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La solution de la CCJA et autres

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 119-123)

Chapitre II. La modification des corpus législatifs nationaux et instruments contractuels

Section 2. Les instruments conventionnels

B. La posture de l’OHADA

1. La solution de la CCJA et autres

La CCJA est l’organe judiciaire de l’OHADA. Parallèlement, elle est également un centre d’arbitrage indépendant. Dans ses attributs de juridiction, il lui arrive de traiter des questions d’exécution forcée des sentences. Cette procédure auprès de la Cour est sujette à deux régimes juridiques : les règles du droit national auxquelles le règlement de procédure renvoie ou les règles particulières du règlement de procédure qui dérogent souvent aux dispositions droit interne des membres de l’OHADA. La seconde procédure peut s’appliquer à l’exequatur et la reconnaissance des sentences prises sous l’empire de l’acte uniforme. En effet, la CCJA peut se substituer aux juridictions étatiques en effectuant pour eux les procédures de reconnaissance et d’exequatur. Dans la pratique, cela s’effectuera par un dépôt de l’original de la sentence auprès du greffe de la Cour. Les juges contrôleront alors la conformité de la sentence aux différentes règles dont celle de l’ordre public transnational pour les celles internes à l’espace OHADA et le juge étatique pour les sentences étrangères.

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En principe, l’arbitre dans sa décision, doit tenir compte de l’ordre public du pays dans lequel la décision sera appliquée. Cela évitera que la sentence ne fasse l’objet d’un recours en annulation pour défaut de conformité à l’ordre public national.

Cependant, dans le cadre d’un différend opposant deux entités issus de l’espace régional, le juge contrôlera juste le respect de l’ordre public transnational.

Nous savons que la Cour ou du moins ses décisions sont juridiquement supérieures à celles des juridictions nationales. Déférer la sentence auprès de la CCJA permet de revêtir la sentence de la formule exécutoire dans les mêmes conditions qu’un tribunal étatique.

A côté de l’option de la CCJA, nous pouvons opter pour un exequatur régulé par les parties elles-mêmes. Les différents marchés et contrats qu’ils exécutent retiennent de plus en plus l’arbitrage comme mode de règlement de différends. Les Etats eux-mêmes par l’entremise des divers outils juridiques appellent ces opérateurs à se tourner vers l’arbitrage. Le principe est simple : les opérateurs économiques de l’espace OHADA forment une communauté, un réseau. Le but visé est la stigmatisation de l’entreprise condamnée durant un arbitrage et qui refuse d’exécuter la sentence après l’épuisement de toutes les voies de recours. La sanction peut aller jusqu’à l’exclusion de l’entreprise de toutes coopérations avec ses pairs.

S’il est admis que les sentences étrangères ne doivent pas être impactées par ces nouvelles règles quid des sentences OHADA ?

L’exécution forcée des sentences peut être effectuée sans recourir au for.

Plusieurs systèmes juridiques utilisent cette méthode : C’est notamment le cas du CIRDI mais aussi du FIDIC.

Le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) est une institution arbitrale créée le 18 mars 1965 par le biais de la convention de Washington. Par ailleurs, il fait partie du groupe de la Banque Mondiale301. C’est en partie cette posture qui incite les Etats à honorer leur

301 La Banque Mondiale se compose de cinq institutions : la banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’association internationale de développement (IDA), la

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engagement en exécutant la sentence prononcée par l’institution302. Mais intéressons-nous au fonctionnement, à l’effectivité de ses décisions : les décisions du CIRDI ne font pas l’objet d’un contrôle par les autorités judiciaires des Etats dans lesquels les décisions doivent être appliquées303. En ratifiant la convention du CIRDI, les Etats acceptent de retirer toutes compétences à leurs magistrats pour tous litiges relevant de cette convention. Par cette adhésion, les Etats reconnaissent à la sentence arbitrale du CIRDI, le caractère légal et obligatoire de la décision au même titre que celles délivrées par leurs tribunaux respectifs304. « Elles échappent ainsi aux contraintes des procédures d’exequatur et des voies de recours disponibles à leur encontre »305 note M. POULAIN.

Le système OHADA pourrait calquer cette forme de soustraction des sentences arbitrales aux magistrats en disposant dans l’acte uniforme que toutes les sentences rendues sous l’empire de cette loi sont d’application obligatoire sans nécessité d’exequatur par le juge de l’Etat hôte de la sentence. En revanche, seule la reconnaissance est maintenue mais dans le strict respect de la loi, c’est-à-dire un simple contrôle de l’authenticité de l’acte (la sentence).

Une autre forme d’exclusion du magistrat à l’exequatur de la sentence peut être trouvée au travers les dispute boards de la FIDIC. Ceux-ci découlent du milieu professionnel, précisément de la Fédération international des ingénieurs conseils. En 1987, face à la recrudescence des contentieux dans les grands travaux, cette corporation a opté pour l’élaboration d’une clause306 qui permet de régler les litiges au

société financière internationale (IFC), l’agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) et le CIRDI.

302B. POULAIN, « L’arbitrage transnational et le droit français des immunités de l’Etat étranger », Droit international des investissements et de l’arbitrage transnational, Ch. LEBEN (dir), Pedone, 2015, pdf, p. 1.

303L’absence de contrôle tient du fait de l’article 52 de la convention CIRDI qui autorise l’institution à organiser elle-même ses propres contrôles sur ses sentences.

304Les dispositions de l’article 54 prévoient que « chaque Etat contractant reconnait toute sentence rendue dans le cadre de la présente convention et assure l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit Etat… ».

305B. POULAIN, op. cit, p. 3.

306La clause 67 des conditions FIDIC pour les marchés de génie civil.

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sein de la corporation307. Comment fonctionne-t-elle ? La clause 67 organise une action en deux temps. Premièrement, la soumission du litige à l’ingénieur qui agit comme un pré-arbitre et délivre une décision obligatoire mais de nature contractuelle.

Deuxièmement, si le désaccord persiste, il y a saisine du tribunal arbitral sur la base de la clause compromissoire signée dans le contrat308.

Cependant, le défaut d’indépendance de l’ingénieur vis-à-vis du maître d’ouvrage à discrédité cette approche. Raison pour laquelle, en 1995, les Dispute Adjudication Board (DAB) sont créés. Le principe reste le même : le règlement des litiges en interne par la prise de décision obligatoire de nature contractuelle. Ces dernières ne sont nullement déférées devant l’autorité judiciaire pour un exequatur. Ce modèle a par ailleurs inspiré la CCI qui a plus tard élaboré le règlement relatif aux dispute boards.

Il s’agit pour cette institution d’arbitrage, de « l’établissement et le fonctionnement d’organe permanent connu mis en place au début d’un contrat afin de favoriser son exécution harmonieuse »309 écrit madame SOSSA. Dans le cas de l’arbitrage relevant de l’acte uniforme cette approche paraît difficilement tenable tant elle est plus adaptée à l’arbitrage institutionnel. Le caractère soudain de l’arbitrage ad-hoc rend quelque peu difficile la réalisation de cette solution.

Toutefois, un aménagement peut être trouvé : il s’agit de nommer en même temps que le tribunal arbitral, un comité parallèle chargé de prévenir et de traiter toutes les difficultés qui surviendront au cours du règlement du litige faisant l’objet de l’instance en cours. Cette hypothèse est compatible avec le caractère spontané de l’arbitrage ad-hoc et est facilement réalisable même s’il engendre un supplément de coût pour les parties. En revenant sur l’exequatur, les décisions prises dans ce cadre, du fait qu’elles soient de nature contractuelle c’est-à-dire conjointement acceptées par

307 Pour une étude d’ensemble des règles FIDIC, v, G. LEFEBVRE et J. d’HOLLANDER, « La normalisation des contrats internationaux d’ingénierie », Revue juridique Thémis, vol. 31, 1999, p.

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308 Il faut dire que la plus part de contrats du BTP introduisent systématiquement une clause compromissoire écartant de facto les tribunaux arbitraux en cas de litige.

309C. D. SOSSA, « Droit de l’arbitrage OHADA », Formation des arbitres inscrits à la CCJA et dans les centre d’arbitrage nationaux, ERSUMA, session du 04 au 08 octobre 2010.

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les parties, ne peuvent plus faire l’objet d’une procédure devant le juge pour exequatur.

La procédure paraît visiblement simple pour les entreprises mais semble difficilement réalisable lorsqu’il s’agit d’un différend opposant un Etat à une entreprise. De fait, on voit mal toutes les entreprises plier bagages et se retirer du pays pour non-respect de l’Etat à une sentence arbitrale.

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 119-123)