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3.3.1 1 Les langues en contact à Taiwan

3.3.2. Evolution des méthodologies et des manuels de FLE

Faire en quelques lignes le résumé de l’évolution des méthodologies en FLE est une

gageure mais les ouvrages retraçant cette évolution sont nombreux, et je me baserai sur ceux de Germain, Martinez, Puren. L’histoire des méthodologies révèle le fait que les

méthodes peuvent être reliées entre elles par articulation97, par combinaison98, certaines méthodes opposées ne peuvent pas être articulées entre elles tandis que d’autres au

contraire le sont obligatoirement99 ; et si, par ailleurs, à l’heure actuelle on parle d’éclectisme, comme l’indique Puren ( 2001 : 8 ) les pratiques d’enseignement ont toujours été marquées

par un fort éclectisme.

96

J.-P. Cuq, 2003, Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Paris, CLE International, pp. 161-162.

97 Cf. op.cit. p. 165 : il s’agit de la succession chronologique de deux méthodes différentes par

exemple lorsque l’on fait succéder à un exercice de conceptualisation grammaticale (méthode inductive) un exercice d’application (méthode déductive).

98 Ibidem. C’est l’utilisation conjointe de plusieurs méthodes. 99

Les méthodes intuitive et réflexive se combinent entre elles, et les méthodes répétitive, imitative et orale s’attirent naturellement.

La (les) méthode(s) traditionnelle(s) :

La méthodologie traditionnelle est construite sur le modèle de l’enseignement des

langues anciennes du latin et du grec, et a été en vigueur fin XVIème et XXème siècles. Comme le souligne Martinez100 (2002 : 50), la méthodologie traditionnelle est basée sur une « pédagogie de modèle ne permettant pas de développer une compétence de communication » puisqu’elle confère de l’importance à la grammaire, à un écrit normatif et à

la traduction. La méthode appellée « grammaire-traduction » illustre ces types de méthodologies traditionnelles : il s’agit en effet d’acquérir du vocabulaire et de la grammaire par l’intermédiaire de thèmes et de versions ; autrement les manuels, les textes et le

dictionnaire bilingue sont les outils privilégiés de cette méthode. Il faut également souligner qu’avec cette méthodologie, la L1 de l’apprenant a un rôle prédominant.

La méthode directe :

On pensait, avec les méthodes traditionnelles, que parler une langue étrangère consistait à traduire inconsciemment et instantanément en langue étrangère une pensée conçue en langue maternelle. Or, en 1898, Laudenbach, Passy et Delobel s’inspirent du modèle empirique de la « méthode naturelle » et pensent qu’il faut apprendre à penser dans la langue étrangère, ce principe s’oppose donc au principe indirect des méthodes

traditionnelles. La méthodologie directe (dès 1900) repousse la L1 hors de la classe, et invite l’apprenant à davantage de participation et d’implication dans son apprentissage. Par

exemple, le principe direct est appliqué au vocabulaire qui est enseigné dès les premières heures d’apprentissage en langue cible à l’aide de différents procédés tels que le

commentaire en temps réel des actions réalisées en classe, la définition, le geste, le mime, l’exemple, la situation ; et, la grammaire est désormais enseignée de façon inductive sans

passer, comme dans la méthode traditionnelle, par l’intermédiaire de la règle. La méthode

100

directe est ainsi « supposée garantir la mise en œuvre des méthodes actives101 dans l’enseignement des langues » (Cuq : 73). Toutefois, selon Martinez (2002 : 51-52) cette

méthode a le défaut d’enseigner la grammaire de façon trop répétitive et non raisonnée, la progression est difficile à suivre et il n’y a pas assez d’écrit. Cette méthode sera utilisée jusqu’à les années soixante.

La méthodologie audio-orale :

Cette méthodologie, apparue aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale est fortement inspirée par les linguistiques structuralistes et distributionnelles et par la psychologie behavioriste de l’apprentissage. Cela visait à faire acquérir la maîtrise d’automatismes dans la langue étrangère, à faire retenir les bases de la langue par des répétitions intensives par l’intermédiaire d’exercices structuraux phonétiques mais surtout

syntaxiques. Cette méthodologie semble avoir donné des résultats chez les apprenants motivés, mais a également suscité de très vives critiques si bien qu’à partir des années soixante on va progressivement cesser de l’utiliser.

Les méthodologies audiovisuelle et structuro-globale audiovisuelle (SGAV) :

La méthodologie audiovisuelle mise en pratique dans les années cinquante, réutilisant les éléments pertinents des méthodologies précédentes, est basée sur une sélection poussée de l’audio et de la vidéo, et considère que la langue est avant tout un élément acoustico-visuel et la prononciation l’élément essentiel de l’enseignement d’une langue étrangère. Les réflexions et l’élaboration progressive de la problématique SGAV va s’étaler en France depuis la fin des années cinquante jusqu’au milieu des années quatre- vingt. Elle a pour optique l’utilisation de la langue cible en situation et la L1 de l’apprenant est

101

D’après Cuq 2006 : 164), la méthode active désigne tout ce qui permet de susciter et maintenir l’activité de l’apprenant, jugée nécessaire.

considérée comme un élément perturbateur susceptible de gêner, voire d’empêcher l’accès

à la langue cible.

Répondant au besoin de mettre l’apprenant au contact direct de la langue, de concilier l’apprentissage de la langue avec la civilisation, et engendrés par la réflexion pour définir le

niveau 2 de la méthodologie SGAV, les documents authentiques font leur entrée dans la classe de langue.

L’approche fonctionnelle-notionnelle :

Dans les années soixante-dix à quatre-vingt, cette approche contemporaine du niveau-seuil102, renvoie à un principe d’organisation des programmes d’apprentissage des langues vivantes pour des adultes, où la priorité est donnée à la valeur communicative des éléments du langage plutôt qu’à leur valeur grammaticale et formelle. Cette approche « s’inscrit dans la perspective pragmatique ouverte par la philosophie du langage d’Austin puis Searle et l’émergence de la sociolinguistique et du concept de compétence de communication (Hymes et Gumperz, 1972) qui domine encore aujourd’hui la didactique du

FLE » (Cuq, 2003 : 179).

Les approches communicatives :

Les approches communicatives apparaissent dans les années quatre-vingt et s’appliquent au(x) dispositif(s) de choix méthodologiques visant à développer chez l’apprenant la

compétence à communiquer. Le noyau dur de la méthodologie communicative est la compétence de communication avec ses composantes :

102

Selon J.-P. Cuq (2003 : 176-177), la notion de niveau-seuil a vu le jour dans le cadre des projets « Langues vivantes » du Conseil de l’Europe et notamment de la réflexion sur des systèmes d’unités capitalisables. Un niveau seuil constitue « un ensemble d’énoncés en français permettant de réaliser tel acte de parole dans telle situation donnée »(P. Martinez,1996 : 71). Les niveaux-seuils ont été élaborés selon le modèle dit notionnel-fonctionnel et en relation avec les besoins de communication.

« -Linguistique : c’est-à-dire la connaissance et l’appropriation des modèles phonétiques,

lexicaux, grammaticaux et textuels du système de la langue.

-Discursive : c’est-à-dire la connaissance et l’appropriation des différents types de discours

et de leur organisation en fonction des paramètres de la situation de communication dans laquelle ils sont produits et interprétés.

-référentielle : c’est-à-dire la connaissance des domaines d’expérience et des objets du

monde et de leur relation.

-socioculturelle : c’est-à-dire la connaissance et l’appropriation des règles sociales et des

normes d’interaction entre les individus et les institutions, la connaissance de l’histoire culturelle et des relations entre objets sociaux » (Moirand103,1982 : 20).

L’approche communicative tolère le recours à la L1 puisqu’elle tient compte des besoins et des caractéristiques de l’apprenant, et selon Galisson104 : « la langue maternelle

ne fait plus peur. Elle est considérée comme le filtre obligé de tous les apprentissages, et, à ce titre, réhabilitée ».

D’après G. Zarate (2008 : 60) « l’approche communicative est maintenant officialisée

dans les textes européens et segmentée en six niveaux de compétences », et dans les avant-propos des manuels, les auteurs indiquent qu’ils favorisent le travail des compétences

de communication et déclarent que les démarches respectent les orientations du Cadre Européen Commun de Référence des langues (CECR)105. Toutefois, la souplesse de l’approche communicative favorise un éclectisme des pratiques d’enseignement. Et pour

conclure cette partie, selon J. Courtillon (2003 : 27) : « depuis environ 50 ans, la méthode

ayant les faveurs du public est dite "universelle". Elle s’adresse à tous les publics

103

S. Moirand, 1982, Enseigner à communiquer en langue étrangère, Paris : Hachette.

104

R. Galisson, 1980, D’hier à aujourd’hui, la didactique générale des langues étrangères, Paris, CLE

International, p. 64

105 Signalons que dans la perspective actionnelle et la centration sur l’apprenant dont se réclame le

CECR, la notion de tâche est également largement utilisée et de plus en plus de manuels proposent des activités d’apprentissage fondée sur les « tâches ». D’après le CECR (p.121-122) : « La tâche est une "action intentionnelle finalisée", qui "relève de la vie quotidienne" et "débouche sur une réalisation". Par ailleurs, Richer J.-J. (2012 : 135-151), après avoir envisagé l’historique de la notion de tâche (Shekan, 1988 ; Nunan, 1989 ; Willis, 1996 ; Ellis, 2003) propose in fine une définition articulant activité et genres de discours, voire genres sociaux d’activité.

linguistiques du monde : on apprend le français avec le même manuel (…), et cette situation semble perdurer à cause de la mondialisation des produits d’enseignement ». Les manuels

dits « universalistes » sont donc très importants sur le marché, et dans le cadre de cette recherche je me focaliserai sur certains d’entre-eux.

3.3.2. 1. Qu’est-ce qu’un manuel universaliste ?

Pour reprendre les propos de P. Berringer (1995 : 19), il s’agit tout « d’abord d’un

livre, le plus complet possible », intégrant en un unique volume, textes et documents variés,

exercices, explications grammaticales, cassettes audio (et vidéo), etc..

Les manuels de « type universaliste » désignent les méthodes françaises qui ne cherchent pas à répondre à des demandes trop particulières et qui ne visent pas le marché d’un pays donné ; elles sont à opposer aux « méthodes ciblées, qui sont éditées

localement »106 dans les pays étrangers. Selon J.-P. Cuq (2003 : 161) il arrive toutefois qu’ils

soient adaptés à un pays particulier, en utilisant la langue maternelle des élèves par exemple, « la frontière entre manuel universaliste et manuel spécifique est alors moins nette ».

Il s’agit donc de manuels destinés à des publics divers, généralement conçus pour une classe d’âge, comportant une indication de niveau et indiquant le volume horaire d’enseignement qu’ils représentent107

.

Pour terminer sur cette définition, d’après Sagnier (2004 : 98-99), il s’agit

de « manuels diffusés par les éditeurs français, produits et conçus en France pour des

publics hétérogènes, de toutes nationalités et ayant une « visée universaliste ».

Les manuels dits universalistes sont très présents sur le marché taiwanais (comme mondial) et même si la « mort du manuel »108 a été annoncée, ce n’est finalement pas du

106

J. Girardet, (1995), « profession auteur », p. 28, in FDLM numéro spécial Méthodes et

méthodologies, Hachette EDICEF.

107

tout le cas. En effet, le manuel est, et reste, le guide de l’apprenant et de l’enseignant, c’est

aussi une référence concrète et fiable.

3.3.2. 2. Les manuels généralistes à visée universaliste

La brève présentation ci-dessus des courants méthodologiques et des ensembles pédagogiques dont les manuels sont issus ou ont été le point de départ, permet de comprendre l’actualité didactique, et il m’a semblé important de signaler ce que l’on entend

par « manuels à visée universaliste » car dans le cadre de ce travail, je me propose d’examiner l’usage de certains manuels de FLE dits « universalistes ». Il s’agira des manuels

Initial 1, Panorama 1 et Connexions 1&2 (pour plus de détails Cf. troisième

section, chapitre8).

Les manuels universalistes sont donc édités à destination de toute tranche d’âge (car

conçus aussi bien pour des adolescents que pour des adultes) et ne tiennent pas compte de la langue et de la culture des apprenants. Il sera par conséquent intéressant de voir quel est le regard des apprenants taiwanais sur ce type de manuel, et de quelle façon les enseignants les perçoivent et les utiliseront en classe.

De surcroît, l’analyse du manuel (cf. 3ème Partie 8.4) montrera en quoi consistent ces

manuels dits universels et si cette dénomination est adéquate. En effet, selon Besse (1992 : 16) :

« La distinction que l’on fait parfois entre des manuels ou méthodes prétendument « universalistes » et d’autres qui seraient « contextualisés », adaptés « fonctionnellement » aux publics à qui ils s’adressent, apparaît comme surperficielle ou publicitaire : aucune méthode, aucun manuel n’est vraiment adapté (n’est réellement « fonctionnel » par rapport)

à la classe qui est la mienne ce matin. »

108Debyser F., « La mort du manuel et le déclin de l’illusion méthodologique », Le Français dans le

Par conséquent, la réussite ou l’échec d’une classe de langue est lié à la manière dont enseignant et enseignés intègrent ou n’intègrent pas : la mise en œuvre des

méthodologies et des manuels dans le contexte de la classe, ce que propose le manuel ainsi que les options (ou hypothèses ) explicitées ou présupposées dans le manuel.

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