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Est-ce que nous pouvons observer des spécificités dans la gestion des explications et des justifications de la part des adultes qui interagissent avec

un état de l’art interactionniste

Question 3 Est-ce que nous pouvons observer des spécificités dans la gestion des explications et des justifications de la part des adultes qui interagissent avec

un enfant avec TDL par rapport aux adultes qui interagissent avec un enfant typique?

La réponse à cette question nous permettra, en plus de développer la question des mères étayant les compétences d’explication et de justification de leurs enfants, de contribuer à la question, encore ouverte (cf. de Weck, 2010), de la variation des étayages. Mais ces considérations nous permettront également de contribuer à la réflexion sur l’acquisition de ces conduites.

Cette recherche n’a cependant pas pour seul but de comparer des dyades adulte- enfant avec ou sans TDL mais de procéder à une double comparaison : d’une part, comme nous venons de l’évoquer, une comparaison en fonction des groupes d’enfant et d’autre part une comparaison inter-langues. Nous allons en effet étudier des dyades italophones et des dyades francophones. Nous avons décidé d’effectuer cette double analyse pour différentes raisons. Nous souhaitons vérifier le niveau de compatibilité des connaissances à propos des aspects pragmatiques, discursifs et interactionnels des productions langagières des enfants avec TDL issues de l’analyse d’une langue pour une autre langue ; il en est de même pour les productions et les stratégies d’étayage des adultes en interaction avec ces enfants. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, la plupart des études concernent des dyades anglophones et peu d’études se proposent d’étudier ces aspects de manière inter-langue (ce qui semble être plus fréquent pour des études sur les structures linguistiques).

L’intérêt pour une comparaison inter-langue est renforcé par les données que certaines recherches ont mises en évidence sur l’interaction entre culture et développement (cf. Zittoun et al., 2006 ; pour une vue d’ensemble de la place attribuée à la culture dans les recherches en psychologie du développement). Il semblerait que des différences culturelles, ainsi que des récurrences, soient

observables lorsqu’on compare les stratégies communicatives et le déroulement de des interactions de dyades de différentes cultures et langues (cf. par exemple Bernicot, Comeau, & Feider, 1994; Tulviste & Raudsepp, 1997; Girolametto et al., 2002).

Les croyances et les comportements des parents semblent à la fois être influencés par des modèles culturels et un statut socio-économique qui varient selon et à travers les populations (Le Vine et al., 1994), la notion de modèles culturels comprenant les idéologies, les valeurs, les coutumes qui guident le raisonnement et les comportements des membres d’une société (Holland & Quinn, 1987 ; Keller, 2003). Ainsi des représentations socio-culturelles des activités proposées, liées notamment à la place et au rôle de l’enfant dans celles-ci, pourraient se concrétiser dans des pratiques différentes entre les dyades italophones et francophones.

De plus, les enfants italophones avec TDL et les interactions avec leur mère ne sont que marginalement pris en compte du point de vue théorique envisagé dans ce travail. Une étude dans ce sens en italien peut donc apporter des connaissances nouvelles relatives aux interactions mère-enfant avec et sans TDL. La comparaison interlangue se justifie également par certaines différences typologiques entre les deux langues. Le français et l’italien sont deux langues romanes (ou néolatines) et sont issues du latin vernaculaire. Fuchs (2009) parle de « langues cousines » en reprenant la métaphore de l’air de famille proposée par Wittgenstein (1953, qui parlait de ressemblances de famille). Cependant, si d’un côté l’origne commune amène à des nombreux traits similaires entre ces deux langues, de l’autre leur histoire distincte et les substrats différents ont contribué à leur différenciation (Simone, 2010). Nous n’allons pas indiquer ici toutes les différences typologiques entre les deux langues mais en suivant Simone (2010) nous pouvons rapporter que des différences s’observent au niveau phonologique, morphologique et syntaxique :

 Niveau phonologique :

o en italien l’emploi des consonnes affriquées est très fréquent alors qu’il est plus rare en français,

o les voyelles nasales caractéristiques du français et du portugais n’existent pas en italien,

o l’italien est la seule langue romane qui a dans la longueur des consonnes un trait phonologique distinctif et pertinent (ex : pala (pelle) vs. palla (balle)).

 Niveau morphologique :

o À ce niveau les différences portent en particulier au niveau de la morphologie adjectivale et nominale. Dans le cas des adjectifs, l’italien utilise des suffixes pour marquer les superlatifs alors que le français utilise principalement des adverbes (très, peu, etc.) et les formes avec

suffixes sont très rares (ex. : « Tom Fire compositeur

génialissime »17).

o Similairement, les altérations expressives et pragmatiques des noms se réalisent en italien avec des suffixes (bicchiere > bicchierino, vino >

vinaccio) alors qu’en français ces altérations se réalisent

principalement avec des adjectifs (verre > petit verre, vin > mauvais

vin).

 Niveau syntaxique :

o L’expression du sujet en français est obbligatoires alos qu’elle ne l’est pas en italien où elle est regie par des contraites pragmatiques (cf. également Serratrice, 2005). Par ailleurs, les clitiques sujets expletifs (il de il peut) n’existent pas en italien.

o Certains syntagmes nominaux ne sont pas actualisés avec un déterminant en italien. Il s’agit notamment de sintagmes nominaux au singulier qui relèvent principalement d’expressions figées (cercare

casa, prendere moglie, cambiare città, prendere/perdere palla, etc.)

Mais la différence qui nous semble la plus intéressante à évoquer ici est l’utilisation du che/que polyvalent. En effet, en italien comme en français la conjonction che respectivement que a plusieurs fonctions. Parmi les fonctions qui concernent ce travail, en italien cette conjonction permet d’introduire a) des

énoncés explicativo-consécutifs et b) des énoncés causaux (pour une synthèse : Fiorentino, 2010). Ainsi en italien, des structures comme celles présentées aux Exemple 11 et 12 sont fréquentes (notamment suite à des imperatifs).

Exemple 11 (Fiorentino, 2010)