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Le recours au juge pour la reconnaissance et l’exequatur

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 115-119)

Chapitre II. La modification des corpus législatifs nationaux et instruments contractuels

Section 2. Les instruments conventionnels

A. Le recours au juge pour la reconnaissance et l’exequatur

La sentence arbitrale est perçue par certains auteurs comme un corps étranger dont un examen minutieux est nécessaire avant que de l’intégrer dans l’ordonnancement juridique d’un Etat. Ce mécanisme est rendu possible par deux procédures distinctes : la reconnaissance et l’exequatur. Ces procédures sont accomplies par le for c’est-à-dire le juge comme l’atteste les articles de l’acte uniforme291. Ainsi, le juge est sollicité pour la reconnaissance (1) et pour l’exequatur (2).

289La convention de New-York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l’exequatur des sentences arbitrales ; Le protocole de Genève du 24 septembre 1923 ; La convention de Genève du 26 janvier 1927.

290A ce jour, 148 Etats sont parties à cette convention.

291Articles 30 et 31 de l’acte uniforme.

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1. Le juge et la reconnaissance de la sentence

Le lexique des termes juridiques nous apprend que la reconnaissance en droit international public, est un acte unilatéral et discrétionnaire par lequel un Etat prend position sur une situation ou un fait qui s’est produit en dehors de lui et dont il est disposé à tenir compte292. Dans le cas d’espèce, la procédure de reconnaissance consiste à marquer, prouver l’existence de la sentence en la présentant au juge qui en prend acte. Il s’agit donc d’une de prise de conscience par l’autorité judiciaire d’une décision judiciaire émanant d’un autre système juridique en l’occurrence, de l’arbitre en ce qui concerne l’arbitrage.

La procédure de reconnaissance est relativement simple. Il s’agit pour la partie qui la sollicite, d’apporter au juge, la copie originale de la décision arbitrale, la convention d’arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité293. Difficile, sinon impossible de passer outre le juge pour la reconnaissance de la sentence. L’hypothèse serait celle d’ôter cette prérogative au juge. Le fait est qu’il s’agit pour l’Etat sollicité de prendre acte d’une décision judiciaire devant produire des effets juridiques sur son territoire. Or, en matière de droits et de libertés, seul le juge est compétent. Le for ne peut donc pas fermer les yeux sur cette procédure. Si l’éviction du juge de la procédure de reconnaissance est quasi impossible, peut-on la supprimer ? Là encore, nous nous heurtons à la philosophie du droit étranger qui veut que les décisions étrangères puissent être reconnues par le système juridique de l’Etat dans lequel elles ont vocation à produire des effets de droit.

Il est alors non pas impossible mais non judicieux de supprimer la procédure de reconnaissance. Le juge reste le maître et l’ultime acteur de cette procédure à l’instar de l’exequatur.

292Lexique des termes juridiques, Dalloz, 16ème éd.

293Article 31. Al. 2 de l’acte uniforme.

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2. Le juge et l’exequatur de la sentence

L’exequatur est sujet à diverses définitions. Le professeur FOUCHARD pense que c’est ce « qui fait entrer une sentence dans un ordre juridique quels que soient les effets que l’on prétend en tirer »294. D’autres auteurs estiment que c’est la procédure visant à donner dans un territoire donné, force exécutoire à une décision arbitrale étrangère295. Nous notons de ces définitions que l’exequatur vise à revêtir la sentence de son caractère exécutoire296 qui, est la phase préalable à l’exécution que Mr OUERFELLI caractérise comme étant « une phase ultérieur (à l’exequatur) qui consiste à concrétiser le dispositif de la décision d’exequatur »297. Si la reconnaissance et l’exécution dans l’espace régional peuvent ne pas créer de problème si elles sont facilitées par la CCJA, une complication est à craindre lorsque la sentence est étrangère à cet espace et qu’elle doit produire ses effets dans un ou plusieurs pays de la région. En effet, la sentence en quête d’exequatur sera déposée auprès des tribunaux nationaux étatiques pour qu’elles puissent y acquérir la force exécutoire. Quelle sera l’attitude du juge devant une telle sollicitation ? Devra-t-il refuser l’exequatur ou la reconnaissance au motif que les textes ne lui reconnaissent plus ces compétences ou l’interdiction ne frappe que les sentences issues de l’OHADA ?

Nous pensons que l’interdiction pour le juge de connaître la reconnaissance ou l’exequatur d’une sentence ne doit pas frapper les sentences étrangères, c’est-à-dire les sentences dont le siège n’est pas sur un des Etats membres de l’OHADA puisque l’accueil de la sentence arbitrale dans l’ordonnancement juridique d’un Etat ne peut se faire sans que celle-ci ne subisse l’examen du contrôle du respect de l’ordre public national. De fait, cette notion est au cœur même de l’arbitrage et agit aussi bien en

294 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Litec, 1996, p. 981.

295 Ph. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruyant, LGDJ, Schulthess, p. 841 ; F. NAMMOUR, Droit et pratique de l’arbitrage interne et international, Bruylant, Delta, LGDJ, 2ème éd, 117 p.

296T. MOUSSA, «L’exequatur des sentences arbitrales internationales », Gaz, Pal, 14 avril 1992, p.

275.

297 A. OUERFELLI, « L’exécution des sentences arbitrales étrangères dans les pays du Maghreb », Revue tunisienne de l’arbitrage, n°5, 2008, p. 133.

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amont qu’en aval de l’arbitrage298. Une partie de la doctrine pense que la notion d’ordre public dans l’arbitrage international est en train d’être diluée car en réalité, il s’agit plus d’un ordre public transnational, c’est-à-dire un ensemble un ensemble de valeurs faisant l’objet d’un consensus dans la communauté internationale.

De ce fait, il n’est plus question de contrôler l’ordre public national puisqu’il existe une forme d’ordre public international. Un autre pan de la doctrine vient contrebalancer cette thèse en affirmant que cet ordre public ne s’impose qu’à l’arbitre299. On voit mal comment une sentence serait exécutée si elle va à l’encontre des exigences fondamentales, essentielles au fonctionnement des services publics, au maintien de la sécurité ou de la moralité… . Pour notre part, la reconnaissance et l’exequatur de la sentence ne visera que les sentences étrangères à l’espace OHADA.

Dans cet ordre d’idées, les juges nationaux seront compétents pour connaître de ces procédures. Au demeurant, ces deux procédures apportent un peu plus de crédibilité à l’arbitrage dans la mesure où elles renforcent son aura à l’échelle internationale. Elles participent à la vitalité de cette institution en garantissant aux utilisateurs l’assurance d’une justice effective et reconnue par les autorités judiciaires des différents Etats signataires de la convention.

Les Etats de l’OHADA parties à cette convention ne doivent pas s’en départir au risque de porter atteinte à la crédibilité de leur système juridique. Notons qu’il existe un lien étroit entre l’investissement au travers les IDE300 et la sécurité juridique d’un Etat. Les investisseurs choisissent les pays où l’environnement juridique est favorable et surtout sécurisé par des normes claires et transparentes. Le recours au juge est un fait inscrit dans le subconscient de tous investisseurs. Ils y voient une garantie d’exécution de la sentence puisque le l’arbitre est dépourvu de tout imperium. L’en soustraire laisse planer le doute d’une sentence qui ne pourra jamais être exécutée.

298« L’ordre public intervient du début à la fin de l’arbitrage. Il est un obstacle à l’arbitrabilité du litige, au choix de la loi applicable. Il intervient pour apprécier la licéité de la convention d’arbitrage, la régularité de la procédure et pour contrôler la conformité de la sentence aux choix fondamentaux du for ». S. B. YOUSSEF, « Le contrôle post-arbitral de la sentence internationale à l’épreuve de l’ordre public substantiel », in Le juge et l’arbitrage, Pedone, 2013, p. 209.

299L. CHEDLY, Arbitrage commercial international et ordre public transnational, éd CPU, 2002, p.

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300Investissement direct à l’étranger

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Aussi, la question de l’existence de l’arbitrage pourra être débattue puisque ses décisions pourront ne pas être appliquées. Pour autant, ôter la main du juge du juge de l’arbitrage OHADA reste la problématique.

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