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Spécificités pragmatiques, discursives, interactionnelles et dialogiques

un état de l’art interactionniste

2 Les troubles spécifiques du développement du

2.3 Caractéristiques pragmatiques et discursives

2.3.2 Spécificités pragmatiques, discursives, interactionnelles et dialogiques

Dans certaines études (Fey & Leonard, 1984 ; Leonard, 1986), les auteurs n’ont pas remarqué de différences significatives au niveau pragmatique entre des enfants avec ou sans troubles. Cependant, plusieurs études révèlent au contraire certaines spécificités. Fujiki et Brinton (1994) résument ces recherches en observant que les enfants avec TDL présentent les mêmes compétences pragmatiques de base mais qu’ils les utilisent d’une manière moins efficiente ou appropriée (Brinton et al., 1988 ; Conti-Ramsden & Friel-Patti, 1983). Pour certains, ces difficultés dérivent des difficultés linguistiques (Craig, 1993), tandis que selon d’autres études ces difficultés ne sont pas uniquement imputables aux difficultés linguistiques. Par exemple, Bishop et al. (2000) montrent que les

enfants avec TDL (comme les enfants avec PLI) affichent davantage de non- réponses que les enfants typiques (cf. également Brinton et al., 1998).

Concernant les spécificités dans la gestion des conversations à plusieurs niveaux, une certaine difficulté interactionnelle des enfants avec TDL est confirmée par un bon nombre d’études (par ex. Craig & Evans, 1993 ; Hadley & Rice, 1991).

Les travaux ont notamment mis en lumière des spécificités dans la gestion des tours de parole et des pannes conversationnelles : les enfants avec TDL de 9 ans, en interaction avec leur mère, ont moins tendance à réparer un chevauchement interne que des pairs d’âge chronologique et des pairs d’âge linguistique (Fujiki, Brinton & Sonnenberg, 1990). Les pannes conversationnelles semblent être plus nombreuses dans les interactions entre dyades mère-enfant avec TDL (de 4 ans) que dans celles d’un groupe contrôle de même âge chronologique (Yont et al., 2002). Ces pannes seraient dues en partie à l’inintelligibilité phonologique des enfants et en partie au caractère ambigu des énoncés des enfants avec TDL. Les enfants avec TDL présentent également davantage de difficultés à répondre à des demandes de clarification qu’un enfant typique (Brinton et al.,1986 ; 1988). Ces mêmes enfants font également montre de davantage de difficultés à répondre de manière adéquate à des questions. Ils posent aussi moins de questions de clarifications (Merrison & Merrison, 2005).

Un point qui nous semble particulièrement pertinent à soulever pour notre recherche est celui des initiations. En effet, les enfants avec TDL semblent rencontrer des difficultés à initier une conversation (Conti-Ramsden & Gunn, 1986) ou à introduire un nouveau topic (Radford & Tarplee, 2000). Rice et al. (1991) ont montré que les enfants avec un TDL, dans des interactions en classe, initient significativement moins de conversations que les enfants typiques et qu’ils ont tendance à converser plutôt avec un adulte, notamment en répondant aux sollicitations de l’adulte même par des énoncés courts ou avec des gestes.

Cette passivité pourrait être due aux difficultés de représentations du rôle des interactants dans la co-construction d’un topic discursif (Donahue et al., 1980). Les auteurs sont arrivés à cette conclusion après avoir pu exclure une éventuelle difficulté des enfants avec TDL à distinguer une information complète d’une

information incomplète et en excluant le facteur linguistique (dans le cas de la formulation des demandes de clarification, les formes utilisées par les enfants avec TDL évoluent de manière similaire à celles des enfants sans trouble).

Katsos et al. (2011) se sont récemment intéressés à la compétence pragmatique de la maxime de quantité de Grice et à la signification logique d’expressions comme all, none, some, somenot, most et not all. Tous les enfants (avec TDL et dans les deux groupes contrôle appariés selon l’âge linguistique ou chronologique) ont mieux réussi la tâche de signification logique que celle de signification pragmatique. Les enfants avec TDL ont obtenu des résultats inférieurs à ceux de leurs pairs d’âge mais similaires à ceux des enfants de même âge linguistique. Cela amène les auteurs à proposer l’hypothèse selon laquelle les enfants avec TDL présenteraient également des difficultés avec la dimension logique et pragmatique de ces expressions, mais que cela serait proportionnel à leur compétence linguistique.

Nous disposons également d’une série de résultats (pour le moment encore divergents) sur les compétences non-verbales des enfants avec TDL. Certains auteurs (Botting et al., 2010 ; Blake et al., 2008) n’ont pas observé de différences significatives entre enfants avec TDL et enfants typiques, mais, selon Evans et al. (2001), les enfants avec TDL utilisent un plus grand nombre de gestes pour communiquer des informations non contenues dans leurs productions verbales. De Weck et al. (2010) ont montré que les enfants avec TDL produisent davantage d’indices avec du non-verbal dans un jeu de devinettes avec leur mère que les enfants typiques de même âge chronologique. L’une des très rares études (à notre connaissance) qui ne s’intéresse pas à des caractéristiques formelles chez des enfants italophones avec TDL (Lavelli et al., 2011) semble également montrer que ces enfants produisent plus de gestes représentatifs que les enfants typiques dans une situation de lecture conjointe.

Les troubles discursifs, de leur côté, concernent l’organisation et le fonctionnement linguistique des discours (la planification et la textualisation, avec une attention particulière pour la cohésion et la connexion, cf. chapitre 1).

La spécificité de ces démarches (de Weck et Marro, 2010) consiste à ne pas prendre en compte uniquement les conditions de production mais également les caractéristiques des genres de discours (narrations, récits d’expériences personnelles, etc.).

Dans les deux sous-sections suivantes, nous allons approfondir les résultats des enfants avec TDL dans deux contextes particuliers : le jeu symbolique et la narration (dans différents cadres). Ces deux situations étant le centre de notre procédure expérimentale, il nous semble particulièrement important de détailler cette littérature. Comme nous le verrons, les travaux qui s’inspirent d’une perspective discursive ont également permis, d’une part, de mieux comprendre le fonctionnement de certaines unités linguistiques qui, comme nous l’avons vu auparavant, posent problème aux enfants avec TDL (comme les déterminants du nom et les pronoms), et, d’autre part, de donner des pistes de réflexions concernant la connexion. De Weck et Rosat (2003) ont par exemple montré que, même si le type de connecteur utilisé est identique et que ces unités sont utilisées de manière adéquate, les enfants avec TDL de 4 à 6 ans les emploient moins que leurs pairs d’âge.