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Représentations et souvenirs des éruptions passées

1. Connaissance et vécu des éruptions historiques

1.4. Entre départs spontanés et officiellement programmés

Nous pouvons ici nous intéresser à la décision des habitants du sud de la Basse-Terre de Guadeloupe quand, en 1976, la Soufrière les menace d’une crise éruptive Majeure. Le spectre de l’éruption destructrice de la Montagne Pelée en 1902 planait alors dans les esprits

de l’époque.« Comment avez-vous évacué en 1976 ?38»

Figure 2.6 : La décision d’évacuation lors de l’éruption 1976 en Guadeloupe (en %)

37Nous pourrons vérifier ces distinctions à travers l’analyse sous l’angle de facteurs socio-démographiques réalisée dans le Chapitre 4.

38Pour cette analyse, seules les PSE ayant répondu à l’affirmative à la question précédente (soit 50% de la totalité de l’échantillon guadeloupéen) sont pris en compte. Les pourcentages ont donc été recalculés en fonction.

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Spontanément sans qu'on me le demande

«L’une de ces rumeurs, au début du mois d’août, vint rompre définitivement le fragile équilibre qui pouvait encore exister entre les pulsions de peur et l’espoir d’une accalmie. Le point de départ, qui ne fut jamais officiellement reconnu, en était que l’armée aurait transporté et entreposé à Pointe-A-Pitre, des housses plastiques dont l’usage n’était guère douteux. Des journalistes eurent vent de l’affaire, et la rumeur lui donna une ampleur exceptionnelle, le nombre de 10000, voire de 20000 « cercueils » étant couramment donné. Le Préfet menaça de poursuites les « inventeurs » de la rumeur, mais cette dénégation fut prise aussitôt comme un mensonge et comme la preuve que l’administration se préparait au pire. Il est difficile de mesurer, avec le recul, l’effet dévastateur qu’eut cet événement sur la capacité de résistance de la population à tous les facteurs de dégradation qui s’accumulaient dans cette période. C’était d’autant plus grave pour l’administration qu’elle tentait encore, contre vents et marées, d’encourager la reprise des activités normales en zone menacée. Le Préfet comprit alors que cet objectif ne serait pas atteint dans un tel climat» (Lepointe, 1999 : 38).

Un tiers des PSE guadeloupéennes évacuées, a quitté le sud de la Basse-Terre «de

manière spontanée» (32%), poussés par la peur face à l’imposant nuage noir émis par la Soufrière le 08 juillet au matin et paniqués à l’idée d’une éruption paroxysmale du même

type que celle détruisant Saint-Pierre en Martinique en 1902,(Figure 2.6). Ces habitants ont fui

avant d’obtenir l’aval des autorités dont les compétences étaient remises en doute. Des

rumeurs préjudiciables à leur crédibilité circulaient(Encadré 2.10), n’aidant pas les habitants à

attendre des instructions officielles qui ont tardé à venir. A contrario, un peu plus de deux

tiers des habitants a quitté biens et domicile «sur décision des autorités» (68%), soit au cours

de la journée du 15 août 1976. Ce choix d’évacuation, spontané ou sur décision des autorités, est essentiel lors d’une crise majeure. Les départs sous le coup de la panique sont désorganisés. Ils peuvent entraîner le blocage des axes routiers voire même des accidents. Ils sont également susceptibles d’entraver les manœuvres d’évacuation officielles et d’augmenter ainsi le niveau de la vulnérabilité humaine. Nous reviendrons sur ce choix individuel clé lors de l’analyse des comportements envisagés lors d’une prochaine éruption dans la suite de ce chapitre.

Encadré 2.10 : Les rumeurs, un des éléments déclencheur de l’évacuation spontanée des guadeloupéens en 1976

1.5. Des zones de refuges discutables

Les populations en exode ont dès lors été hébergées dans les centres d’accueils aménagés par les autorités ou ont trouvé refuge soit dans la famille, soit chez des amis. Il est intéressant de visualiser la répartition des populations évacuées dans les communes

du nord de la Basse-Terre. Enfin, deux communes servirent de zone de refuge en 1976 bien qu’elles soient actuellement comptées dans les communes menacées par une éruption paroxysmale. A l’époque, le caractère phréatique de l’éruption ne les menaçait pas. Elles ont donc pu accueillir des réfugiés. Les choix des PSE en Guadeloupe sont logiques bien que le caractère plus ou moins violent d’une prochaine éruption déterminera le statut d’accueil ou de zone à évacuer des communes de Bouillante à l’ouest et Goyave à l’est.

De manière paradoxale, les réunionnais marquent une préférence pour les deux communes les plus menacées par le risque volcanique : Sainte-Rose et Saint-Philippe. Mais ces choix trouvent une explication logique. En effet, lorsque la lave s’écoule sur le territoire de l’une, les habitants se mettent à l’abri dans l’autre. Il arrive même régulièrement de rester dans sa commune d’origine puisque les coulées restent relativement localisées. Il suffit ainsi de trouver refuge chez un voisin proche mais dont l’habitation n’est pas menacée ! Parfois, ce sont l’évolution et la situation géographique d’une coulée de lave qui vont naturellement indiquer le « sens » d’évacuation puisqu’une unique route parcours ici le littoral. Les populations partent donc logiquement à l’opposé. L’insularité ne permet pas d’autres alternatives. La ville de Saint-Denis, chef-lieu de l’île fut également un lieu d’accueil pour les réfugiés réunionnais, Saint-Benoît aussi dans une moindre mesure, en sa qualité de ville dynamique de la côte est.

2. Souvenirs et conséquences de ces éruptions passées

Eruptions meurtrières ou dévastatrices, évacuations massives et relogement, entre attentes, peurs et interrogations à propos du futur, les populations des trois îles étudiées gardent certains faits en mémoire et cela peut avoir des répercussions dans le présent.

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