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Chapitre 2 : La protéine Tat du VIH-1

A. Récepteurs de Tat

L’identification des HSPGs (heparan sulfate proteoglycan) comme récepteurs de la surface cellulaire pour l’internalisation de Tat est cohérente avec la notion que Tat est capable d’entrer dans une grande variété de lignées cellulaires (Tyagi et al., 2001), indiquant qu’elle utilise une molécule ubiquitaire à la surface cellulaire pour entrer dans les cellules. Les HSPGs correspondent à des protéines portant des heparane sulfates (HS). Les HS sont des glycosaminoglycanes, appartenant à la famille des carbohydrates. Ils sont constitués d’une chaîne de disaccharides répétés sur lesquels sont greffés des groupements sulfate. Tat se lie à l’héparine chargée négativement et cette interaction requiert le domaine basique de Tat, chargé positivement (Chang et al., 1997). Beaucoup de données indiquent que cette interaction n’est pas seulement déterminée par des interactions ioniques mais nécessite aussi la reconnaissance d’une structure spécifique. L’affinité de liaison de Tat/HS est proportionnelle à la taille des oligosaccharides de type héparine. Une chaîne d’héparine peut lier jusqu’à six molécules de Tat (Rusnati et al., 1997; Rusnati et al., 1999). Elle dépend aussi de l’importance et de la distribution des groupes sulfate sur l’ossature de l’HSPG.

En se fixant aux HSPGs, Tat empêche la fixation du facteur de croissance basique des fibroblastes (bFGF) à ces derniers. Le facteur se retrouve alors sous forme soluble ce qui va favoriser la croissance des cellules endothéliales. Cet effet de Tat joue donc un rôle dans l’angiogenèse (Barillari and Ensoli, 2002).

b. Les intégrines

Bien que l’angiogenèse soit déclenchée par des facteurs angiogéniques solubles, elle est modulée par les récepteurs aux intégrines qui permettent des interactions d’adhésion entre les cellules endothéliales et la matrice extracellulaire (Folkman and Shing, 1992). Les intégrines qui fixent Tat sont en général α5β1 et αvβ3, les récepteurs respectifs de la vibronectine et de la fibronectine, dont l’expression est fortement accrue dans les cellules du syndrome de Kaposi (SK) associé au SIDA (Barillari 1993, Barillari 1999). Mais Tat peut également lier l’intégrine αvβ5 qu’elle lie via son domaine basique (Vogel et al., 1993). C’est la région RGD présente dans la partie C-terminale de la protéine qui, elle, interagit avec les intégrines α5β1 et αvβ3. Il faut cependant noter que le motif RGD (aa 78-80) de Tat n’est pas

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très bien conservé entre les isolats (Debaisieux et al., 2012). L’interaction de Tat avec l’intégrine αvβ3 fournit aux cellules endothéliales le signal requis pour proliférer, promouvoir la migration cellulaire et activer l’expression de la collagénase IV (Barillari et al., 1999; Ensoli et al., 1994), une protéase qui joue un rôle clé dans l’angiogenèse et la progression tumorale (Brooks et al., 1996; Seftor et al., 1993). Dans les DCs, cette interaction inhiberait la phagocytose des corps apoptotiques (Zocchi et al., 1997). Ce mécanisme participerait fortement à l’altération des fonctions des DCs, telle que la présentation antigénique.

c. Le récepteur du VEGF

Au niveau des cellules endothéliales, Tat possède une activité angiogénique. Cette activité est la conséquence de l’interaction de Tat avec les récepteurs au VEGF (vascular endothelial growth factor) un récepteur à activité tyrosine kinase (Albini et al., 1996). Le VEGF est particulièrement actif au sein des lésions du SK où il interagit avec le facteur bFGF, permettant la prolifération des cellules endothéliales et l’angiogenèse (Barillari and Ensoli, 2002). Le premier exon de Tat est nécessaire et suffisant pour cette interaction (Mitola et al., 2000). Cela entraîne l’activation du récepteur par phosphorylation, conduisant à l’angiogenèse. Dans les monocytes, la liaison de ce récepteur par Tat entraîne la migration de ces derniers. Cependant, l’extrémité C-terminale contenant la séquence RGD est aussi nécessaire. Cette dernière pourrait influencer la réponse du récepteur en interagissant avec des sous-unités de l’intégrine ou la neurophiline-1 (Soker et al., 1998), qui régulent les fonctions du récepteur tyrosine kinase, ou avec d’autres co-récepteurs encore non identifiés. Cette extrémité C-terminale est indispensable pour l’activation complète in vivo et in vitro de l’angiogenèse.

d. L’antigène CD26

La dipeptidyl peptidase IV, ou CD26, est une glycoprotéine membranaire multifonctionnelle. Exprimée à la surface de la plupart des types cellulaires, elle est associée à l’adhésion cellulaire, l’activation des cellules T et l’apoptose. CD26 est une sérine exopeptidase qui clive les dipeptides X-proline de la partie N-terminale des polypeptides. Elle est exprimée en tant qu’hétérodimère à la surface des cellules épithéliales, endothéliales, lymphoïdes et peut être trouvée sous forme soluble dans le sérum (Fan et al., 2003; Liu et al., 2009; Morimoto and Schlossman, 1998; von Bonin et al., 1998). En plus de son activité peptidase, CD26 peut aussi bien se lier à différentes protéines de la cellule hôte qu’à des protéines virales ou de microbes. CD26 est également un récepteur du collagène et de la

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fibronectine qui permettent de médier l’adhésion cellulaire à la matrice extracellulaire (Hanski et al., 1985). Il a été montré que CD26 était impliquée dans les métastases cancéreuses (Cheng et al., 2003).

L’association de Tat avec CD26 est bien documentée. La partie N-terminale de Tat interagit avec une forte affinité avec le site catalytique de l’enzyme. L’interaction des deux protéines résulte en l’inhibition de l’activité enzymatique de CD26. Il a alors été suggéré que CD26 était impliquée dans la médiation des effets immunosuppresseurs de Tat avec l’inhibition de la prolifération des cellules T (Gutheil et al., 1994).

e. La protéine LRP

Le LRP (lipoprotein receptor-related protein) est un membre de la famille des récepteurs aux lipoprotéines à faible densité. Il est constitué de deux sous-unités, une grosse unité (515 kDa) qui contient quatre domaines putatifs de liaison aux ligands et une sous-unité (85 kDa) attachée de manière non-covalente contenant le domaine transmembranaire et la queue cytoplasmique (Krieger and Herz, 1994). Une expression importante du LRP est observée dans le cerveau, principalement sur les neurones (Bu et al., 1994). C’est aussi un récepteur endocytique pour de multiples ligands (Strickland et al., 1995). Parmi les ligands physiologiques du LRP, on peut trouver l’α2-macroglobuline (α2M), l’apolipoprotéine E4 (ApoE4), la protéine précurseur de l’amyloïde (APP) et la protéine β-amyloïde. Le métabolisme régulé de ces ligands par les voies médiées par le LRP est essentiel pour la croissance neuronale, l’adhésion et la réponse à une blessure. Par exemple, la surexpression d’APP mène à des pathologies ressemblant à Alzheimer (Higgins et al., 1995).

Il a été montré que Tat était un ligand du LRP (Liu et al., 2000). Le domaine core de Tat est directement impliqué dans l’interaction de Tat avec le LRP et cette interaction se fait sur plusieurs sites du récepteur. Tat entre donc en compétition avec les autres ligands du LRP ce qui résulte en une inhibition de leur liaison sur les neurones. Après sa liaison avec le LRP, Tat est internalisée puis transloquée dans le noyau des neurones. Une fois arrivée dans le noyau, la protéine active l’expression de gènes neuronaux. L’interaction de Tat avec le LRP pourrait contribuer aux désordres neurologiques associés au VIH-1.

f. Les récepteurs aux chimiokines

Tat contient un motif CC (Cys-Cys), une caractéristique que partagent beaucoup de chimiokines β. Ces chimiokines sont produites par un grand nombre de cellules et sont des

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chemoattractants puissants des monocytes (Uguccioni et al., 1995). Les chimiokines sont des ligands des récepteurs couplés aux protéines G à 7 domaines transmembranaires. Tat est, elle aussi, capable de se lier aux récepteurs aux chimiokines CCR2, CCR3 et CXCR4 des monocytes/macrophages, via son domaine riche en cystéine (Albini et al., 1998b; Xiao et al., 2000). Elle entre donc en compétition avec d’autres chimiokines telles que MCP-1 pour le CCR2 et MCP-3 pour le CCR3. L’activation de ces récepteurs par Tat attirerait et activerait ainsi les cibles du VIH-1 exprimant ces récepteurs au lieu de l’infection (Ranga et al., 2004), favorisant la propagation et l’établissement de l’infection par le VIH-1.