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PARAÎTRE DANS LE CHHATTISGARH : LE SARI COMME MODE DE DISTINCTION

PLANCHE 2 (b) : MISE EN PLACE DU SARI CHHATTISGARHI

1- Les spécificités

a- Le « pli souple », jhol

Le style chhattisgarhi se distingue par un « pli souple », une partie du sari qui flotte sur la hanche gauche de la femme et dont le nom, de genre masculin, est jhol en hindi, jholan en chhattisgarhi. Le premier terme est également utilisé en chhattisgarhi. Le dictionnaire Mac Gregor nous donne les définitions suivantes : « […] qui gonfle, qui bouffe, qui flotte », « bout qui est laissé libre ou qui se balance d'un sari » ou encore « rideau, sac, membrane, utérus » (Mac Gregor 1997 : 398). Jhol peut aussi bien être une caractéristique du port de sari quʼune partie du corps de la femme ou encore un élément extérieur au drapé.

Tandis que la première définition renvoie à une idée de mouvement, la seconde renvoie à une notion de protection. Cette dernière définition souligne à nouveau la correspondance entre le sari et lʼanatomie féminine – un phénomène que nous avons déjà rencontré avec ân

chal (extrémité du sari et buste de la

femme).

Le jhol permet de nombreux gestes inhérents au port du sari, principalement effectués par les femmes du groupe âdivâsî, qui seront largement développés dans le chapitre 9. Retenons pour le moment ce quʼest le jhol (pli souple), son emplacement (sur la hanche gauche) et ses caractéristiques (qui pend, qui flotte ou qui gonfle).

b- Le tombé des bords

Les bords ont une importance capitale dans le paraître de ces femmes puisquʼils illuminent la couleur sobre, voire sombre du sari et font ressortir la couleur de la peau. Les corsages choisis sont rarement assortis, mais il arrive quʼils le soient, comme dans le cas de cette femme Gond, qui a mis un corsage blanc assorti à la fleur (cf photographie page 63).

Les bords tombent de la tête aux pieds, le long des bras, sur une épaule. Ils épousent la courbe du front et des joues, ils glissent le long de lʼépaule jusquʼà la hanche gauche où ils vont se cacher. On ne reconnaît pas seulement lʼaspect neuf du sari à ses couleurs, mais également à la manière dont se laissent aller les bords. En effet, dans un sari neuf, les bords restent bien en place, ils sont visibles dans toute leur largeur. Mais, au fur et à mesure des lavages, ils se froissent et nʼapparaissent plus sur toute leur largeur.

Il est difficile de faire tenir un bord constamment de façon visible, car la femme a besoin, pour ses activités, de le repousser. Pour bien le mettre en évidence, elle ramène souvent le bord devant elle et fait juste ressortir la main ou une partie du bras (cf photographie de lʼintroduction). Quand elle fait sécher le sari, pourtant, elle ne fait pas attention à défroisser les bords, elle ne cherche pas à changer la manière dont les bords rétrécissent.

Quelques soient les activités, les bords se voient particulièrement au niveau des cheveux et sur le côté gauche. De lʼautre côté, ils sont souvent moins visibles, car la femme a souvent besoin dʼavoir son bras droit dégagé. Elle repousse le bord et le fait tenir plissé sur lʼépaule droite, ce qui cache les motifs.

Quand la femme sort, elle laisse retomber les bords de chaque côté. Au contraire du côté face, où les bords sont mis en valeur sur le haut du corps, dans le dos, ils tombent sur la partie inférieure du corps.

Les bords ont un rôle esthétique primordial dans le paraître des femmes qui portent le sari chhattisgarhi. Ils forment un contraste par la vivacité des couleurs et la sobriété du reste du sari qui enveloppe le corps. Les bords attirent le regard extérieur sur la tête – cheveux et visage – et les épaules, voire les bras. La femme met particulièrement en valeur le bord sur la partie gauche en le faisant glisser devant ou derrière lʼépaule, de la tête à la hanche, où il sʼenfouit enfin. Enfin, les bords forment une ligne qui traverse de manière perpendiculaire le bas des jambes, ils donnent une finition. Ils bordent le corps de la tête aux pieds, soulignant sa silhouette.

c- Lʼextrémité rentrée ou sortie

Passons à une troisième caractéristique : lʼextrémité est toujours disposée « devant27 » (sîdhâ) : cʼest-à-dire sur le buste. En fonction des activités, du lieu, la femme la modifie. En général, quand elle vaque à ses occupations, elle rentre chaque coin de lʼextrémité à la ceinture, lʼun à gauche, lʼautre à droite. Sinon, elle peut laisser glisser un coin et en rentrer un autre du côté droit ou encore, comme on le voit à droite, laisser les coins libres.

d- Les larges plis et la longueur du sari

Le vêtement des Kanvar se caractérise par des plis aussi larges que lʼespace entre les hanches (cf ci-dessus), tandis que celui des Gond se définit par des plis plus petits (de cinq à dix centimètres), tout à la fois superposés et décalés sur la largeur. Cependant, il existe des variantes, comme dans le cas de la femme kanvar, ci-dessus à droite, qui a fait le plissé en imitant, de façon gauche, celui des villes (cf chapitre 3). En outre, le sari est court, à mi-mollets. Les plis et la longueur du sari permettent de ne pas enfreindre la marche ou les mouvements physiques liés aux nombreuses activités domestiques ou professionnelles.

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La longueur du sari varie suivant les groupes, le moment, lʼâge et la personne elle-même. Les Kanvar, qui vivent de manière plus isolée, le portent plus court que les Gond ou les Raut. Ces dernières, par exemple, sont plus enclines à passer dans des endroits publics et par conséquent veillent à une longueur correcte. Si une femme doit aller travailler dans les champs tous les jours pendant la mousson, elle le met plus court à ce moment.

Au contraire de ce qui est précisé dans des ouvrages généraux sur le sari, (Lynton 1995, Boulanger 1997), les âdivâsî des villages autour de Ratanpur, pour travailler, ne relèvent pas de manière fréquente pour le rentrer dans le dos, à la ceinture. La manière kanch en hindi, kachora en chhattisgarhi est existante, mais elle est pratiquée rarement. Ce sont les femmes les plus âgées qui le mettent ainsi, et jamais de façon systématique. La largeur des plis et la longueur du sari permettent dʼéviter cet ajustement.

e- Le port facultatif de corsage et lʼabsence de jupon

Les femmes en sari de coton épais ne revêtent le corsage que dans certaines circonstances : sʼil fait froid, si elles doivent sortir en ville ou lors dʼune cérémonie. La manière de porter le sari, en plaçant soigneusement le bord, permet de recouvrir le buste. Les risques de faire tomber le pan sont moindres, car le sari de coton ne glisse pas comme le synthétique. Le coton, au contraire du synthétique, est perçu comme un matériau fiable, de confiance, qui tient comme il est placé.

Quant au jupon, il nʼest pas porté, car il ne sʼadapterait pas à la longueur du sari, il alourdirait le port et serait trop gênant. De plus, le sari est plié en deux à la taille, ce qui permet une couverture totale des fesses et des jambes jusquʼaux mollets.

Le fait que les femmes ne doivent pas porter de jupon est un critère de choix essentiel pour celles qui mettent le sari épais. Elles ne conçoivent pas de porter un tissu entre la peau et le sari, elles nʼen voient pas lʼintérêt. Elles utilisent pour leur travail beaucoup les jambes, que ce soit pour marcher, grimper ou se tenir ferme sur les pieds lors du ramassage ou des plantations. Elles doivent donc sentir leurs jambes libres de mouvement.

f- Les ornements

Les femmes âdivâsî portent quelques bracelets de verre, auxquels elles ajoutent parfois des bracelets en étain. Quelques-unes des Raut mettent la ceinture dʼargent ou dʼétain (kamar band, kamar = hanches, band : ceinture), quʼelles portent sur le sari, sur les hanches ou encore un collier fait de perles en forme de pièces de monnaie.

Bref, les femmes âdivâsî portent peu de bijoux, mais ce ne sont pas eux qui font lʼesthétique, ce sont les tatouages sur la peau, en particulier, les bras et les mains.

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Le pli souple (jhol), la manière de mettre lʼextrémité, les larges plis, la longueur du sari, le port facultatif du corsage et lʼabsence de jupon sont les spécificités de ce que les femmes nomment le style « chhattisgarhi ». Bien sûr, on peut trouver des « jhol » dans le reste de lʼInde, mais ils ne seront pas combinés à un sari court, à de larges plis, ou encore moins à un épais sari de coton sombre, qui permet de ne mettre ni corsage, ni jupon, ou encore moins à la manière de montrer les bords.

2- Paraître âdivâsî : lʼimage valorisante dʼun sari « chhattisgarhi » pour une