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2. Choix méthodologiques

2.3. Monographies de trajectoires

2.3.3. Méthodologie de reconstitution des trajectoires

2.3.3.1. Les différentes sources utilisées

Plusieurs sources ont en effet été utilisées pour reconstituer les trajectoires : des entretiens biographiques avec le patient, le discours des professionnels (saisis en entretien ou sur le temps des observations), le dossier médical des CMP, le dossier social des CMP et, pour six cas, le dossier médico-social du service d’accompagnement au titre d’un handicap psychique.

Dans chacun des CMP, il existe en effet deux types de dossier papier46 pour les

patients : le dossier médical et le dossier social. Dans ces deux CMP, on retrouve une similitude d’organisation sur le contenu et la conservation des dossiers.

Le dossier médical est conservé au secrétariat. Il contient une partie administrative, une partie réservée au traitement médical qui consigne les éléments relatifs à sa prescription et son exécution, ainsi qu’une partie réservée aux consultations, dans laquelle le psychiatre traitant (et plus rarement l’infirmier référent) note des éléments recueillis au cours de sa consultation. Le contenu de ce dossier est inégal en fonction des patients et des médecins référents, mais en principe, on y trouve également une copie du courrier du service ou du professionnel ayant orienté le patient, les comptes rendus d’hospitalisations, les examens complémentaires prescrits par le psychiatre ou portés à sa connaissance par le patient, et parfois une copie des notifications de la MDPH47. Ce dossier peut être consulté par le patient sur demande

depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Dans le dossier médical, nous avons essentiellement consulté les pièces administratives, qui nous ont permis de renseigner certaines variables de façon systématique pour chaque patient, et la partie « consultations », qui nous ont permis de collecter de façon rétrospective les éléments relatifs au patient consignées par ses

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Nos négociations d’entrée sur le terrain n’ont pas permis d’avoir accès au Dossier Patient Informatisé, c’est pourquoi nous n’en parlerons pas ici. Son contenu fait l’objet d’une réglementation propre. En outre, le DPI est utilisé pour consigner la totalité des actes réalisés pour chaque patient (et remontées dans le RIM-P), et donne ainsi à voir de façon plus fine l’activité du CMP autour d’un individu.

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Sur le contenu du dossier médical en psychiatrie ambulatoire et sa consultation par le patient, voir Montet I., « Le dossier médical en psychiatrie ambulatoire », L'information psychiatrique 2008/4 (Volume 84), p. 354-360.

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psychiatres successifs depuis son arrivée au CMP. Les notes manuscrites des psychiatres sont assez variables d’un professionnel à un autre : certains se montrent très laconiques, quand d’autres décrivent finement le contexte de vie, son évolution ; les relations du patient avec son entourage et les démarches sociales et médico-sociales réalisées, par lui, pour lui ou avec lui.

Le dossier social est élaboré par les assistantes sociales pour les patients qu’elles suivent, et conservé dans leur bureau au sein du CMP. Il contient une copie des pièces administratives relatives aux démarches de différente nature que les assistantes sociales réalisent pour les patients (demande d’indemnités journalières, constitution d’un dossier de surendettement, recherche d’hébergement d’urgence, demande de logement social, démarche d’invalidité, demande de prestations MDPH, etc.), les courriers transmis aux partenaires (bailleurs, services et institutions sociales ou médico-sociales) et quelques notes manuscrites des AS relatives aux entretiens ou démarches réalisées. Au CMP Paris, dans lequel l’organisation du service social, nous l’avons dit, repose sur une conception très autonome vis-à-vis de la tutelle médicale, les assistantes sociales développent un esprit de protection de « leurs » dossiers très fort : les médecins et les infirmiers n’y ont pas accès, et nous n’avons pas réussi à obtenir des assistantes sociales l’autorisation de les consulter de façon systématique, ni même, pour l’ensemble des patients que nous avons inclus dans la recherche. Au CMP Banlieue, où le service social est davantage intégré dans le fonctionnement du CMP, cette séparation dossier social/ dossier médical est plus souple, ce qui explique en partie probablement que nous ayons pu avoir accès à l’ensemble des dossiers du service social.

La consultation des différents types de dossier à fait l’objet d’une demande d’autorisation systématique auprès des patients et des professionnels concernés.

Les sources varient en fonction des enquêtés pour plusieurs raisons :

- Sur le terrain CMP Paris, nous n’avons pas obtenu d’accord global des assistantes sociales pour consulter les dossiers des enquêtés. Les négociations se sont faites au cas par cas, en fonction des professionnelles reliées aux cas. Nous avons obtenu un accord des assistantes sociales pour consulter le dossier de Nicolas, et celui de Patrick, mais finalement, ce dernier a refusé.

- Pour les cas rencontrés dans le cadre du terrain Samsah (Youssef, Bastien, Charlotte, Lionel, Rodolphe, Viviane), avant notre arrivée au CMP Banlieue, le

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recueil du consentement de l’enquêté pour la consultation de son dossier médical n’avait pas été prévu, de fait nous ne nous sommes pas autorisés à y avoir recours.

- Deux cas nous ont paru suffisamment riches pour être inclus, en dépit de l’absence d’entretien avec l’enquêté (les deux enquêtés n’étaient pas présents au CMP au moment de l’enquête : Sofien ne venait plus en consultation et les professionnels n’avaient pas de nouvelles, » Lucie venait rarement et toujours en dehors de nos possibilités de présence) ;

- Enfin, dans un cas (Rachel) l’absence de dossier médical est liée aux contingences de l’organisation de l’enquête : le dossier médical était conservé en dehors du CMP, en intra-hospitalier, et nous n’avons jamais pu nous y rendre.

Tableau 2 ‒ Sources disponibles pour chaque cas

ordre de rencontre Pseudo Age en 2015 Entretien Dossier médical CMP Dossier social CMP Dossier Samsah 1 Youssef 57 x x x 2 Bastien 37 x x x 3 Charlotte 64 x x x 4 Lionel 46 x x x 5 Rodolphe 46 x x x 6 Viviane 55 x x x 7 Cyril 22 x x 8 Jean-Baptiste 52 x x 9 Rachel 41 x 10 Nicolas 27 x x 11 Arthur 25 x x 12 Daphnée 48 x x 13 Thierry 48 x x 14 Patrick 46 x x x 15 Ziad 49 x x x 16 Karim 39 x x x 17 Aminata 33 x x x 18 Laurent 30 x x x 19 Violette 52 x x x 20 Valérie 49 x x x 21 Elisabeth 75 x x x 22 Lucie 45 x x 23 Sofien 49 x x

Les entretiens biographiques étaient peu structurés, recherchant avant tout le respect de la présentation biographique des personnes. Généralement peu réticents à parler de leur parcours, les patients semblaient parfois peu concernés par nos questions

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volontairement très pragmatiques, cherchant à reconstituer précisément les processus d’orientation au sein des parcours. Ainsi, la comparaison avec les informations contenues dans les dossiers a souvent révélé des oublis de leur part sur ce qu’ils considéraient comme des détails (démarches administratives, dates, acteurs), ce qui a d’autant plus justifié le recours aux traces écrites laissées par les professionnels.