossie en distinguant le bilinguisme (fait individuel) et

89 in Moreau (dir.), 1997, Sociolinguistique : concepts de base, Liège, Editions Mardaga, p.269. 90 C. Ferguson, 1959, Diglosia, in Word, 15, pp.325-340.

91

J. A. Fishman, 1967, Bilinguism with and without diglossia, diglossia with and without bilinguism, in

la diglossie (phénomène social). Il ajoute qu’il peut y avoir diglossie entre plus de deux codes et que ces codes n’ont pas besoin d’avoir une relation génétique. En guise de résumé, se

distinguent quatre situations polaires :

1. Bilinguisme et diglossie (tous les membres de la communauté connaissent la forme haute et basse).

2. Bilinguisme sans diglossie (il s’agit d’une situation instable dans laquelle de nombreux individus bilingues dans une société n’utilisent pas les formes linguistiques pour

des usages spécifiques).

3. Diglossie sans bilinguisme (il y a répartition fonctionnelle des usages entre deux langues dans une communauté, mais un groupe ne parle que la forme haute tandis que l’autre, la forme basse).

4. Ni diglossie ni bilinguisme (il n’y a qu’une seule langue).

Selon Calvet (1993 : 38), la notion de diglossie a eu un important écho dans la sociolinguistique mais a été très critiquée car Fishman et Ferguson ont sous-estimé les conflits dont témoignent les situations diglossiques, la diglossie étant en perpétuelle évolution. Au vu de ces théories, Taiwan est-elle dans une situation diglossique ? Avant d’y répondre il convient de reparler des langues en contact sur l’île.

Outline

Documents relatifs