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Chapitre 4 Les peptidyl-prolylisomérases

D. Cyclophiline A et infection virale

a. Interaction de CypA avec la protéine de capside du VIH-1

Figure 27. Comparaison des conformations de la protéine de capside (CA).

Les résidus 86 à 93 de la capside (CA) sont représentés en bâtonnets avec les chaînes latérales tronquées à partir de l’atome Cβ (à l’exception de la proline) et les atomes de carbone sont colorés en jaune ou orange (trans) et vert (cis). CypA est montrée en représentation ruban avec la chaîne latérale d’Arg55 montrée explicitement. (A) Représentation des huit structures de CA qui adoptent une conformation trans. Les quatre structures contenant la Gly89 sont colorées en jaune ; les quatre structures Ala89 sont colorées en orange. (B) Représentation des huit structures de CA adoptant une conformation cis. (C) Comparaison des conformations trans (jaune) et cis (vert). Pro : Proline ; Ala : Alanine ; Gly : Glycine ; Arg : Arginine. (Howard et al., 2003).

L’incorporation efficace de CypA dans les virions est réalisée grâce à l’interaction directe de la liaison peptidique prolyle, localisée dans une boucle riche en prolines de la 4ième et 5ième hélice de la protéine de capside du VIH-1, et le domaine catalytique de CypA (An et al., 2007) (Figure 27). La proline en position 90 (P90) et la glycine en position 89 (G89), toutes deux très conservées parmi les polyprotéines Gag, sont importantes pour cette interaction

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(Luban, 1996). La CypA est incorporée dans les virions pendant la réplication virale avec un ratio 1 :10 CypA/CA (Bosco et al., 2002). CypA réalise l’isomérisation cis/trans sur la surface externe de la capside (Bosco and Kern, 2004). La perturbation de son incorporation avec des mutants de Gag ou par traitement avec la CsA atténue l’infectiosité des particules virales (Takeuchi, 2010). L’incorporation de la CypA de la cellule hôte dans les particules virales est une étape importante dans la morphogenèse et essentielle pour la réplication du VIH-1.

b. Interaction entre CypA et les protéines accessoires du VIH-1

Les résidus proline de la partie N-terminale de Vpr interagissent avec la CypA de la cellule hôte (Bruns et al., 2003). Lorsque la CsA est utilisée, l’expression de Vpr est bloquée sans pour autant affecter la transcription de Vpr, son transport intracellulaire ou son incorporation dans les virions. De plus, l’expression de Vpr est réduite dans les cellules T knock-out pour la CypA (Zander et al., 2003). En absence de l’activité de CypA, l’arrêt du cycle cellulaire médié par Vpr disparaît complètement dans les cellules T infectées. Cependant, une autre étude montre que l’interaction avec la CypA n’est pas essentielle pour l’induction de l’arrêt du cycle cellulaire en phase G2 par Vpr (Ardon et al., 2006).

Il semble que l’infectiosité optimale du VIH-1 nécessite la présence à la fois de Nef et de CypA pendant l’assemblage viral et ces facteurs facilitent l’étape entre la pénétration et la transcription inverse. Cependant, la présence de Nef n’est pas nécessaire pour l’incorporation de CypA dans les virions et vice versa. Etonnamment, les virions où la CypA est absente sont toujours sensibles au traitement par la CsA, d’une manière dépendante de la présence du gène Nef fonctionnel (Aiken, 1998). L’utilisation d’une chimère CypA-Nef améliore l’infectiosité des particules défectives pour Nef et est spécifiquement incorporée dans les virions via l’interaction avec Gag pendant l’assemblage viral (Qi and Aiken, 2008). Pris ensembles, ces résultats montrent que Nef et CypA interagissent indépendamment mais complémentairement pour rendre les particules virales totalement infectieuses.

c. Interaction entre CypA et CD147 pendant l’infection par le VIH-1

CD147 est le récepteur principal de signalisation pour la CypA dans les leukocytes humains (Damsker et al., 2007). L’interaction CD147-CypA peut induire la phosphorylation de GagMA pour réguler le détachement du complexe de rétrotranscription de la membrane ou promouvoir la transition entre l’hémifusion et la fusion complète, permettant la libération du complexe de rétrotranscription dans le cytoplasme (Pushkarsky et al., 2001). D’un autre côté,

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il a été proposé que l’interaction CypA-CD147 puisse indirectement affecter la conformation de GagCA menant à la déstabilisation de la capside (Luban et al., 1993). La CypA permet l’attachement du VIH-1 sur les cellules cibles via les héparanes et ces derniers facilitent l’interaction CypA-CD147 en interagissant tout d’abord avec la CypA puis en la présentant au CD147 (Saphire et al., 1999). Par conséquent, l’interaction CypA-CD147 peut être régulée en aval par l’interaction héparane. De plus, l’effet facilitateur de l’interaction CypA-CD147 sur la réplication du VIH-1 est indépendant de la signalisation mais est probablement médié par le domaine cytoplasmique de CD147 (Pushkarsky et al., 2007).

2. Famille des FKBPs

Les FKBPs constituent la deuxième grande famille des immunophilines. Comme pour les cyclophilines, l’activité PPIase est inhibée par les immunosuppresseurs. Il n’existe toutefois pas d’homologie structurale entre cyclophilines et FKBPs. Le premier immunosuppresseur est le FK506 (ou tacrolimus), un composé isolé à partir de Streptomyces

tsukubaensis. Le second immunosuppresseur, la rapamycine [ou sirolimus, isolée à partir de Streptomyces hygroscopicus (Vezina et al., 1975)], interagit également avec le domaine

PPIase et induit l’immunosuppression grâce à des interactions avec la cible mammifère de la rapamycine, mTOR (mammalian target of rapamycin).

L’activité PPIase des FKBPs s’observe sur des substrats différents de ceux des cyclophilines. Les substrats privilégiés des FKBPs contiennent en effet un acide aminé hydrophobe précédant le résidu proline (Harrison and Stein, 1990). La séquence des FKBPs est très conservée notamment au niveau des résidus intervenant dans cette activité enzymatique (Kay, 1996).

Depuis la découverte de la première FKBP, 15 autres membres de la famille des FKBPs ont été découverts chez l’Homme (Rulten et al., 2006). Au sein de cette famille, on distingue quatre groupes répartis en fonction de leur localisation intracellulaire et de leur composition en domaines. Le numéro associé à chaque FKBP représente sa masse moléculaire en kilodaltons. Il y a un groupe cytoplasmique (FKBP12 et 12.6), un groupe nucléaire (FKBP25 et 135), un groupe contenant un TRP (FKBP36, 37, 38,51 et 52) et un groupe sécrété (FKBP13, 19, 22, 23, 60 et 65). FKPB12, le plus petit membre, est considéré comme l’archétype à partir duquel les autres FKBPs ont évolué par duplication génique et/ou par des changements dans les domaines N- et C-terminaux (Rulten et al., 2006). Parmi ces quatre groupes, on peut distinguer les FKBPs à un seul domaine FKBD (FK506-binding

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domain) (FKBP12, 13, 25 et 38) et celles contenant plusieurs domaines FKBPs (FKBP51, 52, 54 et 65) (Galat, 2000).

La FKBP12, qui est le modèle des FKBPs, est formée de 5 feuillets β encadrant une courte hélice α (Van Duyne et al., 1993). La formation du complexe de FKBP12 avec son ligand augmente la stabilité de la FKBP12 ce qui permet au complexe d’être plus résistant au clivage protéolytique par la calcineurine (Galat, 2003) et crée une surface de liaison appropriée pour la liaison pour mTOR (Harrar et al., 2001). Bien que FKBP12 soit connue pour sa capacité à lier et inhiber la calcineurine en présence de FK506, elle peut également interagir avec plusieurs récepteurs, indiquant que FKBP12 joue un rôle dans la signalisation. FKBP12 se lie et régule l’activité de TGFβ1R (Wang et al., 1996), IP3R (Cameron et al., 1995) et le récepteur à la ryanodine (Wehrens 2003 Ahearn). En l’absence de FK506, FKBP12 interagit avec les récepteurs de la ryanodine RyR qui constituent une classe de canaux calciques du réticulum sarcoplasmique (Breiman and Camus, 2002; Brillantes et al., 1994; Wang and Donahoe, 2004), stabilisant les canaux RyRs. En présence de FK506 ou de rapamycine, il y a une entrée intracellulaire de Ca2+ dans les cellules endothéliales ce qui contribue à un disfonctionnement endothélial et à l’hypertension (Long et al., 2007). Il a été récemment attribué un rôle supplémentaire dans la signalisation en aval des récepteurs au niveau de Ras (Ahearn et al., 2011). Les trois formes de Ras palmitoylées ont des prolines à proximité des cystéines modifiées par le palmitate. FKBP12 interagit avec Ras d’une façon dépendante de la palmitoylation. FKBP12 permet la dépalmitoylation et le trafic rétrograde de Ras dépendant d’une proline dans la région hypervariable de Ras (Ahearn et al., 2011).

3. Immunosuppression par les complexes immunophilines/immunosuppresseurs

Les cyclophilines et les FKBPs ont des domaines PPIase structurellement distincts qui n’ont aucune ressemblance dans leur séquence acide aminé. Les drogues se lient à la poche catalytique du domaine PPIase et inhibe l’activité PPIase. De plus, les complexes drogues immunophilines, Cyp-CsA et FKBP-FK506, interagissent avec la calcineurine (également connue sous le nom de protein phosphatase 2B ou PP2B), inhibant l’activité phosphatase de cette dernière (McCaffrey et al., 1993) (Figure 28). En résulte une phosphorylation élevée d’un grand nombre de substrats de la calcineurine, et notamment empêche la déphosphorylation du facteur de transcription NF-AT (nuclear factor of activated T cells) (Liu et al., 1991). NF-AT permet normalement la transcription du gène de l’IL-2, une cytokine importante dans l’activation et la prolifération des cellules du système immunitaire. La

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rapamycine en s’associant avec FKBP12 inhibe également la prolifération des cellules T via son interaction avec la protéine kinase associée au FKBP-rapamycine aussi connue sous le nom de mTOR (mammalian target of rapamycin) (Brown et al., 1995; Sabatini et al., 1994).

Figure 28. Immunosuppression par les complexes immunophiline/immunosuppresseur/calcineurine.

Quand un antigène se lie au récepteur des cellules T (TCR), une cascade de signalisation impliquant l’inositol triphosphate (IP3) est initiée, menant à l’activation de la calcineurine (CaN). La calcineurine déphosphoryle NF-ATc (cytoplasmic nuclear factor of activated T-cells), qui est ensuite transloquée dans le noyau (NF-ATn) et régule l’initiation de la transcription de l’IL-2. Les complexes immunophilines/immunosuppresseurs inhibent la calcineurine, stoppant efficacement la réponse immune. Seul le complexe FKBP12/rapamycine interagit avec mTOR, une protéine apparentée à la famille des PI-3 kinases. D’après (Kang et al., 2008).

(Hancock et al., 1989; Kobayashi et al., 1993; Pepinsky et al., 1998; Roberts et al., 2008; Topinka and Bredt, 1998)