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La ville de Ratanpur et le village de Puru (cartes 5 et 6)

PARAÎTRE DANS LE CHHATTISGARH : LE SARI COMME MODE DE DISTINCTION

Chapitre 1 - Le Chhattisgarh, un Etat dans lʼInde

C) La ville de Ratanpur et le village de Puru (cartes 5 et 6)

1- La ville de Ratanpur

Contrairement à Bilaspur, placée sur la ligne ferroviaire de Delhi à Raipur, en plein essor urbain et comprenant environ 500 000 habitants, Ratanpur est restée une petite ville avoisinant dix mille habitants (Census of India 2001). Malgré le fait quʼelle soit placée à lʼécart du réseau ferroviaire, elle est située sur un bon réseau routier (route de Bilaspur à Korba, cf carte 5).

Ce qui fait la spécificité de la ville de Ratanpur, cʼest que justement, elle a su à la fois préserver son histoire, ses restes monumentaux et ses traditions, tout en étant ouverte aux changements urbains. Ratanpur est en effet imprégnée dʼéléments

de son passé, autant par les communautés qui y résident (Gond, Rajput, musulmans, Marathes), les constructions qui y existent (fort des royaumes Gond et Rajput, temples et étangs Rajput, divinités Gond et hindoues…), que par lʼorganisation spatiale et villageoise (Mishra 1979 : 56).

Le fait que Ratanpur ait été un royaume « sombré dans lʼoubli » comme lʼécrit Makhan Jha (1977 : 89) ne chagrine que quelques nostalgiques. Ratanpur est en effet appelée la « ville qui sʼétend sur les quatre âges » (chaturyugi nagri). Au premier âge, ce fut Manipur (mani : objet précieux), au second Hirapur (hira: diamant), le troisième, Manikpur (manik: perle) et le quatrième, Ratnapur (ratna: bijou).

Ratanpur est formée dʼune ville centrale et de nombreux villages aux alentours (carte 6, plan 1). La ville de Ratanpur (carte 6, plan 2) est séparée en deux par une route principale qui va de Bilaspur à Korba dans un axe nord-est - ouest (en rouge sur la carte). Le long de cette route, très fréquentée par la circulation, sont situés les arrêts de bus, les restaurants, les cafés, le cinéma, le terrain de sport et de nombreux commerces. A la sortie de Ratanpur vers Korba, cette route est bordée de maisons habitées par les basses castes pauvres de pêcheurs et des musulmans tout aussi pauvres.

Au nord de cette route principale, il y a le centre-ville divisé par une rue où se trouve le marché de produits frais (en jaune sur la carte). Cette rue est habitée par des hautes castes, des « castes répertoriées » reconverties socialement et des moyennes castes comme les commerçants. Cet axe du marché sʼétend vers lʼest, dans une rue dʼex-travailleurs de cuivre (Shûdra), caste reconvertie comme petits commerçants (en vert). Le bout de cette rue donne sur tout un ensemble de ruelles habitées par les Gupta (Vaisha), commerçants (en bleu). A lʼest toujours, hors du quartier Gupta se trouve le temple de Shiva (1), avec lʼarbre banyan, lieu de culte des femmes de Ratanpur, et encore plus à lʼest, sur une colline, le temple de Râm (Râm Tekri (2). A quelques kilomètres à lʼest est situé un village dʼintouchables, Nawa Ganj (en violet). Au nord-ouest du centre ville, le temple de Mahâmaya Devi, lieu de pèlerinage très connu dans le Chhattisgarh, endroit où sont fêtés les rituels du cycle de vie ou de saisons, abrite les déesses Pârvatî et Durgâ (3).

Au sud de lʼaxe principal de circulation, il y a le « vieux Ratanpur » (purânâ

Ratanpur – en rose), formé de quelques ruines du « vieux fort » (purânâ qila) et, à

quelques pas de ces ruines, au sud, le temple de Râm. Au sud-est se trouve le quartier, brahmane, entouré de maisons appartenant à des castes diverses. Il jouxte lʼétang de Dulhara (4), considéré aussi religieux que le Gange. Cʼest là où sʼeffectuent les rites funéraires (le terrain de crémation (5).

Sur la route de Ratanpur qui va à Bilaspur, faisant partie de la commune, se trouve Djuna Shahar, ancien lieu de royaume Gond, où se dressent les ruines de château. Les Gond y habitent encore.

Il existe quantité de temples et dʼétangs quʼil nʼest pas possible de citer et qui sont présentés dans un article écrit par Makhan Jha, qui les regroupe en cinq segments (Jha 1977 : 91). Chaque étang rappelle ou est une forme de la divinité (Dulhara est considéré comme le Gange, Bêrag-ban est une forme du dieu Vishnou). Mentionnons quʼen outre, il existe une mosquée à Ratanpur ainsi que de nombreux lieux de culte âdivâsî (Thakur Dev). A signaler également, les temples de crémation des veuves, au sud-est (6), sur le terrain vague où se déroule la grande foire annuelle de Ratanpur ou encore au nord-est (7).

2- Le village de Puru

A Puru, village de 1000 habitants, réside une majorité de Kanvar, population âdivâsî. Ils sont nommés également Kavar ou Kaur. Dès le début du XXè siècle, Russell les recense dans les plaines de la région du Chhattisgarh, au nord de la rivière Mahanadi, correspondant aux districts de Surguja, Raigarh et Bilaspur (Russell 1916 : 389).

Le mythe dʼorigine des Kanvar est fondé sur une « chute statutaire de castes20 » ou déclassement dans la hiérarchie, ce qui leur donne une image plus valorisante. Ils seraient en effet, selon ce mythe, les descendants dʼune caste royale, plus particulièrement les descendants des Kaurava du Mahâbhârata, vaincus par les

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Termes employés par Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky (in Tarabout et Bouillier 2002 : 408)

Pândava lors de la bataille de Hastinâpur. Après la bataille, deux femmes enceintes se seraient enfuies vers les montagnes de lʼInde centrale ; elles se seraient réfugiées chez un cultivateur (Râvat) et un laveur de vêtement (Dhobî), avec qui elles auraient ensuite des descendants.

Si Puru compte, en majorité, une population de Kanvar (cultivateurs), il existe également des Dash, qui font partie de la secte Kabir Panth, créée au XVè siècle par Kabir, poète mystique. Les Dash ont été recensés comme des « backward castes » jusquʼau dernier recensement. Il existe en outre, une famille de commerçants (Vaisha) et une de haute caste (Kshatriya) dont le maître de maison est à la fois propriétaire de terrains, prêteur, médecin, commerçant de vêtements et instituteur, bref qui détient le pouvoir et lʼautorité au village.

Conclusion du chapitre 1

Bien quʼintégré dans un Etat plus vaste, le Chhattisgarh, dont lʼorigine du terme ferait référence soit aux dynasties ou aux castes lʼayant fondé, soit à une organisation spatiale royale, est resté distinct et a gardé ses spécificités. La configuration géographique y a contribué fortement. Le Chhattisgarh est encore pauvre malgré une production de riz importante, mais provenant seulement des plaines. Lʼaire montagneuse et boisée, assure peu de ressources. Les revendications de la population âdivâsî, dont le pourcentage est fort par rapport à dʼautres Etats, ont contribué à la reconnaissance de leur identité et à la formation dʼun Etat à part entière. Quant à Ratanpur, lieu de terrain principal de lʼétude, elle fait partie dʼun district en essor, Bilaspur. Malgré la place importante quʼelle a eu en tant que capitale du royaume, au même titre que Raipur, elle a perdu son titre de capitale. Restant une petite ville de 20 000 habitants appartenant au système des castes, elle abrite, de manière un peu excentrée, des Gond.