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Chapitre 3 : Palmitoylation

B. Protein palmitoyl thioesterases

VII. Réversibilité de la palmitoylation et régulation dynamique

Contrairement à d’autres modifications lipidiques statiques, la polyvalence de la palmitoylation est grandement renforcée par sa réversibilité. On sait en effet que la palmitoylation de beaucoup de protéines, mais pas toutes, est dynamique (Figure 25) (Magee et al., 1987) et peut être modulée en réponse à une stimulation cellulaire (Degtyarev et al., 1993; Mumby et al., 1994; Wedegaertner and Bourne, 1994). Un des exemples de ce phénomène est le récepteur du mannose-6-phosphate. Le temps de demi-vie du récepteur est de 40 h, mais la demi-vie du palmitate attaché est de seulement 2 h (Schweizer et al., 1996). Cela suggère qu’une protéine peut subir plusieurs cycles de palmitoylation pendant sa durée de vie.

Bien que la dynamique de palmitoylation des protéines transmembranaires puisse impacter leur tri dans les compartiments membranaire distincts, la dépalmitoylation de protéines solubles peut permettre leur relargage à partir de la membrane et leur diffusion cytosolique. Les dynamiques rapides de palmitoylation et dépalmitoylation de nombreuses protéines ajoutent un niveau supplémentaire de complexité aux effets de cette modification post-traductionnelle sur le tri des protéines.

Les trois substrats les plus étudiés et dont les niveaux de palmitoylation sont régulés par un signal extracellulaire sont la sous-unité Gα de la protéine G hétérotrimérique (Wedegaertner and Bourne, 1994), les petites GTPases Ras et la protéine d’échafaudage PSD-95 (El-Husseini Ael et al., 2002).

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Figure 25. Schéma général des cycles de palmitoylation-dépalmitoylation permettent la navette des protéines entre les différents compartiments.

Plusieurs protéines (en vert), telles que la sous-unité Gα de la protéine G hétérotrimérique et les petites GTPases H-Ras et N-Ras, font constamment la navette entre la membrane plasmique et l’appareil de Golgi. Ce processus est réalisé par des cycles de palmitoylation-dépalmitoylation. Leur itinéraire est déterminé par la localisation de la palmitoylacyltransférase (PAT) responsable de la palmitoylation et de la palmitoyl protein thioesterase (PPT). La plus part des protéines sont adressées à des microdomaines spécialisés de la membrane plasmique (radeaux lipidiques). La palmitoylation se fait soit à la membrane plasmique soit lors de l’endocytose. D’après (Fukata and Fukata, 2010).

1. La sous-unité Gα de la protéine G hétérotrimérique

Les protéines G transmettent le signal entre les récepteurs couplés aux protéines G (GPCRs) et leurs effecteurs. Les protéines G sont des hétérotrimères fonctionnels composés de la sous-unité α liant le GTP et d’un complexe formé des sous-unités β et γ. Gα possède en plus de la palmitoylation une modification lipidique stable, soit un palmitate en N-terminal, soit une myristoylation. La sous-unité γ est quant à elle prénylée. Les sous-unités β et γ s’associent dans le cytoplasme après leur synthèse. A l’état basal, le GPCR et Gα sont palmitoylés. En réponse au ligand, Gα échange le GDP pour du GTP et se dissocie de Gβγ. Gα, libre, devient alors un substrat pour APT1 et est donc dépalmitoylé. Le GPCR est également dépalmitoylé mais la thioestérase responsable du phénomène n’est pas encore connue. Le détachement du palmitate, induit par l’activation du récepteur, contribue à la régulation négative de la voie de signalisation. Suite à l’activation du récepteur et la dépalmitoylation de Gα, la distribution de Gα peut être modifiée. Certains groupes la trouve

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dans le cytoplasme (Wedegaertner et al., 1996), d’autres la voient toujours à la membrane (Huang et al., 1997). Dans ce cas précis peut être que la dépalmitoylation permet juste le déplacement de Gα dans un sous-domaine membranaire différent. Une fois dépalmitoylée, la sous-unité libre est sensible à l’activité GAP des protéines RGS (Regulator of protein G signaling) (Tu et al., 1997). Ces dernières hydrolysent le GTP et permettent ainsi la réassociation de Gα avec Gβγ. Une fois l’hétérotrimère reformé à la membrane plasmique, Gα peut à nouveau être palmitoylée. Le GPCR également.

2. Les petites GTPases Ras

Les effets du cycle de palmitoylation/dépalmitoylation ont été largement étudiés pour les isoformes de Ras palmitoylés (Goodwin et al., 2005; Rocks et al., 2005; Roy et al., 2005). H-Ras et N-Ras farnésylés ont une faible affinité pour la membrane ce qui permet leur interaction avec les membranes de l’appareil de Golgi. La palmitoylation de Ras dans ce compartiment, par la DHHC9, entraîne une association stable à la membrane et le trafic vers la membrane plasmique. La dépalmitoylation ultérieure, assurée par APT1, entraîne une délocalisation de la protéine dans le cytosol (Dekker et al., 2010). Il y a alors à nouveau le processus de palmitoylation au Golgi, ce qui permet de nouveau le trafic vers la membrane plasmique (Figure 25). Dans le cas de N-Ras, les analyses cinétiques du palmitate radioactif indiquent que la demi-vie de la palmitoylation de la protéine est de 20 min (Magee et al., 1987). Cela signifie qu’au cours de la demi-vie de N-Ras, il y aura plus de 100 cycles de palmitoylation/dépalmitoylation. Ce cycle de palmitoylation permet un flux constant des isoformes de Ras du Golgi vers la membrane plasmique permettant la localisation correcte des petites GTPases palmitoylées. Lorsque qu’un inhibiteur d’APT1, la palmostatine B, ou des constructions bloquant la dépalmitoylation sont utilisés, les Ras palmitoylées se trouvent au niveau de toutes les membranes cellulaires (Dekker et al., 2010; Rocks et al., 2010).

En atteignant la surface cellulaire, les isoformes de Ras se répartissent en nanodomaines de signalisation distincts. La distribution de chaque isoforme présente des combinaisons spécifiques d’actine, de cholestérol et de galactine (Henis et al., 2009). Ces associations sont dynamiques et régulées par l’état d’activation des protéines Ras. Par exemple, la forme de H-Ras active liée au GTP est exclue des rafts (Prior et al., 2001) alors que la forme inactive liée au GDP s’y trouve. La liaison du GTP à Ras, provoque un changement conformationnel de la protéine qui permet d’influer sur l’exposition du palmitate qui devient alors plus exposé (Abankwa et al., 2008). Ce changement facilite l’interaction

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avec la galectine-1 pour stabiliser la localisation en dehors des domaines dépendant du cholestérol (Abankwa et al., 2010). Il semble qu’il y ait une connexion entre activation, dépalmitoylation et mouvement latéral au sein de la membrane. FKBP12, une prolylisomérase, interagit avec Ras d’une façon dépendante de la palmitoylation ce qui permet la dépalmitoylation de la protéine ainsi que son trafic rétrograde de la membrane plasmique vers le Golgi (Ahearn et al., 2011).

3. PSD-95

Un grand nombre de protéines neuronales, plus particulièrement des protéines synaptiques, peuvent être palmitoylées (El-Husseini Ael and Bredt, 2002). Les protéines nouvellement synthétisées doivent être transportées vers leur bonne destination, parfois sur de longues distances. Les protéines sont triées dans des vésicules au niveau du réseau du trans-Golgi pour le transport vers l’axone, les dendrites ou le cône de croissance.

PSD-95, une protéine d’échafaudage, est localisée dans une région membranaire post-synaptique spécialisée (Craven et al., 1999), appelée densité post-post-synaptique (PSD pour postsynaptic density). C’est grâce à la palmitoylation que la protéine se localise dans cette région et s’organise en nanodomaines. C’est la DHHC2, une DHHC de la membrane plasmique, qui catalyse la palmitoylation de PSD-95 et qui permet ainsi son accumulation spécifique à la membrane plasmique (Fukata et al., 2013). Si les deux cystéines palmitoylées, situées à l’extrémité N-terminale, sont mutées, cela entraîne une relocalisation diffuse de la protéine dans les dendrites et les corps cellulaires (Topinka and Bredt, 1998). La protéine permet le recrutement de molécules de signalisation (i .e., SynGAP et kalirine-7), de canaux ioniques (i.e. les récepteurs AMPA et NMDA) et des molécules d’adhésion (i.e., neurologine) qui à leur tour permettent le recrutement des complexes Shank-Homer permettant la maturation des PSDs (Kim and Sheng, 2004). Cette plasticité synaptique peut-être régulée par l’activité synaptique. En effet, lors de l’activité synaptique, la production de glutamate induit une dépalmitoylation des récepteurs AMPA, provoquant l’internalisation de ces derniers (El-Husseini Ael et al., 2002). Cette stimulation favorise une dépalmitoylation rapide de PSD-95 (El-Husseini Ael and Bredt, 2002) entraînant sa délocalisation de la PSD, réduisant la taille des nanodomaines postsynaptiques. Cela suggère qu’une PPT non-identifiée est la cible primaire de la régulation en aval de la stimulation par le glutamate. Cependant ce processus est réversible puisque la DHHC2 de la membrane plasmique peut repalmitoyler le même pool de PSD-95 (Fukata et al., 2013).

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