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5 Méthodologie de recueil de données

5.3 Démarche expérimentale et situations d’interaction

Les dyades ont été filmées individuellement : les dyades avec enfant TDL sur les lieux de consultation tandis que les enfants typiques ont été filmés à l’école ou chez eux. De manière complémentaire à l’enregistrement vidéo, un enregistrement audio indépendant a été effectué. Les interactions ont été transcrites intégralement.

L’activité de jeu symbolique s’est déroulée avec un matériel composé de

personnages et d’objets de la maison et d’animaux. Les participants avaient notamment à disposition 5 figurines représentants des êtres humains (2 grands personnages, un personnage masculin et un personnage féminin, deux personnages plus petits, un personnage masculin et un personnage féminin ainsi qu’un bébé) et le nécessaire pour aménager une maison (des lits, un canapé, des tables, des chaises, une cuisine et d’autres objets typiques d’une maison) ainsi qu’une voiture. D’autres éléments représentent des items typiques de la vie à la ferme comme des figurines représentants des animaux (un chien, une oie, un mouton et un agneau, un cheval et un poulain) ainsi qu’un tracteur avec une remorque, des balles de foin et des éléments pour construire un enclos. L’enfant et sa mère ont été invités à se mettre d’accord pour jouer un scénario (entre 15 et 30 minutes).

La consigne en français développée dans le cadre du projet du FNRS « Interactions mère enfant en situation logopédique » est la suivante:

« Voici une maison avec des personnages, des animaux et d’autres objets. Nous aimerions que vous jouiez ensemble, en imaginant une histoire. Vous avez un quart d’heure. Ne vous inquiétez pas du temps, on vous avertira quelques minutes avant la fin. »

La consigne a été traduite en italien comme suit :

« Ecco, qui c’é una casa con dei personaggi, degli animali e altri oggetti. Ci piacerebbe che giocaste insieme immaginando una storia. Avete 15 minuti ma non preoccupatevi del tempo, vi avvertirò qualche minuto prima della fine. »

L’observateur était présent dans la salle de manière à pouvoir éventuellement gérer des changements de position de la caméra. Il est généralement reconnu que le but de l’activité langagière du jeu symbolique est celui de se divertir et de jouer ainsi que d’organiser et créer un monde de fiction (ce qui peut donner lieu à des négociations), avec un référent concret et présent dans l’activité. De plus le jeu symbolique semble (Berthoud-Papandropoulou, Favre, & Veneziano, 1990) être une situation qui suscite chez l’enfant la production d’actes d’explication.

Lors de la lecture de livre sans texte26, la mère et l’enfant ont été invités à regarder un livre et à se raconter l’histoire (qui se rapproche du genre conte) sans limite de temps comme ils le font habituellement.

Les consignes suivantes en français et en italien ont été données aux participants:

« Voilà un livre. Nous voudrions que vous le regardiez et que vous le racontiez ensemble. Faites comme vous avez l’habitude de faire. Prenez le temps nécessaire. »

« Eccovi un libro. Vorremmo che lo guardaste e che lo raccontaste insieme. Fate come avete l’abitudine di fare e prendete il tempo necessario. »

Le but de cette activité langagière est donc de raconter et de commenter les évènements. Cette situation semble représenter un terrain particulièrement propice à l’apparition des conduites explicatives. En fait, le livre est sans texte et cela semble être une situation favorable à l’observation des explications et des justifications (cf. Callanan, Shrager et Moore, 1995).

Il s’agit de l’histoire d’un cochon qui part en voyage et après avoir marché décide de faire de l’auto-stop. La première voiture qui passe, et qui transporte un

monsieur élégant avec un chauffeur, ne s’arrête pas, tandis qu’une roulotte tirée par un cheval s’arrête. Les cochons de la roulotte permettent au cochon de monter. La voiture tombe en panne tandis que la roulotte tirée par le cheval peut avancer sans difficulté. Le cochon quitte la roulotte et installe une tente pour camper quand une tempête survient en faisant s’envoler tous les objets du cochon, y compris la tente. Le cochon monte sur un arbre pour récupérer la tente mais la branche se casse et le cochon tombe sur un train qui passe. Comme il est tombé dans un wagon de charbon, le cochon est désormais tout noir. Ensuite, le train s’arrête à une gare et le cochon, laissant des traces noires sur le quai, se dirige vers un petit lac. Il se déshabille et se baigne dans le lac. Pendant qu’il prend son bain, un chien lui vole ses vêtements. Le cochon, resté en sous- vêtements, voit un épouvantail dans un champ et prend les habits (très élégants) de l’épouvantail. Il se promène dans une ville, et d’autres cochons le prenant pour un pianiste l’emmènent sur une scène. Le cochon ne sait pas jouer du piano et il se demande que faire quand le vrai pianiste (le monsieur qui avait eu une panne de la voiture) arrive et le fait fuir. Le cochon court jusqu’à un verger où il retrouve les cochons qui lui avait permis de monter dans leur roulotte. Ils cueillent des pommes ensemble et ensuite ses nouveaux amis le ramènent chez lui avec un gros panier de pommes.

L’histoire se déroule sur 31 pages (y compris la page de couverture et la page de titre), la structure du livre permet aux participants de tourner des « grandes pages » et des « petites pages » (des demi-pages qui modifient le centre de l’image laissant les éléments latéraux inchangés). Le déroulement de l’histoire permet à plusieurs moments d’expliquer ou de justifier les actions des personnages ou des raisons ayant provoqué un événement.

Ces situations peuvent être caractérisées en fonction des conditions de production langagière (de Weck & Rosat, 2003). Au niveau du but de l’activité langagière, il s’agit de se divertir en créant un monde de fiction dans le jeu symbolique et de raconter une histoire et commenter des images dans la situation de lecture conjointe. Le référent est présent dans les deux activités mais il est concret dans le jeu symbolique et imagé dans la lecture du livre. La progression dans la « narration » est co-construite dans un univers fictif (dans lequel les participants

peuvent appliquer les règles de la vie quotidienne ou d’autres cadres de référence fictionnels) dans le jeu symbolique. À l’inverse, la progression est pré-organisé dans la lecture de livre : les participants, bien qu’immergés dans un monde fictionnel avec des cochons anthropomorphes, doivent suivre le déroulement des événements imaginé par l’auteur du livre.

Dans le jeu symbolique, les participants pourront donc expliquer ou justifier leurs actions, les propositions et leurs choix dans la construction du scénario, tandis que dans la lecture, ils pourront expliquer et justifier les événements imagés ainsi que les motivations des personnages ou les actions décrites dans l’histoire. Mais les participants pourraient également justifier leurs hypothèses sur les événements qui ont dû se dérouler entre deux pages (l’entre-images) mais qui ne sont pas explicitement imagés dans le livre.

Finalement, la relation entre les interlocuteurs, bien qu’il s’agisse dans tous les cas d’une relation asymétrique du point de vue du statut et des capacités langagières des participants, les enfants semblent avoir une participation plus autonome dans le jeu symbolique que dans la lecture conjonte, qui semble être une activité clairement prise en charge par les mères (de Weck et al., 2010 ; Salazar Orvig & de Weck, 2010).

L’intérêt d’analyser ces deux types d’activité réside dans le fait qu’elles permettent d’avoir des données contrôlées issues d’interactions naturelles. De plus, ces deux activités sont largement exploitées (et exploitables) en clinique logopédique, dans des interactions logopédiste-enfant comme dans des interventions cliniques de type « guidance parentale ou interactive »

Deux séances ont été organisées avec la plupart des dyades: la première a consisté en la passation des épreuves d’évaluation du langage par l’enfant et lors de la deuxième, la dyade s’est engagée dans les activités, le jeu symbolique et la lecture du livre sans texte. Ces activités ont été reconnues par la plupart des dyades comme familières. Pour des raisons d’organisation aves certaines dyades italophones, des passations complètes (test et situations d’enregistrement) ont été organisées sur une seule journée et d’autres à une semaine d’intervalle.

Partie III.