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La palmitoylation de Tat est nécessaire pour son effet inhibiteur sur le trafic membranaire

Partie 3 Résultats

IV. La palmitoylation de Tat est nécessaire pour son effet inhibiteur sur le trafic membranaire

trafic membranaire dépendant du PI(4,5)P2

Nous avons ensuite étudié le rôle biologique de la palmitoylation en utilisant à la fois le 2-bromopalmitate (2-BP), un inhibiteur non spécifique de la palmitoylation (Resh, 2006c) et la Tat-C31S qui ne peut pas être palmitoylée (Figure 31). La TatWT et la Tat-C30S ont été utilisées comme contrôles positifs. Nous avons tout d’abord examiné si la palmitoylation était impliquée dans la capacité de Tat à inhiber la neurosécrétion.

A -

10-6 10-5 0.0001 0.001 0.01 Niveau ARNm DHHC20 / GAPDH Macrophages primaires

PC12 Jurkats-T Cellules T primaires

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1. La neurosécrétion

Figure 41. La palmitoylation est requise pour l'inhibition de la neurosécretion par Tat.

Les cellules PC12 sont co-transfectées avec l’hormone de croissance humaine (GH) et Tat ou un mutant. Quand cela est indiqué, les cellules ont été traitées avec 100 µM 2-BP pendant 3 h, avant de déclencher la sécrétion de GH avec un 300 µM d’ATP qui a été quantifiée par ELISA (moyenne +/- SEM, n= 3 expériences en triplicats).

La protéine TatWT inhibe très fortement l’activité sécrétrice des cellules PC12 (Tryoen-Toth et al., 2013). Les cellules PC12 sont un modèle bien caractérisé de cellules neurosécrétrices qui permet d’étudier les mécanismes de libération des hormones. Pour cela l’hormone de croissance humaine (GH) est transfectée dans les cellules, ce qui permet à la protéine recombinante d’être spécifiquement incorporée dans les granules de sécrétion qui, après stimulation, fusionnent avec la membrane plasmique dans un processus identique à la sécrétion des neuromédiateurs (Vitale et al., 2001). Ce processus est dépendant du PI(4,5)P2 (Holz et al., 2000). Comme vu précédemment, Tat interfère avec le recrutement de protéines clés de la machinerie exocytique interagissant avec le PI(4,5)P2. Par exemple Tat inhibe le recrutement de l’annexine 2 sur les sites de neurosécrétion et empêche la réorganisation du cytosquelette d’actine nécessaire à la fusion des granules de sécrétion avec la membrane plasmique.

Dans un premier temps, nous avons testé l’effet du 2-BP sur l’activité sécrétrice des cellules PC12 exprimant TatWT. Ainsi, alors que la libération de GH est inhibée significativement (~40%) en présence de la TatWT, et que le 2-BP seul n’affecte pas la neurosécrétion nous avons pu observer qu’en présence de 2-BP, TatWT n’a plus d’effet sur l’exocytose (Figure 41). Cette absence d’effet de TatWT sur l’exocytose en présence d’un inhibiteur de palmitoylation peut être mise en parallèle avec la relocalisation de Tat induite

0 5 10 15 20 Sécrétion GH (%)

**

**

Tat-C30/31S Tat-C31S Tat-C30S TatWT + 2-BP TatWT Vecteur + 2-BP Vecteur

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par cette drogue (résultat non montré). Dans un second temps, nous avons testé l’effet des différents mutants de Tat sur l’activité sécrétrice. Lorsque l’on utilise un mutant de Tat toujours palmitoylé, comme Tat-C30S, il y a toujours une forte inhibition de l’exocytose de la GH. En revanche, les mutants C31S et C30/31S ont perdu leur effet inhibiteur de Tat sur la sécrétion de GH. Ces mutants ont, contrairement à la TatWT, une distribution très majoritairement cytoplasmique (Figure 32). Collectivement ces résultats indiquent que Tat doit être palmitoylée pour pouvoir inhiber l’exocytose neuronale.

2. La phagocytose

Figure 42. La palmitoylation est requise pour l’inhibition de la phagocytose (voie du récepteur Fc) par Tat.

Les macrophages humains (MDMs) ont été traités pendant 5 h par 2nM de Tat ou de Tat-C31S ou 100 µM 2-BP comme indiqué, avant de tester la phagocytose de billes de latex recouvertes d’IgG. Plus de 100 cellules ont été comptées (n= 3 expériences).

Nous avons également étudié l’effet inhibiteur de Tat sur un processus différent aussi dépendant du PI(4,5)P2, dans un type cellulaire complètement différent : la capacité des macrophages à phagocyter leurs cibles en utilisant le récepteur Fcγ. Ce processus clé est connu pour reposer sur l’accumulation du PI(4,5)P2 au niveau de la coupe phagocytique (Bothelo and Grinstein 2011). L’équipe a déjà montré que Tat inhibe la phagocytose en empêchant le recrutement de cdc42 au niveau de la coupe phagocytaire dans les macrophages (Debaisieux et al., en révision). Afin de déterminer si la Tat non palmitoylable pouvait inhiber la phagocytose, les macrophages primaires humains (MDMs) ont été traités par le 2-BP, la TatWT ou le mutant Tat-C31S. Nous avons ensuite testé la phagocytose en utilisant des billes recouvertes d’IgG humaines. La capacité des macrophages à phagocyter ces cibles est inhibée d’environ 35% par Tat. Le 2-BP, l’inhibiteur de la palmitoylation et la mutation C31S

40 50 60 70 80 90 100 110 Phagocytose (%)

***

Tat-C31S TatWT + 2-BP TatWT + 2-BP Contôle

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bloquent l’effet inhibiteur de Tat sur la phagocytose (Figure 42). De la même manière que pour la neurosécrétion, Tat doit être palmitoylée pour inhibiter la phagocytose.

Figure 43. La palmitoylation de la Tat produite par les cellules infectées par le VIH-1 est requise pour affecter la phagocytose.

Les cellules T CD4+ ont été purifiées à partir de sang humain, stimulées pendant 6 jours puis infectées avec un virus T-tropic (NL4.3). (A) Les virus WT ou Tat-C31S avec une MOI de 0.5 ou 1 ont été utilisés. La production virale a été suivie grâce à la p24 (Gag) libérée dans le milieu. (B) Les virus WT, Tat-C31S ou Tat-W11Y ont été utilisés. Après un jour, les cellules T ont été lavées puis ajoutées à des MDMs autologues (10 cellules T/MDM). Les cellules ont été co-cultivées pendant 8 jours avant de réaliser le test de phagocytose médié par le récepteur Fc en utilisant des billes recouvertes d’IgG humaines. Après cela, 15-25% des cellules T étaient infectées et 0% des macrophages l’étaient. Les différences de significativité avec les cellules contrôle non infectées ont été examinées avec un test t de student (**, p <0,01). (moyenne ±SEM, n= 3 expériences en triplicats).

Nous avons ensuite voulu nous rapprocher de la réalité biologique et voir si la palmitoylation de Tat, produite par des cellules infectées, pouvait affecter la phagocytose. Dans un premier temps, il a fallu s’assurer que la mutation de Tat sur la Cys31 n’impactait

0 100 200 300 400 500 600 700 3 5 WT (0.5) C31S (0.5) WT (1) C31S (1) p 24 ( ng/m l) Jours 50 60 70 80 90 100 110 Phagocytose (%) Cellules T + pNL4.3 Tat-C31S Cellules T + pNL4.3 Tat-W11Y Cellules T + pNL4.3 Tat-WT Cellules T non-infectées Aucune cellule T

**

A - B -

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pas la production virale (Figure 43A). Pour se faire, des cellules T isolées à partir de sang humain ont été infectées avec un virus WT ou Tat-C31S avec deux MOI (Multiplicity Of Infection = ratio des particules infectieuses par cellule) différentes, 0,5 ou 1. En suivant la p24 (Gag) libérée dans le milieu, on s’aperçoit qu’il n’y a aucune différence pour la quantité de paticules virales produites, entre le WT ou le mutant, indiquant que le virus Tat-C31S est aussi infectieux que le WT. La mutation de Tat n’affecte donc pas la production virale. Ce résultat est en accord avec l'infectiosité du virus de sous Type C indien (Arien et al., 2007).

Par la suite des cellules T ont été infectées par le virus WT, Tat-C31S ou Tat-W11Y puis mis en présence de macrophages humains (MDMs) autologues (10 cellules T/ MDM) (Figure 43B). Après 8 jours de co-culture le test de phagocytose médiée par le récepteur Fc a été réalisé. Seuls les macrophages en présence d’une Tat qui peut être palmitoylée (TatWT) voient leur activité phagocytaire diminuée de 30%. En effet, les Tat non-palmitoylables produites par les cellules T infectées, Tat-C31S (non palmitoylable) et Tat-W11Y (ne peut entrer dans la cellule), n’affecte pas l’activité phagocytaire des macrophages.

Collectivement ces résultats montrent que la palmitoylation de Tat est requise pour que Tat puisse inhiber des processus membranaires dépendants du PI(4,5)P2 tels que la neurosécretion et la phagocytose.