• Aucun résultat trouvé

Les représentations du risque : un déterminant majeur de la vulnérabilité sociale face au volcanisme

STATUT EPISTEMIQUE DES RS

Valeur de vérité

● rapport entre pensée naturelle et pensée scientifique

● diffusion des connaissances un autre ● épistémologie du sens commun Représentation et science Valeur de réalité Décalage ● distorsion

Des dissonances cognitives sont susceptibles d’entrer en jeu dans la construction des

représentations sociales du risque volcanique. Processus cognitif, ladissonance(oudissonance

cognitive) permet de réinterpréter une situation afin d’en éliminer les contradictions. Ce biais cognitif peut apparaitre lorsque des situations traumatisantes ont été vécues. Les souvenirs douloureux ou dérangeants sont alors faussés ou déformés, parfois même occultés et totalement oubliés. Apparaissant également lorsque le risque présente de fortes probabilités de se produire - et face à son imprévisibilité - il permet d’amenuiser le sentiment d’angoisse de l’anticipation d’un point donné du futur, impossible à déterminer.

Les dissonances cognitives du traitement d’information sont multiples. Différents biais sont susceptibles d’intervenir lors de l’élaboration mentale d’une représentation. De plus, les différents mécanismes se renforcent les uns les autres. Ces processus varient d’un individu à l’autre en fonction des différentes constructions de leur identité, leurs caractéristiques (genre, âge…) et de l’objet anxiogène. Certains d’entre eux apparaissent identiques chez plusieurs personnes. Il s’agit de phénomènes de groupes et des résultantes de cultures communes. Ainsi, pour les individus vivant à proximité d’un édifice volcanique actif, il serait possible d’observer un biais de disponibilité. Celui-ci les conduit à adapter leur comportement en fonction des éruptions passées connues mais surtout vécues. Ils se basent alors sur leur propre expérience et ne traitent pas la totalité des informations disponibles, (Tversky & Kahneman, 1979). Ce biais

est proche de l’effet de simple exposition7, où le fait d’être rassuré après avoir été

préalablement exposé à une situation (Schacter, 1999). Ils peuvent alors induire uneIllusion de

savoir où le fait de se fier à des croyances erronées pour appréhender une réalité et ne pas chercher à recueillir des informations complémentaires. C’est le cas lorsque les connaissances

autour d’un objet ou d’une thématique sont limitées ou manquantes. Lebiais rétrospectifou la

tendance à rationaliser des évènements imprévus après-coup, lorsque l’individu les considère comme plus prévisibles qu'ils ne l'étaient avant leur survenue. Cette dissonance est relative à un événement désormais passé. Elle s’opère à travers un sentiment qui se manifeste après coup (Fischhoff & Beyth, 1975).

Les individus ayant vécu une situation de crise - ou ayant des proches parents les ayant subi (grands-parents par exemple) - acceptent de vivre à nouveau sous cette même menace à cause d’un déni du risque lié à un biais de traitement de l’information. L’effet de celui-ci peut en

outre être conforté par unbiais de proximité.Ce dernier entraîne des représentations faussées

de par la plus ou moins grande distance à la source de la menace. Ces biais cognitifs sont des processus du fonctionnement du cerveau humain, générés afin de ne pas vivre dans une angoisse et une pression permanente lorsqu’on est établi en zone à risques.

ailleurs » - attenant au principe de la liberté individuelle dans l’environnement direct d’un

individu. Les anglo-saxons nomme ce syndrome du sigle NIMBY –« Not in my backyard8»-,

(Lacour, 1994). Les catastrophes arrivent mais plutôt chez les autres. L’individu se sent moins

concerné par le risque que son voisin. Le biais mnésiqueou la préférence pour un type de

traitement des informations ou des types de souvenirs particuliers par exemple agit sous

l'influence d'états affectifs (Franken, Rosso, Van Honk, 2003 ; Ridoutet al.,2003).

Notons enfin,l’effet du non événement– où dans l’application de notre cas d’étude, l’habitude

de l’absence de manifestation volcanique malgré tout ce que l’on peut dire du volcan. L'accoutumance au danger est un biais notable : le risque n'apparaît plus dans l’esprit des individus car il est intégré au quotidien, il fait partie intégrante du territoire. Ce biais se renforce d’autant s’il a été sans conséquence notable jusqu'à présent. Les individus prennent alors des

risques par ignorance de celui-ci. Le biais d'attribution ou attribution causale est la façon

d'attribuer la responsabilité d'une situation à une cause interne plutôt qu’externe (Ross et al., 1977). Dans le cadre du risque volcanique, cela peut se traduire par la surestimation d'une cause au dépend d'autres, de nature individuelle : on surestime par exemple volontiers une cause directement visible plutôt qu'une autre dont il faut plus de temps et de réflexion pour l'évaluer. L’illusion de contrôle où la tendance à croire que l’on peut contrôler des événements déterminés par le hasard (Langer, 1975). L’individu pense alors qu’il est possible de contrôler (ou du moins influencer) des résultats sur lesquels il n’a, en réalité, aucune influence.

Raufaste & Hilton (1999) affirment que les comportements humains sont cependant incompatibles avec la théorie classique de l'utilité espérée. Bien qu’une théorie subjective ait été développée, il semble que les préférences de comportement soient généralement construites pendant le processus décisionnel. Dans la prise de décision face au risque, l’observateur extérieur peut percevoir les réactions de certains individus comme irrationnelles. Il n’en est rien. Dans l’urgence, le cerveau de l’être humain traite uniquement les informations qui lui sont personnellement importantes. Elles diffèrent ainsi selon chaque individu. Ludvina Colbeau-Justin (2011) confirme le caractère primaire des réactions humaines face à une situation mettant la survie en péril. Nous accédons au-delà du niveau sociologique avec des processus neurophysiologiques. Après détection du danger et suite à «un influx nerveux qui parvient au cerveau et plus précisément au niveau du bulbe rachidien», l’instinct de survie entre en action. Il «provoque le réflexe de se protéger» au plus vite avec la réaction la plus accessible à l’esprit en émoi. Sans réflexion ou préparation préalable, seules deux solutions apparaissent alors : fuir ou rester figé. (Colbeau-Justin, 2011). Cela explique les comportements apparaissant de prime abord incohérents ou non adaptés.

Selon Dejours (1985 :in Raufaste & Hilton 1999), ledéni du risquepeut se teinter d’idéologie

défensive. L’individu suit ses propres règles ou n’accepte celles des autres que s’il les juge utiles. C’est uniquement à cette condition qu’elles seront fonctionnelles. Ainsi dans les circonstances d’une évacuation, certains partiront spontanément et d’autres refuseront d’évacuer. Dans cette structuration psychologique, le rapport à l’autorité apparaît donc primordial et la communication de l’information tout autant. Dans le domaine de la prévention

et de la gestion des risques, imaginer les dispositifs de protection du futur provient de la représentation des catastrophes. Les gestionnaires l’oublient souvent. En général, ils exposent un discours positiviste occultant sensiblement l’imaginaire des catastrophes. Ils le traitent comme un tabou alors qu’ils pourraient l’utiliser après l’avoir analysé. Ainsi, le déni n’est pas seulement le fait de l’individu en tant que soi car les décideurs peuvent, eux-aussi, développer des dissonances cognitives entrant en interaction au moment de la gestion de crise.

Une constance de l’angoisse du futur s’observe chez l’être humain. A certains outils ou dispositifs préventifs - dont l’une des fonctions est de rassurer - on obtient le résultat contraire : le sentiment d’angoisse des habitants se renforce. Il existe donc une ambivalence fondamentale et irréductible entre les dispositifs de prévention et l’inquiétude qu’ils peuvent engendrer.

Trois îles, deux types de volcanisme

Documents relatifs