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Chapitre 1 : Le Virus de l’Immunodéficience Humaine de type 1, VIH-1

C. Le stade SIDA

Ce stade marque l’ultime étape de l’infection à VIH-1. Le système immunitaire est effondré, le nombre de cellules T CD4+ passe en dessous du seuil critique (moins de 200 T CD4+/µl de sang), ce qui entraîne une très forte augmentation de la virémie. L’organisme n’est donc plus capable de se défendre face aux pathogènes qu’il rencontre et développe des maladies dites opportunistes. Ce sont des infections graves provoquées par un micro-organisme, habituellement non pathogène, qui profite de l’opportunité de l’immunodéficience

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pour entraîner des pathologies sévères. Les principaux micro-organismes opportunistes sont des bactéries (Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium avium, Salmonella…), des champignons (Candida, Aspergillus, Cryptococcus…), des parasites (Leishmania,

Toxoplasma gondii, Microsporidium…) et des virus (Herpes simplex virus, Epstein-Barr,

Cytomegalovirus…). En l’absence de traitement, les maladies opportunistes conduisent à la mort du patient dans un délai de 1 à 3 ans.

Cependant, certaines populations ne suivent pas ce schéma d’évolution de la pathologie. 5 à 10% des patients présentent une phase de latence très longue, même sans traitement antirétroviral et sont appelés progresseurs à long terme. Bien qu’ils soient infectés, ils sont cliniquement en bonne santé avec une charge virale indétectable (< 40-50 copies/ml) mais qui persiste (Rosenberg et al., 1997) et une perte très faible des lymphocytes T CD4+. D’autres, exposés au VIH-1, restent séronégatifs (High Exposed Persistent Seronegative, HEPS). Ces patients sont homozygotes pour une mutation dans le gène codant pour le corécepteur CCR5 qui touche le domaine transmembranaire. Le récepteur est donc absent de la membrane des cellules immunitaires et ne peut pas jouer son rôle de corécepteur pour l’entrée du VIH-1. Cette anomalie serait présente chez moins de 1% de la population (Liu et al., 1996). A l’inverse, les progresseurs rapides, qui représentent approximativement 10 % des patients infectés par le VIH, développent le SIDA dans les 2 ou 3 ans après la contamination. Leurs anticorps anti-VIH ne sont pas neutralisants et pourraient même être facilitants in vitro et la réponse CTL semble être défectueuse.

VII. Tropisme

Souche Cellule cible Corécepteur utilisé

M-tropique

(ou R5) Macrophage, monocytes CCR5

T-tropique

(ou X4) Lymphocyte T CXCR4

Double tropisme

(ou R5X4) Macrophage, monocyte, lymphocyte T CCR5 ou CXCR4

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La capacité du VIH-1 à infecter différentes populations de cellules détermine le tropisme viral. Le récepteur CD4 est requis pour permettre l’infection des cellules par le VIH-1. Normalement, la fonction du CD4 est d’agir comme corécepteur avec le récepteur des cellules T (TCR, T-cell receptor) lors de l'interaction de ce dernier avec le CMH-II d'une cellule présentatrice d'antigène. D’autres types cellulaires peuvent exprimer des niveaux plus faibles de CD4, par exemple les monocytes et les macrophages et dans une moindre mesure une population mineure de T CD8+ exprimant le CD4, les Natural Killer (NK), les cellules microgliales et certaines populations de cellules dendritiques. Un corécepteur est également nécessaire durant la phase d’entrée du virus : le CCR5 ou le CXCR4, deux récepteurs aux chimiokines. L’identification de ces récepteurs et corécepteurs permet de distinguer trois ‘groupes’ de virus (Tableau 2). Le premier est celui des virus ‘M-tropiques’ ou ‘R5’, qui utilise spécifiquement le corécepteur CCR5 et est capable d’infecter les macrophages dérivant de monocytes. Ces virus sont principalement trouvés chez les patients nouvellement infectés et lors de la phase asymptomatique (Huang et al., 1996; Liu et al., 1996). Le second groupe est celui des virus ‘T-tropiques’ ou ‘X4’ (Oberlin et al., 1996), utilisant préférentiellement le corécepteur CXCR4 et infectant préférentiellement les lymphocytes T CD4+. Ils sont retrouvés dans les stades tardifs de l’infection, au moment du SIDA. Enfin, la dernière population virale est capable de fixer indifféremment les corécepteurs CCR5 ou CXCR4 et peuvent donc infecter à la fois les lymphocytes et les cellules monocytaires (Collman et al., 1992). Ces souches sont dites à double tropisme ou ‘X4R5’ et sont observées durant la phase tardive de la maladie.

Les souches R5, qui représentent le phénotype viral dominant chez les individus nouvellement infectés, sont essentiellement transmises par voie sexuelle. Plus tard, chez environ 50% des individus contaminés, le phénotype viral change et acquiert le tropisme X4, ce qui entraîne une décroissance rapide des T CD4+ et une progression rapide du SIDA. Expérimentalement, une souche R5 peut être convertie en souche X4 en changeant 2 acides aminés au niveau de la boucle V3 de la gp120 (De Jong et al., 1992; Fouchier et al., 1992). La substitution d’acides aminés électrostatiquement neutres ou chargés négativement en acides aminés chargés positivement aux positions 11 et/ou 25 de la région V3 peut suffir à l’acquisition d’un tropisme viral X4. Trois hypothèses sont proposées pour décrire la prédominance des virus R5 aux phases initiales de l’infection et les facteurs induisant la conversion phénotypique :

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- les premières cellules infectées (cellules dendritiques, macrophages et lymphocytes T) présentes au niveau des muqueuses expriment préférentiellement ou exclusivement CCR5 (Miller and Shattock, 2003; Patterson et al., 1998). Ces mêmes muqueuses expriment fortement SDF-1 (Stromal cell-derived factor 1), une chimiokine liant spécifiquement le CXCR4, bloquant ainsi ce corécepteur. La conversion R5 en X4 serait alors due à la transmission d’une mutation de 2 acides aminés dans la région V3 de la gp120.

- les souches R5 ont un épitope sur la boucle V3 de la gp120 qui est masqué (Lusso et al., 2005), contrairement aux souches X4. Cette boucle, protégée chez les souches R5, confèrerait un avantage sélectif aux isolats R5. Les souches X4, avec une boucle plus exposée, seraient plus sensibles aux anticorps neutralisants. au début de l’infection.

- un changement de la population lymphocytaire au cours de l’infection serait responsable de la conversion phénotypique : le taux de prolifération des lymphocytes T naïfs (CCR5-/CXCR4+) augmente, favorisant la réplication des souches X4.

VIII. Réservoirs anatomiques et cellulaires du VIH-1

Après l’arrêt des thérapies antirétrovirales hautement actives (HAART), on peut rapidement noter la réapparition du virus chez le patient infecté. Cela révèle l’existence de réservoirs viraux anatomiques et/ou cellulaires réfractaires dans l’organisme des patients. Ces réservoirs permettent une réalimentation rapide de l’organisme en virus circulants après l’arrêt de traitement.

1. Réservoirs cellulaires et latence

La latence virale est un état d’infection non-productif réversible de cellules individuelles. Les cellules infectées de manière latente ne produisent pas de particules virales infectieuses mais conservent la capacité de le faire. Elles montrent de faibles niveaux ou l’absence complète d’expression des gènes viraux qui peuvent être régulés de façon positive par de nombreux stimuli, incluant ceux activant les cellules T (Folks et al., 1986).