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La collecte des données auprès de la population 1. A la rencontre des habitants des trois îles

Méthodologie de la recherche

3. La collecte des données auprès de la population 1. A la rencontre des habitants des trois îles

Les enquêtes et le travail de terrain ont été menés de février à juillet 2005 à la Réunion et de février à Août 2007 aux Antilles. Une mission de deux mois lors de l’année de Maîtrise avait servi d’initiation aux terrains antillais et avait permis d’ancrer les bases de cette recherche de plus grande ampleur. Les objectifs en termes d’effectifs d’individus enquêtés ont été atteints. Des taux de refus entre 25 et 30% ont été enregistrés. La raison principale de

ces refus est le «manque de temps» invoqué en grande majorité par les personnes susceptibles

d’être enquêtées. Mais d’autres contrariétés sont apparues telle que l’inquiétude de donner des réponses incorrectes : de nombreux individus ne se jugeaient pas assez instruits pour

réussir à répondre aux questions. Des problèmes de compréhension dus à la langue créole36

ou à l’illettrisme ont ralenti les débuts de l’enquête. L’expérience a permis de repérer certaines heures à éviter : les heures de culte, celles du rituel de la sieste quotidienne voire même celles de certains programmes télévisés particulièrement appréciés et suivis par les habitants. Nos capacités d’adaptation et d’action, chaque jour grandissantes grâce à l’expérience de la réalité in situ, ont aidé à résoudre certains blocages de départ et ont finalement limité le nombre de refus.

Le contact direct avec la population menacée a été bien accepté sauf exceptions provenant directement de la thématique abordée : certaines personnes interrogées n’étaient pas forcément ouvertes à une enquête poussée à propos du risque volcanique et de son appréhension. Certaines se sont rapidement affolées en pensant que si nous étions en train

d’étudier ce sujet sensible, c’est que le risque devait être imminent37; D’autres ne voulaient

absolument pas aborder le sujet, de «peur d’avoir peur» ! Ces dernières étaient totalement réfractaires à davantage d’information sur le sujet. D’autres encore avaient une confiance

aveugle et absolue en la Foi et ne voyaient pas l’intérêt d’une telle étude car, selon eux «Dieu

seul sait»38et les hommes ne peuvent certainement rien faire face à la force de la nature et

aux «humeurs»8d’un volcan …

De manière opportune pour cette étude, de nombreux habitants se sont montrés fortement intéressés et désireux de répondre à nos interrogations - une majorité d’entre eux souhaitant en retour, recevoir notamment davantage d’informations concernant le risque volcanique latent39.

35Nous pourrons d’ailleurs le vérifier lors de l’analyse comparée des représentations spatiales temporelles de la zone menacée par le risque volcanique dans le Chapitre 2.

36Cependant réduit grâce à huit ans vécu à la Réunion où le parlé créole est légion.

37Nous évoquerons à ce propos, la compréhension inversée des messages informatifs et préventifs destinés à rassurer la population dans le chapitre 3.

38Citations et termes utilisés par les habitants des trois territoires à l’étude.

3.2. A la rencontre des enfants scolarisés

Les enquêtes dans les écoles ont été menées de février à juillet 2005 à la Réunion et de février à Août 2007 aux Antilles. Elles se sont déroulées dans de bonnes conditions à la Réunion et en Guadeloupe, malgré la lenteur de l’arrivée d’autorisations officielles des rectorats, auprès desquels les demandes ont été plusieurs fois réitérées par courriers et mails successifs. Les directeurs d’établissements puis les enseignants ont accueilli cette recherche avec un intérêt curieux et enthousiaste, facilitant au mieux l’accès aux données et à l’échange. Les enfants furent ravis d’entrevoir là une échappatoire momentanée à leurs leçons de grammaires ou de mathématiques. Ils se montrèrent intarissables sur le sujet lorsqu’ils avaient reçu un enseignement préalable ou avaient participé à une visite au Musée du Volcan (Réunion) ou à l’Observatoire Volcanologique (Guadeloupe) et très curieux d’en apprendre davantage lorsqu’ils n’étaient que peu familiers du thème abordé. Certaines écoles de Martinique sont inopportunément restées hermétiques à notre démarche dont les autorisations nécessaires se sont perdues dans les dédales administratifs et postaux antillais ; ils sont arrivés en métropole dix jours après le retour de mission. Seuls quelques enseignants

nous ont permis une enquête rapide, le plus souvent incomplète40 et parfois même

outrepassant le désaccord du chef d’établissement : la recherche avant tout ! Il a ainsi été possible de récolter 680 enquêtes auprès des scolaires sur les trois départements.

3.3. Un panel d’acteurs variés

L’étude de la vulnérabilité humaine, bien que ciblée sur les sociétés à risque, ne peut se contenter de la représentation des populations locales ou des enfants scolarisés. Afin d’élargir les connaissances et l’appréhension globale du sujet de recherche, nous avons pris en compte différents acteurs pouvant jouer un rôle autant dans la prévision, la planification et la gestion que dans l’éducation ou la prévention des risques. Yvette Veyret et ses co-auteurs nous confortent en affirmant que «travailler sur le risque implique d’envisager les acteurs dont chacun a sa propre représentation, son propre seuil d’acceptation du danger. Ces acteurs sont nombreux, en France, L’Etat est le premier d’entre eux, et à l’opposé, le citoyen est aussi directement concerné. Cependant les intermédiaires ne manquent pas» (Veyretet al., 2004 : 21). Il s’agissait d’identifier les acteurs compétents puis d’entrer en contact avec eux. Très variés, ceux-ci se composent des institutionnels représentants de l’Etat, notamment des Préfets et des maires des communes sélectionnées, mais également les forces de l’ordre chargées de la gestion sur le terrain en temps de crise et les pompiers associés à ces derniers, souvent les premiers appelés par la population en détresse. Par ailleurs, les scientifiques des observatoires volcanologiques constituent un acteur essentiel de notre panel, de par leur conception rationnelle du risque, base de notre analyse des représentations de la population.

Pour une prévention efficace, il est indispensable d’envisager le risque volcanique dans sa globalité en mobilisant tous les acteurs concernés à des niveaux et des degrés divers. Chacun, y compris la population, possède un rôle spécifique à jouer afin d’assurer la cohésion des actions menées. Effectivement, « le citoyen est généralement celui qui subit la catastrophe. Il doit être bien informé et mobilisé autour de la question des risques ».Cependant,« le nombre élevé d’acteurs explique aisément l’importance des conflits qui peuvent apparaître entre certains d’entre eux en fonction des modes de gestion de l’espace à risque » (Veyret, 2004 : 22), les intérêts, pris isolément, étant parfois divergents. Par exemple, le classement d’une zone communale en zone à risque, donc inconstructible ou à construction très réglementée, entraîne automatiquement une dévaluation du foncier qui ne sera pas du goût de tous. Il n’a pas toujours été aisé de rencontrer le bon interlocuteur. Le contexte créole semble ici responsable en partie de ces contretemps et rendez-vous manqués. Nous avons à plusieurs reprises sollicité certains organismes qui ne nous ont jamais donné suite. Il en a été de même pour des structures administratives communales n’ayant pas honoré les rendez-vous fixés et ce, sur plusieurs créneaux et semaines successives. Dans les cas de réponses positives, nous avons régulièrement été orientés vers les interlocuteurs inappropriés. Malgré un accueil favorable, ceux-ci n’étaient pas toujours au fait du thème abordé. Les entretiens formels furent ainsi plus rares que les discussions informelles, les réponses des personnes interviewées ne reflétant souvent que ce qu’elles s’autorisaient à dire. Il est ainsi plus aisé de retenir les fondements, les principes et les conceptions de chaque catégorie d’acteurs que de présenter littérairement les entretiens établis et précis pourtant tentés. Ces contacts se sont opérés en parallèle de démarches41 auprès de diverses autres personnes clés, telles que la Directrice du Musée de La Maison du Volcan à la Réunion, la responsable du Musée de Saint-Pierre dédiée à l’éruption de 1902 en Martinique, jusqu’au conducteur et guide du

train touristique sillonnant cette ville témoin, ou encore la rencontre avec Michel Feuillard42,

l’ancien directeur de l’Observatoire Volcanologique de Guadeloupe, en poste au moment des événements de 1976 qui nous a permis d’accéder à des documents rares. Des excursions accompagnées in situ ont offert de précieuses précisions scientifiques. Au pied et sur les flancs de la Soufrière de Guadeloupe aux prémices de l’étude, où nous avions été « adoptées et enrôlées » par quelques membres de l’équipe de l’Observatoire Volcanologique dont François Beauducel - Directeur de l’Observatoire de Guadeloupe de 2001 à 2007 - le temps d’une mission de vérification de plusieurs instruments en place et de pose d’un appareil de mesure supplémentaire. Une excursion aussi, au cœur de la Plaine des Sables à la Réunion,

« antichambre » du Piton de la Fournaise avec l’association Lave et Philippe Mairine,

géologue du laboratoire des sciences de la Terre de l’Université de la Réunion. Le groupe avait alors pour tâche de cartographier une zone de la Plaine des Sables aidés par l’étude de la géologie d’un des pitons volcanique : le Piton Rouge, ainsi qu’à la délimitation précise des coulées du Piton Chisny, à l’origine de la formation de cette plaine à l’apparence lunaire. En outre, des missions sur le terrain en périodes d’éruption de la Fournaise ont été l’occasion d’observer en direct les comportements plus ou moins adaptés des populations. Elles ont

41Liste non exhaustive.

42Michel Feuillard, actuellement retraité, fut directeur de l’observatoire volcanologique de Guadeloupe de 1963 à 1997.

souvent donné lieu à des conversations spontanées et permis le recueil de nombreux documents photographiques.

Désirant prendre connaissance des informations accessibles à tout habitant concerné par les risques, les supports de communication les plus variés ont été récoltés tout au long de l’étude : les brochures, les articles de journaux (notamment au cours des éruptions de la Fournaise), les films documentaires, les ressources internet et tous documents d’information préventive concernant le risque volcanique mais également le risque sismique, bénéficiant de campagnes éducatives plus actives. Il a ainsi été possible de combiner les nombreuses informations et données récoltées malgré les contretemps et la diversité des sources, des discours et des points de vue, afin d’avoir une richesse informative alimentant notre recherche au cours de ces années. Une immersion sur le terrain de près de seize mois est venue s’ajouter à huit années vécues à la Réunion entre 1993 et 2001. Cette approche au plus près des populations locales a permis une appréhension privilégiée de la culture et du pensé créole, antillais et réunionnais.

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