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Chapitre 1 : Le Virus de l’Immunodéficience Humaine de type 1, VIH-1

C. Les protéines virales

Les différentes protéines virales sont synthétisées au cours du cycle viral selon un schéma bien défini. Il est régulé à la fois par des facteurs cellulaires et certaines protéines régulatrices du virus. La majorité des protéines virales est incorporée dans le virion comme les protéines structurales et enzymatiques et quelques protéines auxiliaires (Chertova et al., 2006; Ott, 2008).

a. Les protéines de structure

Figure 7. Synthèse des protéines de structure et des enzymes du VIH-1.

Les différentes ORFs (phases ouvertes de lecture) sont représentées ainsi que les protéines codées. Le gène gag code pour le précurseur polyprotéique Pr55gag dont le clivage libère les enzymes de structure : la matrice (MA), la capside (CA) et la nucléocapside (NC). Le gène pol code pour les enzymes virales : la transcriptase inverse (RT), l’intégrase (IN) et la protéase (PR). Ces protéines sont traduites dans le cadre d’un décalage du cadre de lecture via le précurseur Pr160gag-pro-pol. Les glycoprotéines d’enveloppe gp41 et gp120 sont codées par le gène env au sein d’un précurseur Pr160env. D’après (Peterlin and Trono, 2003).

Le gène env code une polyprotéine immature (Figure 7), qui possède un peptide signal permettant sa fixation au niveau du réticulum endoplasmique rugueux. Cette polyprotéine subit ensuite une glycosylation dans l’appareil de Golgi, ce qui donne la glycoprotéine

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précurseur gp160. Une protéase cellulaire, la Furine (Hallenberger et al., 1992), va par la suite la cliver, ce qui génère les protéines constitutives de l’enveloppe virale : la gp120 SU et la gp41 TM. La gp120 a pour rôle de sélectionner les récepteurs appropriés à la pénétration du virus. La variabilité du VIH-1 est en grande partie due à la gp120 qui est dotée de plusieurs épitopes variables (V1 à V5). La gp41, transmembranaire, interagit avec la gp120 par sa partie extracellulaire et permet la fusion ente l’enveloppe virale et la membrane cellulaire, ce qui est essentiel pour l’entrée du virus (Perez et al., 1992).

La traduction de l’ARN non épissé (ARN génomique) produit deux polyprotéines : le précurseur Gag p55 et le précurseur Gag-Pro-Pol p160 (Figure 7). C’est le décalage du cadre de lecture d’un nucléotide en amont (-1) qui va permettre de synthétiser les différents précurseurs (Dulude et al., 2002). Ce saut de phase a lieu environ une fois sur vingt, d’où l’abondance en large excès du précurseur Gag par rapport à Gag-Pro-Pol. Cela permet de respecter le ratio entre les différentes protéines virales.

La maturation du précurseur Gag (internal group specific antigen) conduit à la libération des protéines de matrice (MA, p17), de capside (CA, p24), de nucléocapside (NC, p7), du domaine C-terminal p6 et des deux peptides « spacers », p1 et p2. Elle se produit après le bourgeonnement viral (Swanstrom and Wills, 1997).

La partie N-terminale de la MA est myristoylée, ce qui, avec la fixation au PI(4,5)P2 (Chukkapalli and Ono, 2011), permet l’ancrage de Gag à la membrane cellulaire. Cela initie le processus d’assemblage du virus, impliquant l’association des protéines Gag et le recrutement des protéines d’enveloppe à la membrane (Bukrinskaya, 2007). Dans les particules virales matures, les protéines MA s’assemblent en trimères (Alfadhli et al., 2009) et tapissent la face interne du virus mature.

La région CA dans le précurseur Gag est impliquée dans la multimérisation des protéines Gag (Zhang et al., 1996). Suite à la maturation, la protéine s’assemble sous forme d’hexamères associés en une structure serrée qui protège le génome ARN au cœur de la particule virale, la capside. Cette dernière est composée de 1500 monomères de CA.

La NC est composée de deux doigts de zinc entourés de résidus basiques et est capable de lier les acides nucléiques en tant que chaperonne (Levin et al., 2005). La NC étant étroitement liée à l’ARN viral cela permet de le protéger (Darlix et al., 1995) et de stabiliser le dimère d’ARN viral. La NC est requise pour d’autres étapes du cycle de réplication comme l’intégration, elle serait impliquée dans la stabilisation de l’intégrase au niveau des LTRs

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(Carteau et al., 1997; Poljak et al., 2003), ou bien la transcription inverse, en stabilisant le complexe ADN/RT (Grohmann et al., 2008).

Le peptide p6 a un rôle dans les étapes finales de bourgeonnement du virion en recrutant les protéines cellulaires, telles que ALIX et TSG101 des protéines de la machinerie ESCRT, impliquées dans le relargage des particules virales, (Bieniasz, 2009). Elle intervient également dans l’incorporation des protéines virales Nef et Vpr dans les virions (Costa et al., 2004; Paxton et al., 1993).

Le peptide p2 se situe au niveau du précurseur entre la CA et la NC. Il interagit avec la NC et permet de reconnaître spécifiquement le signal d’encapsidation ψ (Morellet et al., 2005).

Le peptide p1 se situe au niveau du précurseur entre la NC et p6. Très peu de choses à son sujet sont connues à ce jour, on sait seulement que sa mutation entraine une altération de la réplication (Hill et al., 2007).

b. Les protéines enzymatiques

La protéase virale p15 (PR) est produite à partir du précurseur Gag-Pro-Pol par autocatalyse (Figure 7). La protéine s’assemble sous forme d’homodimère et peut ainsi permettre la maturation des différents précurseurs Gag et Gag-Pro-Pol pour libérer les protéines de structure puis les enzymes virales RT et IN après le bourgeonnement du virus. Son rôle est central dans la maturation du virus, maturation qui est nécessaire à l’infectiosité des virions.

La reverse transcriptase (RT) assure l’étape de transcription inverse, qui permet la formation d’un ADN bicatenaire proviral à partir de l’ARN génomique viral. C’est une enzyme hétérodimérique p66/p51, la sous-unité p51 est issue du clivage de la p66 à partir du dimère p66/p66, libérant la p51. La p51 possède un domaine ADN polymérase alors que la p66 contient à la fois un domaine ADN polymérase et un domaine RNase H. Seule la sous-unité 66 possède les activités catalytiques, l’activité ADN polymérase ARN et ADN dépendante et l’activité endonucléase RNase H, qui est une activité de dégradation spécifique de l’ARN dans des hybrides ARN/ADN. La p51, bien qu’ayant une séquence identique au domaine ADN polymérase de la sous-unité 66, n’a aucune activité catalytique dans l’hétérodimère. La p51 adopte une structure différente de la p66 et sert ainsi de support à la p66.

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L’intégrase p32 (IN) est issue de la maturation du précurseur polypeptidique Gag-Pro-Pol par la protéase virale. Elle permet l’intégration de façon stable de l’ADN proviral au sein du génome cellulaire, étape clé du cycle réplicatif du VIH-1 et des rétrovirus. Cette intégration se fait grâce à la fixation de l’enzyme à des sites spécifiques aux extrémités 5’ et 3’ du provirus, les sites att (Leavitt et al., 1992). Il semble que l’intégration se fasse de manière aléatoire bien que des facteurs cellulaires puissent intervenir pour diriger l’enzyme vers des sites préférentiels, en affectant sa localisation et sa stabilité sur l’ADN cellulaire (Ciuffi et al., 2005).

c. Les protéines auxiliaires

Le génome du VIH-1 code pour six protéines auxiliaires, caractéristiques du VIH, que l’on ne retrouve pas dans les autres rétrovirus. Celles-ci sont impliquées dans la régulation de la réplication virale (Li et al., 2005b) et peuvent être divisées en deux groupes : les protéines régulatrices (Tat et Rev) et les protéines accessoires (Vif, Vpr, Vpu et Nef).

· Les protéines régulatrices

Les premiers évènements de traduction interviennent à partir des ARN multi-épissés présents dans le cytoplasme pour produire les protéines régulatrices Tat et Rev. Les processus de transcription seront fortement stimulés sous l’action de Tat (Trans-activator of transcription), l’activateur transcriptionnel du VIH-1. Tat va reconnaître une structure présente dans la partie 5’ des transcrits, l’élément TAR (Berkhout et al., 1989), pour activer la transcription à partir du LTR viral. Lorsque Tat est absente ou mutée, la transcription virale ne produit que des transcrits incomplets et l’on observe alors l’absence de synthèse de nouveaux virions dans les cellules infectées (Dayton et al., 1989; Fisher et al., 1986). Outre ce rôle crucial dans l’activation de la transcription virale, Tat est associée à de nombreuses activités : la fonction transactivatrice ainsi que les autres activées de Tat seront détaillées dans le chapitre qui lui est consacré.

L’autre protéine régulatrice essentielle du VIH-1 est la protéine Rev (Regulator of expression of viral proteins). Comme dans le cas de Tat, la fonction de Rev s’exerce via une interaction protéine-ARN : elle reconnaît spécifiquement le RRE (Rev-responsive element), un élément présent sur tous les ARNm viraux partiellement ou non épissés. De tels types d’ARNm cellulaires sont, dans les conditions normales de la cellule, retenus dans le noyau pour l’achèvement de leur épissage ou seront dégradés. Rev utilise les systèmes de transport

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cellulaires pour exporter les ARNm viraux non épissées vers le cytoplasme (Malim et al., 1989) où ils vont s’accumuler et cela notamment grâce à sa séquence d’export nucléaire (NES pour nuclear export signal) (Emerman and Malim, 1998; Pollard and Malim, 1998). Ceux-ci serviront alors de matrice pour la synthèse de protéines virales ou d’ARN génomique qui seront assemblés dans les nouveaux virions.

· Les protéines accessoires

Les protéines accessoires Vif, Vpr, Vpu et Nef ont des activités différentes dont certaines agissent en synergie afin de faciliter au mieux la dissémination virale.

La protéine Vif (Virion Infectivity Factor), dont l’expression est dépendante de Rev, est fortement exprimée dans le cytoplasme des cellules infectées lors de la phase tardive du cycle viral. Vif est essentielle à la production de virions dans les types cellulaires dits « non-permissifs», comme les lymphocytes naïfs et les macrophages (Cullen, 1998). Dans ces cellules, Vif cible certains facteurs cellulaires dits « de restriction » qui inhibent la réplication du virus. En particulier, Vif mène à la dégradation du facteur cellulaire APOBEC3G (APOlipoprotein B mRNA-editing enzyme catalytic polypeptide-like 3G). Ce facteur, une protéine de la famille des cytidines désaminases, s’incorpore aux particules virales, perturbe le processus de reverse transcription et induit des mutations dans le génome viral, délétères pour la multiplication du virus (Santa-Marta et al., 2005). Quand Vif est présente dans les cellules productrices, elle bloque l’activité antivirale d’APOBEC3G en induisant sa dégradation par le protéasome (Marin et al., 2003; Mehle et al., 2004).

La protéine Vpr (Viral Protein R) est incorporée dans les particules virales (Yuan et al., 1990) grâce à son interaction avec l’extrémité C-terminale du précurseur Gag (Lu et al., 1995). Cette protéine, retrouvée au niveau du noyau et de l’enveloppe nucléaire, participe également à l’import du complexe de pré-intégration dans le noyau lors des phases précoces des infections de novo (Heinzinger et al., 1994). Enfin, elle interfère avec la progression du cycle cellulaire en induisant un arrêt du cycle en phase G2/M, permettant une augmentation de la réplication virale, notamment en stimulant l’activité du LTR (Bukrinsky and Adzhubei, 1999).

La protéine Vpu (Viral Protein Unique to HIV-1) est une protéine membranaire qui a la capacité de s’oligomériser. La protéine a deux fonctions essentielles. La première est de stimuler la libération des nouveaux virions. En effet, Vpu inhibe l’activité d’un facteur de

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restriction cellulaire, la tétherine, qui retient les virions à la surface de la cellule, empêchant leur appareillage (Dube et al., 2010; Neil et al., 2008). La seconde est d’induire la dégradation du CD4. Vpu interagit avec le domaine cytoplasmique du CD4 et plusieurs membres de la machine d’ubiquitinylation. Le CD4 est donc ubiquitinylé ce qui mène à sa dégradation par le protéasome (Margottin et al., 1998).

La protéine Nef (Negative factor) est une protéine abondamment produite lors des étapes précoces du cycle viral. Dans un premier temps, il a été pensé que Nef avait un effet répresseur sur la transcription, d’où son nom, mais il est clair aujourd’hui qu’il n’en est rien. Cependant, il lui a été rapidement attribué d’autres fonctions à différentes étapes du cycle viral. L’une d’elle est de moduler l’expression de récepteurs à la surface des cellules infectées et en particulier le récepteur CD4 et les molécules du CMH de classe I, essentiels à la réponse immunitaire. Nef interagit avec les protéines adaptatrices AP-1 (Adaptator Protein1) (Erdtmann et al., 2000) et AP-2 (Lindwasser et al., 2008), impliquées dans l’endocytose. AP-1 et AP-2 lient respectivement le CMH-I et le CD4 (Janvier et al., 2003), entraînant leur internalisation par endocytose à puits recouverts de clathrine. Les récepteurs sont ensuite amenés au lysosome où ils sont dégradés. En permettant l’internalisation du CMH-I, la cellule infectée n’est plus reconnue comme telle et n’est donc pas détruite par les lymphocytes T cytotoxiques (Collins et al., 1998). La diminution du CD4 à la surface des cellules infectées, quant à elle, inhibe sa possible fixation à la gp120 et contribue donc à la libération efficace des particules infectieuses (Peterlin and Trono, 2003).

De plus, Nef peut induire un remodelage du cytosquelette d’actine (Campbell et al., 2004a). Il a été récemment montré que la formation de filopodes pouvait être induite par Nef à la surface des cellules infectées (Nobile et al., 2010). Il semblerait que ces structures faciliteraient l’établissement de contacts entre cellules infectées et non-infectées, favorisant la dissémination virale (Aggarwal et al., 2012). La protéine régule également le transport du cholestérol dans les cellules infectées, le recrutant pour l’assemblage et le bourgeonnement des particules virales (Zheng et al., 2003).

d. La protéine anti-sens

Dans le cas du VIH-1, la transcription antisens permet la production d’une protéine appelée ASP (AntiSens Protein). Cette petite protéine de 19 kDa a une localisation membranaire (Clerc et al., 2011). Elle est préférentiellement exprimée dans les lignées cellulaires monocytaires, en particulier les cellules dendritiques (Laverdure et al., 2012). A

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l’heure actuelle sa fonction n’est pas encore connue mais des études au sein de notre équipe indiquent qu’elle pourrait avoir un rôle dans la persistance du virus au sein de l’organisme infecté.

V. Cycle viral et réplication

Figure 8. Cycle de réplication du VIH-1.

Se référer au texte pour le détail des étapes. L’assemblage (10) et le bourgeonnement (11) viral représentés sous la membrane plasmique (flèches noires pleines) seraient associés au caractère aigu des infections, caractérisé par une production virale massive, des effets cytopathiques importants et une forte mortalité cellulaire. L’assemblage (10) et le bourgeonnement (11) représentés dans les corps multivésiculaires (flèches en pointillé) seraient associés au caractère persistent à long terme de l’infection, permettant l’échappement au système immunitaire. L’échappement au système immunitaire permet ainsi le relargage massif des virions. D’après (Miyauchi et al., 2009).

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Les étapes du cycle viral peuvent être divisées en deux phases : la phase précoce et la phase tardive (Figure 8). La première retrace les évènements compris entre la reconnaissance de la cellule hôte et l’intégration du provirus. La seconde retrace les étapes qui ont lieu après l’intégration.

1. Phase précoce