• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Palmitoylation

B. Protein palmitoyl thioesterases

VI. Fonctions de la palmitoylation

La palmitoylation ayant lieu aux membranes, il faut que les protéines solubles interagissent au moins de manière transitoire avec les membranes afin d’être palmitoylées. Cette interaction peut se faire de deux façons. La première, grâce à une autre modification lipidique. La palmitoylation de protéines doublement modifiées est dépendante de la première modification, que ce soit le prénylation ou la myristoylation (Shahinian and Silvius, 1995). Les groupes myristate ou farnesyl ont une faible affinité pour les membranes : les protéines arrivent à la membrane puis partent, jusqu’à ce qu’elles rencontrent une membrane avec la PAT adéquate, permettant le ciblage membranaire. Cette interaction permet l’ajout de la seconde modification lipidique qui augment l’affinité de la protéine pour la membrane (Peitzsch and McLaughlin, 1993; Shahinian and Silvius, 1995) et résulte en l’association stable de la protéine à la membrane. La seconde, par des interactions électrostatiques, où les acides aminés basiques interagissent avec les charges négatives portées par les phospholipides de la membrane. Comme dans le premier cas, la protéine interagit avec la PAT adéquate ce qui permet la modification lipidique et l’association stable de la protéine à la membrane (Hancock et al., 1990).

2. Adressage aux radeaux lipidiques

La palmitoylation permet l’adressage des protéines cibles aux rafts lipidiques, des sous-domaines de la membrane plasmique enrichis en sphingolipides et en cholestérol (Brown and London, 1998; Edidin, 2003). Les rafts sont des plateformes de signalisation et de transport grâce à l’incorporation sélective de lipides et protéines. Les rafts sont riches en protéines modifiées avec des chaînes d’acide gras. On trouve à la surface cellulaire des

| Partie 1 Introduction 81

protéines ayant des ancres GPI (glycosylphosphatidylinositol) et au niveau du feuillet interne cytoplasmique, des protéines ancrées à la fois par une myristoylation et une palmitoylation ou par une double palmitoylation. Les protéines modifiées par l’attachement d’un acide gras saturé ont une plus forte affinité pour l’environnement hautement ordonné des rafts. Bien que la palmitoylation augmente l’affinité pour les rafts, toutes les protéines palmitoylées ne résident pas dans ces derniers. La manière dont la palmitoylation affecte l’association aux radeaux lipidiques n’est pas claire. Cela pourrait être dû à l’affinité du palmitate pour des lipides spécifiques ou des domaines lipidiques. C’est ce que suggère les études sur les différentes isoformes de Ras palmitoylées ou non (Henis et al., 2009). La palmitoylation de Ras permet l’association à des nanodomaines riches en cholestérol, alors que Ras non-palmitoylée est exclue de ces domaines (Prior et al., 2003). Dans le cas des protéines transmembranaires, l’association aux rafts lipidiques pourrait dépendre de l’effet de la palmitoylation sur la conformation des domaines transmembranaires. En effet, les domaines riches en cholestérol sont plus épais que le reste de la membrane, à cause du cholestérol, la modification du domaine transmembranaire par la palmitoylation pourrait affecter la longueur du segment hydrophobe, menant à une séparation des protéines en fonction de l’épaisseur membranaire.

3. Effets sur l’association protéine-protéine

La palmitoylation de protéines membranaires semble affecter la capacité de ces protéines à interagir avec d’autres protéines, solubles ou transmembranaires. L’exemple le plus frappant est celui du réseau des tetraspanines, de larges complexes protéiques qui incluent de nombreuses tetraspanines palmitoylées (Delandre et al., 2009; Zevian et al., 2011; Zhou et al., 2004) ainsi que des sous-unités d’intégrines palmitoylées (Gagnoux-Palacios et al., 2003; Sharma et al., 2012; Yang et al., 2004). La palmitoylation peut avoir lieu sur de nombreux sites comme c’est le cas pour KAI1, un membre de la famille des tetraspanines qui inhibe la migration et l’invasion des cellules métastatiques du cancer de la prostate. Cette protéine peut en effet être palmitoylée sur cinq cystéines (Zhou et al., 2004). Lorsque qu’un mutant de la protéine, non palmitoylable, est utilisé, KAI1 ne peut plus interagir avec d’autres tetraspanines telles que CD9 et CD151. Le réseau de tetraspanines est donc rompu. La palmitoylation régule les interactions entre les tétraspanines (Charrin et al., 2002) mais aussi entre tetraspanines et intégrines (Berditchevski et al., 2002).

82 Partie 1 Introduction |

Cependant la palmitoylation peut aussi avoir l’effet contraire et ainsi affecter négativement la multimérisation protéique. C’est le cas pour la molécule d’adhésion cellulaire neuronale 140 (NCAM 140), essentielle à la croissance axonale. La palmitoylation de la protéine par la DHHC7 permet l’association aux rafts lipidiques (Ponimaskin et al., 2008) mais inhibe la dimérisation des domaines extracellulaires de la protéine.

4. Interactions entre la palmitoylation et les autres modifications post-traductionnelles

Différentes études montrent que les DHHCs et les thioestérases ne sont pas les seules à réguler les réactions de palmitoylation. En effet, les dynamiques de palmitoylation/dépalmitoylation peuvent aussi être régulées par des modifications post-traductionnelles sur la protéine cible.

Des études récentes ont montré l’importance de ces interactions entre les différentes modifications post-traductionnelles dans la régulation du trafic du récepteur AMPA (récepteur à l’α-amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate). L’absence de la cystéine palmityolée dans la queue C-terminale de GluA1, une sous-unité du récepteur, permet la phosphorylation d’une sérine voisine. Cette phosphorylation va permettre l’interaction entre GluA1 et la protéine 4.1N et qui par la suite permet l’exocytose de GluA1. Il est possible que la palmitoylation de la cystéine empêche la phosphorylation en introduisant une contrainte allostérique. Cette contrainte empêcherait la PKC d’avoir accès à ses substrats, un mécanisme déjà proposé dans le cas du récepteur adrénergique avec la phosphorylation et la palmitoylation (Moffett et al., 1996). De plus, lorsque la queue C-terminale de GluA1 n’est pas palmitoylée et donc phosphorylée, la protéine n’est plus dégradée par le lysosome (Kessels et al., 2009), indiquant une modulation croisée entre phosphorylation et ubiquitination.

En effet, il a été décrit que la palmitoylation peut avoir un effet sur l’ubiquitination. Il a été montré pour plusieurs protéines, comme le LRP6 (Abrami et al., 2008), TEM8 (Abrami et al., 2006) ou encore le CCR5 (Blanpain et al., 2001; Percherancier et al., 2001), que la palmitoylation prévient l’ubiquitination et la dégradation.

La phosphorylation semble aussi réguler la palmitoylation. Par exemple, la phosphorylation de la cyclic nucleotide phosphodiesterase A2 empêche la liaison de la protéine à la membrane, la palmitoylation ne peut donc avoir lieu (Charych et al., 2010). Cette régulation par la phosphorylation est pertinente pour les protéines périphériques à la

| Partie 1 Introduction 83

membrane et permettrait un état dépalmitoylé de la protéine en absence d’une dépalmitoylation active, menée par une thioesterase.

La nitrosylation pourrait aussi jouer un rôle. L’acide nitrique (NO) peut directement modifier les cystéines par S-nitrosylation (Stamler et al., 1992) et entrerait donc en compétition directe avec la palmitoylation, régulant la dynamique de cette dernière. Le NO pourrait déplacer le palmitate de façon directe. En effet, il a été montré que la S-nitrocystéine donneuse de NO accélère la libération de palmitate tritié à partir de H-ras dans des expériences de pulse-chase (Baker et al., 2000).