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1. Usages du secteur de psychiatrie et trajectoires institutionnelles

1.3. Les usages pluriels sont aussi des usages intensifs

C’est par le biais de cette approche que nous avons trouvé à décrire au mieux la place des personnes concernées par une mesure liée au handicap dans le secteur de psychiatrie. Une dernière étape de description est néanmoins nécessaire avant d’en arriver à la seconde partie de notre compte rendu.

Les données renseignées dans le Recueil d’Informations Médicalisé en Psychiatrie permettent en effet de caractériser la population prise en charge sous l’angle du diagnostic renseigné par les professionnels. En ajoutant à cette information la mesure du nombre d’actes enregistrés pour chaque personne ainsi que la durée sur laquelle s’étale chacune des prises en charge nous avons tenté de caractériser l’intensité de ces suivis.

Tableau 4 ‒ Circulation des patients et intensité des suivis

deux à cinq lieux six à neuf lieux Ensemble

Nombre d'actes professionnels enregistrés

Aucun 3,9% 0,0% 0,0% 2,8%

Un acte 42,2% 6,5% 0,0% 32,1%

Plus de deux actes 53,9% 93,5% 100,0% 65,1%

Ensemble 100% 100% 100% 100% Durée du suivi 1an 78,3% 27,7% 2,0% 63,6% 2ans 10,1% 18,4% 2,0% 12,2% 3ans 3,9% 11,0% 8,1% 5,9% 4ans 2,8% 12,6% 10,1% 5,5% 5ans 4,9% 30,4% 77,8% 12,7% Ensemble 100% 100% 100% 100%

Nombre de lieux d'activités

fréquentés un seul lieu d’activité

Champ : ensemble des 7041 personnes ayant fréquenté pour la première fois en 2011 un des quatre secteurs de

psychiatrie enquêtés.

Lecture : entre 2011 et 2015, 53,9 % des personnes ont été vues dans un seul lieu d’activité ont connu plus de deux

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Mécaniquement, on observe ainsi un lien positif entre le fait d’avoir été vu dans plusieurs lieux d’activité et le fait d’avoir connu un nombre important d’actes de soin (tous professionnels confondus). On peut toutefois noter qu’une part non négligeable des personnes qui n’ont fréquenté qu’un seul lieu a connu deux actes ou plus. Bien que sous représentés parmi ceux qui ont un usage exclusif du secteur (53,9 % contre 65,1 % en moyenne) ces patients qui font l’objet d’une prise en charge (relativement) intensive, pourraient faire l’objet d’une enquête spécifique.

L’observation des durées des prises en charge plaide aussi pour un lien fort entre usages pluriels et prise en charge intensive. Si en moyenne 63,6 % des membres de la cohorte ne reviennent pas au-delà de la fin de l’année 2011 cette proportion s’effondre à 27,7 % pour ceux qui ont été vus dans deux à cinq lieux d’activités et à 2 % pour ceux qui ont les usages les plus ouvertement pluriels du secteur de psychiatrie. Ces derniers étaient d’ailleurs, pour les trois quart d’entre eux, encore suivis en 2015, au moment où se terminait notre observation. Il apparaît donc que les usages pluriels du secteur sont aussi des usages intensifs de celui-ci.

Le diagnostic renseigné pour chaque patient86 va également dans le sens d’une

association forte entre prise en charge intensive et prise en charge plurielle. Alors qu’en moyenne les diagnostics compris dans le cinquième chapitre de la Classification

Internationale des Maladies (« troubles mentaux et du comportement »)87 ne concerne

que 41,2 % des membres de la cohorte, ils sont un peu plus de 55 % a être ainsi diagnostiqués dans le groupe des personnes ayant connus entre deux et cinq lieux de prise en charge et plus de 70 % dans le dernier groupe. Enfin, c’est la part des diagnostics codés F20 à F29 (c’est-à-dire « schizophrénie, troubles schizotypiques et troubles délirants ») qui s’élève le plus nettement quand on passe d’un groupe à l’autre : alors que parmi les personnes qui n’ont connu qu’un seul lieu de prise en charge leur part est de 3,4 %, elle monte à 12,6 % dans le deuxième groupe puis à 38,4 % dans celui des patients qui ont l’usage le plus ouvertement pluriel du secteur.

86 Alors que les professionnels ont la possibilité de saisir plusieurs diagnostics différents pour un seul

patient au fil du temps, ils se saisissent visiblement peu de cette possibilité. En effet, seuls 27 % des 7041 individus ont plus de un diagnostic renseigné. Nous avons donc fait le choix de ne traiter que le premier diagnostic saisi.

87 CIM 10 à usage PMSI, France, 10ème édition, 2015. [En ligne sur le site de l’Agence Technique de

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Tableau 5 ‒ Circulation des patients et diagnostics

Cette description de l’intensité des prises en charge par le biais des diagnostics mériterait toutefois d’être approfondie par une enquête ethnographique portant directement sur ce sujet puisqu’on observe surtout que c’est la proportion des diagnostics « non renseignés » qui décroît au fur et à mesure qu’on s’éloigne du groupe des personnes ayant un usage exclusif du secteur. Dans le cadre de notre enquête, on peut seulement formuler l’hypothèse que les professionnels qui interviennent auprès d’une personne donnée ne s’engagent dans le renseignement d’un diagnostic que si cette personne a connu, ou bien a de fortes chances de connaître, une trajectoire institutionnelle plurielle.

Au terme de cette première partie, nous sommes en mesure de proposer un regard sur les usages des secteurs de psychiatrie qui donne toute sa place aux circulations entre les différents lieux d’activité qui constituent cette institution. En observant une cohorte sur cinq années on voit se dégager des styles de prise en charge qui conjuguent d’autant plus souvent des lieux d’activité différents que ces derniers sont investis par un nombre relativement faible de personnes. Cette analyse permet notamment de dégager la place particulière qu’occupent les unités d’hospitalisation (qui concernent seulement un cinquième de la cohorte mais qui sont au croisement de nombreuses trajectoires institutionnelles) et les Centres Médico-Psychologiques (qui occupent une position médiane à cet égard) dans cette géographie institutionnelle. Par ailleurs, ces observations nous confirment dans l’idée qui motivait la recherche TRAPSY, à savoir que les usages de la psychiatrie gagnent à être saisis sous l’angle des trajectoires.

C’est à l’aide de cette géographie que nous chercherons à interpréter les résultats de l’enquête portant spécifiquement sur les personnes concernées par les dispositifs du

deux à cinq lieux six à neuf lieux Ensemble

Type de diagnostic enregistré

aucun 54,0% 37,0% 26,3% 49,1%

autres 10,8% 7,2% 3,0% 9,7%

Troubles Mentaux 35,2% 55,8% 70,7% 41,2%

Ensemble 100% 100% 100% 100%

Nombre de lieux d'activités

fréquentés un seul lieu d’activité

Champ : ensemble des 7041 personnes ayant fréquenté pour la première fois en 2011 un des quatre secteurs de

psychiatrie enquêtés.

Lecture : entre 2011 et 2015, 54 % des personnes qui ont été vues dans un seul lieu d’activité n’avait aucun diagnostic

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handicap. Le caractère lacunaire des informations dont nous disposons pour les décrire sera ainsi en partie compensé par la compréhension des lieux d’activité qu’elles investissent.

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