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CHAPITRE III : La légende de Nîmâ Youchîdj

1. Le Signe et le Symbole

1.1. L’Origine du symbole

Symbole n.m. -V.1380 ; du lat. chrét. symbolum « symbole de foi », du lat. class.

symbolus « signe de reconnaissance », grec sumbolon « objet coupé en deux (tesson) constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler (sumballein) les deux morceaux ». → sym-, et -bole.1

Et selon Le Larousse : « symbolum, symbole des Apôtres, en lat. class. (signe, marque), du gr. sumbolos, même sens, de sumballein, (jeter ensemble) ».2 Comme Le Larousse le dit, le terme symbole vient du grec Sumbalo qui signifie : « je jette ensemble, je joins ». À ce propos, Jean Lassègue explique :

Symbole vient du grec Symbolon, le terme désigne un morceau de terre cuite qui était partagé en deux et dont chaque morceau était conservé par deux familles vivant dans des lieux séparés : quand un membre d’une famille devait être reçu chez l’autre, il lui était

1 Le Grand Robert, Dictionnaire de la langue française, 2001, Tome 6, p. 919.

2 Le Larousse, Dictionnaire étymologique et historique du français, 1993, p. 744.

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possible d’exhiber le morceau manquant du Symbolon et de le recoller à l’autre, en montrant par là qu’il s’agissait bien d’un membre de la famille alliée.1

Cependant, ce qui est remarquable dans ces idées sur la racine du mot symbole, c’est l’insistance sur le sens des deux morceaux de terre cuite ou de poterie. En réalité, cette interprétation s’appuie sur le fait qu’il y a deux parties qui sont séparées, mais elles le sont dans la même matière et la même unité. Ces deux morceaux ont envie de s’unir, comme un membre isolé d’une famille qui est à la recherche des siens. C’est pour cela que, dans une expression symbolique par exemple, on peut trouver au moins l’un des verbes transitifs comme comparer, échanger ou expliquer, qui s’appliquent à une notion mutuelle qui renvoie à deux parties principales d’un symbole : signifiant et signifié.

Bien que le symbole se définisse, à première vue, comme appartenant à la catégorie du signe, et que dans le langage courant, ces deux termes soient usités indistinctement, l’emploi du mot « symbole » est contraire à celui du signe :

Le symbole se distingue essentiellement du signe, en ce que celui-ci est une convention arbitraire qui laisse étranger l’un à l’autre le signifiant et le signifié (objet ou sujet), tandis que le symbole présuppose homogénéité du signifiant et du signifié au sens d’un dynamique organisateur.2

Il exprime à ce propos, par un bon exemple, la différence entre le signe et le symbole : Quand une roue sur une casquette indique un employé de chemin de fer, elle n’est qu’un signe ; quand elle est mise en relation avec le soleil, avec les cycles cosmiques, avec les enchaînements de la destinée, avec les demeures du Zodiaque, avec le mythe de l’éternel retour, c’est tout autre chose, elle prend valeur de symbole.3

Mais quelles sont les autres différences entre signe et symbole ? Et comment peut-on montrer les aspects variés des symboles dont les mystères restent cachés ? Pour répondre à cette question, nous avons besoin de quelques définitions de ces deux termes.

Bien entendu, toute définition appliquée au symbole n’est qu’un effort pour s’approcher de ses aspects superficiels et plutôt connus. Cependant, on peut découvrir la définition du symbole chez des théoriciens de l’Art, des philosophes et des psychologues ou même chez des écrivains et surtout des poètes, le symbole étant une des nécessités du langage, qu’il soit populaire ou poétique. Si l’on considère le monde comme une composition de signes, et si l’on peut considérer un but dans l’existence, on peut en trouver des traces partout. Tout univers est entouré de traces, autrement dit, de signes, et de ce point de vue, nous vivons dans

1http://agora.qc.ca/dossiers/Symbole

2 Chevalier Jean et Cheerbrant Alain, Dictionnaire des symboles, Jupiter, 1982, pp. IX-X.

3 Ibid., p. XI.

Les résonnances rimbaldiennes dans la poésie objective et élémentaire de Nîmâ Youchîdj 107 un monde rempli de signes. Notre être est un signe, notre existence, notre vie, notre corps, notre âme et le nous aussi sont un signe. Selon le dictionnaire Larousse, le signe est « ce qui permet de connaître ou de reconnaître, de deviner ou de prévoir quelque chose : un signe distinctif, caractéristique. »1 Donc selon cette définition, tout élément de ce monde étant un signe, fait référence à un autre élément du monde.

Quelles que soient la définition du symbole dans les diverses sciences et sa fonction, en particulier dans la sémiotique, tous s’accordent à dire qu’il y a des points communs entre le signe et le symbole. La définition du Robert :

Objet ou fait naturel perceptible, identifiable, qui évoque par sa forme ou sa nature, une association d’idées « naturelle » (dans un groupe social donné) avec quelque chose d’abstrait ou d’absent. → Attribut, emblème, insigne, représentation. La blancheur, symbole de l’innocence, [...], le hautbois symbole de la poésie pastorale.2

Et selon la définition du Larousse : « tout ce qui (être animé ou chose) est ou peut être considéré comme le signe figuratif d’une chose qui ne tombe pas sous le sens. [...] La balance, symbole de la justice. »3

Par conséquent, un symbole aborde tout. Un mot, un objet, un regard, une vue, un son, une image, quelque chose dans la nature, une nature morte, une objectivité, mais aussi une subjectivité, tous peuvent être symboles. Tout signe particulier qui nous fait représenter quelque notion réelle ou imaginaire est un symbole, tandis que ce signe accompagne des idées d’association et de ressemblance ou selon certains, de convention, comme l’exemple du drapeau en tant que symbole de la patrie. En effet, dans une notion symbolique, on trouve des marques de rapprochement entre deux éléments, bien que cette (ou ces) marque(s) soi(en)t conventionnelle(s), comme dans le symbole de l’hymne national ! Mais on ne peut pas nier que, dans les conventions également, la marque des idées d’association soit évidente.

Autrement dit, il y a effectivement des idées d’association dans la création des symboles même si celle-ci est conventionnelle, comme le drapeau ou l’hymne national qui sont inventés comme les symboles d’une patrie et qui sont évidemment différents d’un pays à l’autre. Quoi qu’il en soit, le symbole, comme le déclare Jean Chevalier dans son Dictionnaire des symboles, serait une vérité originale qui ne serait applicable à aucune définition :

1 Le Larousse, Dictionnaire de la langue française lexis, 1992, p. 1740.

2 Le Grand Robert, op. cit., p. 919.

3 Le Larousse, Lexis, op. cit., p. 1821.

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Un symbole échappe à toute définition. Il est de sa nature de briser les cadres établis et de réunir les extrêmes dans une même vision. Il ressemble à la flèche qui vole et qui ne vole pas, immobile et fugitive, évidente et insaisissable.4

Le symbole, dans sa nature, est le contenu de deux termes importants qui sont inséparables d’une structure symbolique, c’est-à-dire « le signifiant » et « le signifié », qui sont les deux bases essentielles et communes entre le signe et le symbole.En réalité, le signifiant renvoie plutôt au mot, au modèle, à l’objet ou à la manifestation, tandis que le signifié renvoie au sens, au contenu, à l’idée ou au fond du signe. Par exemple, le mot « rose » est signifiant, alors que l’idée de « rose » est le signifié. Dans un signe, on peut distinguer a priori, le signifiant et le signifié, mais dans une réalisation symbolique, parfois, la frontière entre ces deux faces disparaît, et ainsi leur distinction devient de plus en plus difficile ; autrement dit, comme l’exprime Todorov : « Dans le symbole, c’est le signifié lui-même qui est devenu signifiant, il y a une fusion des deux faces du signe. »2 À ce propos, Gilbert Durand explique la place du signifiant et du signifié dans un symbole :

Le symbole est un système de connaissance indirecte où le signifié et le signifiant annulent plus ou moins la « coupure », [...] Le symbole est un cas limite de la connaissance indirecte, où paradoxalement cette dernière tend à devenir directe – mais sur un autre plan que le plan du signal biologique ou du discours logique.3

Dans une constitution symbolique, on peut reconnaître un lien symbolique entre le référent et la référence tel qu’on peut l’apercevoir dans une composition de signes entre le signifiant et le signifié. Effectivement, si l’on peut dire que ce rapport pour un signe est plus conventionnel, en ce qui concerne le symbole, nous aurons un concept plus profond qui nous amènera vers un rapport dimensionnel. Par exemple, quand on dit : « hocher la tête », cela peut être un signe pour dire « oui ou non », nous avons ainsi une relation linéaire. Mais la réalité du fait est que dans certains pays, la rose, symbole de l’amour, nous amène sans doute vers une association de concepts d’idées et d’histoires – au-delà de la surface qui constitue le référent et la référence – dans une relation médiatisée, c’est-à-dire dans une relation au sein de laquelle on ne peut arriver du signifiant au signifié que par des intermédiaires d’idées, de croyances et d’autres éléments qui ont contribué pendant des années, ou même des siècles, à la création d’un symbole chez un peuple. Autrement dit, comment et pourquoi un peuple en arrive-t-il à symboliser la rose ? Et quelles étaient les histoires, les aventures ou les croyances

4 Chevalier et Cheerbrant, op. cit., p.V.

2 Todorov Tzvetan, Théorie du symbole, Seuil, 1977, p. 250.

3 Durand Gilbert, Champs de l’imaginaire, ElluG, 1996, p. 66.

Les résonnances rimbaldiennes dans la poésie objective et élémentaire de Nîmâ Youchîdj 109 derrière la rose pour qu’un peuple la considère comme le symbole de l ’amour ou un autre comme celui de la perfection ?

Le temps de la création est d’une importance considérable dans la constitution d’un symbole. À cause de l’apparition de nouvelles nécessités, on peut inventer ou modifier parallèlement des signes, en vue d’augmenter la facilité de la vie, prenons l’exemple du

« code de la route » comme des règles de civisme et des « panneaux » comme une convention sur la signalisation routière entre la plupart des pays du monde. Mais la création d’un symbole demande un temps vrai, un temps de fécondité pour construire d’abord des événements, puis des croyances individuelles qui deviennent par la suite, collectives. En effet, si les signes sont construits d’une manière conventionnelle et plutôt selon des nécessités sociales, avec un court laps de temps entre chaque changement dans la vie des hommes, le processus des symboles dans le contexte social ou culturel est créatif et long.

En conclusion, le symbole se situe au-delà d’un simple signe. Il a un système de communication, un système qui est dynamique, indirect et qui se modifie en fonction des situations et des personnes. C’est pour cette raison que les critiques prennent en considération la place de l’interprétation dans une constitution symbolique, et que l’on peut dire que la perception d’un symbole varie d’une personne à l’autre. Pour le dire différemment, tout homme même s’il fait partie d’une tribu ou d’une nation, crée à sa manière un symbole qu’on peut interpréter selon la variation d’une situation ou d’un sujet. Par exemple, un symbole ayant une signification positive pour un homme peut avoir un sens négatif ou du moins neutre pour un autre. De la même manière, un homme qui a grandi dans sa tribu et qui connaît depuis son enfance un objet comme étant un symbole négatif, en immigrant dans un nouveau pays, peut trouver que les autochtones reconnaissent cet objet comme étant un symbole positif.

C’est le cas de la « chouette » qui est un symbole néfaste en Iran et qui symbolise la sagesse en Égypte !

Ainsi, comme le confie Jean Chevalier, un symbole apparaît interprétable chez les peuples du monde entier, car le rôle de l’expérience est essentiel dans le symbole et dans toute nation, ayant ses propres expériences, et qui invente des symboles à sa manière :

Le symbole est donc beaucoup plus qu’un simple signe : il porte au-delà de la signification, il relève de l’interprétation et celle-ci d’une certaine prédisposition. Il est chargé d’affectivité et de dynamisme. Non seulement il représente, d’une certaine manière, tout en voilant ; mais il réalise, d’une certaine manière aussi, tout en défaisant. Il joue sur des structures mentales.1

1 Chevalier et Cheerbrant, op. cit., pp. X-XI.

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