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un état de l’art interactionniste

4 Problématique et hypothèses 1 Problématique

Nous avons parcouru dans les chapitres précédents les ancrages théoriques et les résultats des recherches empiriques concernant les notions fondamentales de l’acquisition du langage d’un point de vue interactionniste, les troubles du développement du langage oral ainsi que l’explication et la justification. Dans ce chapitre nous allons résumer les points essentiels des aspects traités dans les chapitres précédents afin d’expliciter la problématique de ce travail. Après avoir exposé les questions de recherche à la source de ce travail de thèse, nous allons présenter nos hypothèses générales. Des hypothèses opérationnelles plus détaillées, qui se basent sur les catégories d’analyse que nous allons présenter aux chapitres 7 et 9, seront formulées à la fin de ces chapitres.

Comme nous l’avons vu au chapitre 2, les troubles du développement du langage sont caractérisés par le fait que les différents niveaux de la langue (phonologie, morphosyntaxe, lexique, pragmatique) peuvent être affectés et présenter des dysfonctionnements. Pour rendre compte de cette hétérogénéité, des auteurs s’intéressant à la classification des troubles (Rapin & Allen, 1983 ; Gérard, 1993) ont proposé de cataloguer les troubles en différents syndromes fondés sur les niveaux de la langue perturbés et d’autres ont proposé des classifications suivant un continuum (Bishop, 1989). En plus, comme nous l’avons vu au chapitre 2, la réalisation de ces troubles peut varier grandement d’un sujet à l’autre. Comme l’ont relevé de Weck et Salazar Orvig (2010), on tend classiquement à se représenter le syndrome phonologico-syntaxique, le plus fréquent, comme impliquant uniquement le niveau structurel/formel de la production langagière sans tenir compte des influences que ces dysfonctionnements pourraient avoir sur le déroulement d’une interaction et des effets que les troubles peuvent avoir sur l’histoire conversationnelle et discursive d’un enfant présentant des dysfonctionnements structurels. Ces dysfonctionnements pragmatiques et discursifs ne sont pas forcément la manifestation d’un trouble pragmatique (comme dans le cas des enfants avec PLI ou certains syndromes dysphasiques) mais plutôt un trouble secondaire. Donahue (1987), repris par McTear et Conti- Ramsden (1992), a formulé une hypothèse à ce propos, dite métapragmatique,

qui statue que les enfants seraient peu actifs pour éviter des situations inconfortables qui ont été source d’échecs dans leur passé conversationnel. Il s’agirait alors d’une stratégie compensatoire. Redmont et Rice (1998) attribuent ces difficultés à celles que les enfants auraient à s’adapter aux situations d’interaction (à cause de leurs limitations linguistiques).

Dans les dernières années, plusieurs chercheurs (et équipes de recherche) se sont intéressés (et s’intéressent) aux spécificités des interactions qui impliquent un enfant avec TDL. Le terme « spécificité » est utilisé ici comme un hyperonyme incluant d’un côté les difficultés que ces enfants peuvent rencontrer dans le dialogue mais également, il ne faut pas l’oublier, les ressources que les enfants avec TDL peuvent mettre en place pour pallier leurs difficultés linguistiques. Ceci nous amène à une première série de questions de recherche :

Question 1 : est-ce que des troubles langagiers touchant en particulier phonologie et syntaxe présentent des spécificités au niveau pragmatique et discursif? Quelles sont les difficultés auxquelles ces enfants sont confrontés ? Et quelles sont les ressources que ces enfants mettent en place pour les surmonter ? Comment ces spécificités varient-elles en fonction de la situation d’énonciation ?

Il est impossible de répondre de manière satisfaisante et intégrale à ces questions, qui peuvent avoir des répercussions cliniques très importantes, par une seule et unique recherche. Les chercheurs souhaitant aborder ce sujet doivent ainsi délimiter un objet d’étude précis.

Nous avons choisi de nous concentrer sur les explications et les justifications. En fait, les explications et les justifications (cf. chapitre 0) se situent au carrefour entre les capacités linguistico-discursives (il s’agit dans beaucoup de cas de structures syntaxiquement complexes qui peuvent demander notamment l’utilisation d’un connecteur et d’éventuels pronoms anaphoriques) et le niveau pragmatique (l’explication et la justification doivent être adaptées au contexte de production et demandent souvent un travail d’inférence conséquent mobilisant de manière importante l’intelligence sociale d’un individu). Il faut également ajouter que la nature en deux parties peut faire des explications et des justifications une conduite fortement interactionnelle et dialogique. Comme nous l’avons déjà évoqué plus

haut, des difficultés dans la gestion de ces conduites ont été observées par les cliniciens mais nous ne disposons que de peu d’études systématiques sur le sujet (cf. Donaldson et al., 2007). Ces études semblent en tout cas confirmer la présence de spécificités dans la gestion de ces conduites lorsque les enfants présentant des troubles du développement du langage passent des épreuves avec un observateur. A notre connaissance, très peu d’études ont abordé les explications produites par des enfants avec TDL dans un contexte tendant à être écologique (comme une interaction dans une situation donnée avec la mère).

Ceci nous amène à une deuxième série de questions de recherche plus précises :

Questions 2 : Quelles sont les compétences d’explication et de justification des enfants avec TDL ? Si ces enfants présentent des spécificités, à quels niveaux se situent-elles ? Est-ce que ces spécificités se présentent plutôt au niveau linguistique ou pragmatique ?

Il est important de revenir sur la définition donnée au chapitre 0 des explications et des justifications comme une conduite interactionnelle et discursive. Ainsi, il est également important, pour bien situer la production des explications et des justifications de mieux comprendre comment les interactions mère-enfant se déroulent dans ces activités particulières et de préciser le cadre interactionnel dans lequel ces conduites se présentent. Pour cette raison, nous allons présenter des analyses qualitatives et quantitatives qui permetteront de décrire le

fonctionnement des interactions aux chapitres 7 et 8. Nous allons plus

particulièrement nous intérésser à la participation des interactants, aux types d’interventions employés ainsi qu’aux types de questions des mères.

De plus, si nous souhaitons analyser ces conduites dans leurs aspects interactionnels, nous devons, pour bien saisir les finesses de la gestion de ces conduites, analyser également les productions des partenaires adultes des enfants plutôt que de nous concentrer exclusivement sur les productions enfantines. Cela nous amène à une problématique (cf. chapitre 2), bien connue et discutée dans le domaine des troubles du développement du langage chez l’enfant : la question des spécificités des réactions des adultes face au langage d’un enfant avec TDL et plus globalement à celle de l’étayage verbal ainsi que des

influences mutuelles et des éventuelles difficultés d’adaptation (fine tuning). Cela nous amènera au fil de ce travail à discuter le rapport entre explication, justification et étayage et à nous poser la question suivante :

Question 3 : Est-ce que nous pouvons observer des spécificités dans la gestion