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CHAPITRE III : La légende de Nîmâ Youchîdj

1. Le Signe et le Symbole

1.3. Le Symbole selon Jung

1.3.3. Les Souffrances de l’homme moderne

Dans son livre, Jung montre comment l’homme moderne, bien qu’il reprenne les symboles naturels et culturels dans sa vie, et qu’il se croie libéré de la « superstition », se sent seul. Jung montre à quel point le contraste entre les valeurs spirituelles et matérielles du monde moderne, traîne dans l’abîme de la perte. L’homme moderne sent que ses valeurs naturelles se perdent, il se sent lui-même perdu dans un monde qui met plus volontiers l’accent sur les facilités de la vie que sur l’apaisement de la société, et de la même manière les plaisirs matériels l’emportent sur les plaisirs spirituels :

Il (l’homme moderne) a perdu ses valeurs spirituelles à un degré alarmant. Ses traditions morales et spirituelles se sont désintégrées, et il paie cet effondrement d’un désarroi et d’une dissociation qui sévissent dans le monde entier.1

Même si l’on ne peut pas dire que toutes les débâcles de l’homme civilisé trouvent leur source dans la civilisation moderne, nous pouvons du moins entendre la voix des hommes fatigués et errants de cette époque qui gémissent comme des enfants loin de leur mère, qui ne se sentent pas heureux malgré la technologie dominante et croissante qui envahit la nature et qui vide le monde de ses mystères symboliques :

À mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé.

L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair de son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques.2

Concrètement, les hommes résidant dans les grandes villes et donc loin de la nature qui les élevait comme ses enfants, se retrouvent dans l’ennui ou le stress issus de cet isolement.

L’homme souffre lui-même de la technologie qui le chasse de sa vie réelle, qui le distrait pour un court laps de temps et à la fin de ce divertissement, il se retrouve épuisé et de nouveau dans un vide sans fin. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’il cherche encore un autre élément technique pour se dynamiser et se retrouver, même s’il sait que le résultat ne sera pas satisfaisant, et qu’il retombera encore dans son mal-être. Donc, l’homme civilisé, déçu de son identité introuvable, se contente de se calmer pendant un certain temps, et de se donner un peu

1 Ibid., p. 94.

2 Ibid., p. 95.

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122 Saeideh Shakoori

racine de nos maux et notre libérateur, et c’est à nous de nous sauver en retournant vers l’inconscient qui est encore pur et propre. C’est la même chose que dans la philosophie orientale où il se nomme « l’origine et la résurrection », dans « le panthéisme ». C’est-à-dire, dans cette philosophie, « Soi » est le reflet de la seule réalité divine qui peut orienter l’humanité et en l’oubliant, l’homme en perdant son identité perdrait son chemin, et en se retrouvant perdu dans le monde, il se réfugierait dans son extérieur ce qui augmenterait son ennui. Un autre poète connu Saeb dit « Toi, tu es comme Joseph, mais tu es ignorant de ton intérieur ». Donc, dans ce vers, il insiste sur « le trésor caché » de notre intérieur et de notre

« Soi », gemme précieuse dont nous négligeons la présence dans la complexité de la vie moderne. La gemme ou le trésor du « Soi » est un sujet considérable, et depuis des siècles, discuté dans le mysticisme oriental qui insiste sur le fait que l’humanité doit retourner vers

« Soi » et que ce retour n’est possible qu’avec le savoir du conscient. Cette réalité s’exprime dans le propos de Jung quand il avoue que « mon âme et ma conscience, voilà ce qu’est mon Soi ».1 C’est pourquoi la psychologie moderne insiste sur le fait que la société ainsi que les parents doivent se mobiliser pour aider les adolescents à retrouver leur identité individuelle et ainsi éviter les mauvais sentiments qui se propagent malheureusement de nos jours. On entend le cri des personnes déprimées qui se sentent sans valeur « je ne suis qu’untel, vivant à telle adresse, comme des milliers d’autres. Si certains d’entre nous sont tués, qui s’apercevra de la différence ? Nous sommes trop, de toute façon »2

La crise de l’identité est l’un des problèmes essentiels de l’homme civilisé.

L’augmentation de la population et la croissance des mégapoles diluent l’attention nécessaire à la personnalité individuelle des peuples. Les logements stéréotypés, les uniformes, les associations similaires, les jeux publics et les guerres avec un nombre incalculable de victimes et leur charnier sont les nouveaux modèles d’un monde qui accorde une moindre importance à l’identité propre de l’humanité. L’art représente cette crise, et en particulier les arts plastiques qui prédisent les risques de cette inattention qui va coûter cher aux nations. La technique de la répétition dans la peinture moderne insiste sur ce regard qui voit les hommes comme des objets semblables et sans aucune valeur propre à eux. C’est à cause de cette crise que Jung, en faisant allusion à la bombe « Hiroshima », avoue que « les sollicitations aventureuses » de l’homme dominateur qui pense seulement à lui et à conquérir la nature, le rendent victime de son ignorance. L’homme prétentieux ne réussit pas à se dominer lui-même. Il pense qu’il est le maître de son monde, alors qu’il est esclave de sa propre nature. Et c’est pour cela que nous

1 Ibid., p. 151.

2 Ibid., p. 218.

Les résonnances rimbaldiennes dans la poésie objective et élémentaire de Nîmâ Youchîdj 123 cherchons à dominer les autres, ce qui est l’un des problèmes de notre monde moderne comme Jung le confie : « nous considérons toujours encore qu’il est naturel que les hommes se querellent et luttent pour affirmer chacun sa supériorité sur l’autre. »1

On peut conclure que selon la théorie jungienne, comme dans la philosophie orientale, l’homme n’a d’autre salut que de retourner vers sa propre nature et de se retrouver dans sa propre inconscience.