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La mise à l’écart des juges du contrôle

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 150-153)

Chapitre I. Le dessaisissement des organes judiciaires étatiques

Section 2. La disparition des juges

B. La mise à l’écart des juges du contrôle

La terminologie au pluriel de juges du contrôle peut sembler curieuse. On pourrait penser qu’il y a plusieurs juges pour contrôler la sentence. Cela est vrai dans un sens. La sentence arbitrale subit un contrôle par le juge à chaque fois qu’elle tombe entre ses mains. C’est le cas lorsqu’elle doit subir un exequatur ou encore un recours en annulation. Dans les deux cas, ce sont des juges différents qui se saisissent de la question et en conséquence, selon les procédures, ces derniers doivent procéder au contrôle de la sentence dans les conditions définie par la loi. Ainsi, le pluriel des juges du contrôle se trouve justifié. Voyons alors l’exclusion du juge de l’annulation (1) et celui de l’exequatur (2).

1. L’incompétence du juge de l’annulation

Le recours en annulation est une voie de recours ordinaire. C’est une création prétorienne qui permet aux parties d’exercer un recours contre la sentence lorsqu’elles ont renoncées à l’appel. De nos jours certaines législations en ont fait un caractère d’ordre public399 contrairement à la solution de l’arbitrage international. Dans ces pays, la renonciation par avance à la procédure d’annulation est interdite400. Cependant, elle est acceptée après le rendu de la sentence401.

La procédure de recours en annulation n’est ouverte que sur des cas limitatifs qui varient en fonction des législations. Le droit OHADA et français limitent l’ouverture de ce recours à 6 griefs :

399Article 1484 ancien du CPC français.

400La France par exemple.

401L’acquiescement de la sentence constitue une renonciation à la procédure d’annulation.

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 Si le tribunal a statué sans convention d’arbitrage ou si celle-ci a expiré ou est nulle.

 Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ou si l’arbitre a été irrégulièrement désigné.

 Si le tribunal a statué sans se conformer à la mission confiée par les parties.

 Si le principe du contradictoire n’a pas été respecté.

 Si la sentence arbitrale est contraire à l’ordre public international.

 Si la sentence arbitrale est dépourvue de toute motivation.

Les recours introduits sous d’autres griefs sont jugés irrecevables comme le précise la jurisprudence402.

Avec la nouvelle réforme envisagée, le juge de l’annulation perd son droit de s’immiscer dans la procédure arbitrale. Il n’est matériellement ou territorialement plus compétent. Ces compétences sont dévolues à une autre entité extrajudiciaire. C’est donc la fin de la coopération de ce magistrat dans la procédure arbitrale.

2. La fin du juge de l’exequatur

A la différence du jugement, la sentence arbitrale ne dispose pas de la force exécutoire. En effet, la sentence arbitrale ne bénéficie pas de l’exécution forcée de la sentence lorsque la partie perdante ne l’exécute pas spontanément même si en théorie elle pourrait en être dotée403.

L’exécution forcée émane des organes étatiques qui commandent à ceux de la force publique de prêter leur assistance à l’exécution de la décision arbitrale. Par méfiance, « vis-à-vis de l’arbitrage, le législateur subordonne toutefois la possibilité d’obtenir l’exécution de la sentence avec le concours des organes disposant d’un pouvoir de contrainte à une condition particulière : l’exequatur » comme le mentionnent des auteurs404. Les législations nationales et communautaires sont d’ailleurs très claires à ce sujet : L’article 1487 du code de procédure civile français

403S. BOLLEE, Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des sentences arbitrales, préf. P.

MAYER, Economica, 2004, spéc. n° 275, p. 192.

404Ch. SERAGLINI, J. ORTSCHEIDT, Droit de l’arbitrage interne et international, Montchrestien, Paris, 2013, p. 402.

405Article 1477 ancien du CPC français.

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sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur rendue par la juridiction compétente dans les Etats parties »406.

En France l’autorité judiciaire compétente en matière d’exequatur a longtemps fait débat. Les posées par la réforme du droit de l’arbitrage de 1980 n’étaient pas suffisamment explicites407. Plusieurs pistes étaient avancées : d’aucuns voyaient le juge de l’exécution du tribunal408, certains pensaient à la compétence du tribunal de grande instance409 et d’autres encore imaginaient la compétence du président du tribunal de grande instance410. Il faut attendre le 9 juillet 1991 pour qu’une loi411 puisse définitivement mettre un terme à la difficulté. Il est désormais inscrit que le tribunal de grande instance connait à juge unique, « des demandes en reconnaissance et en exequatur […] de sentences arbitrales françaises ou étrangères ». C’est donc le président du tribunal de grande instance ou son délégué auprès desquels les requêtes en exequatur doivent être soumises412. Toutefois, il existe des exceptions à cette règle.

L’exequatur peut être accordé lors du rejet du recours en annulation contre la sentence qui est déféré auprès de la Cour d’appel. Dès lors, cette dernière n’a pas à se prononcer sur cette question. L’exequatur étant systématiquement attaché à sa décision de rejet413. L’exequatur peut également être conféré par le premier président de la Cour d’appel ou le conseillé de la mise en état414.

En droit OHADA, l’article 30 laisse compétence à chaque Etat de désigner le juge compétent pour l’exequatur de la sentence. Certains préfèrent le président du tribunal de grande instance et d’autre, le juge de l’exécution. Toujours est-il que la procédure d’exequatur en droit OHADA et en France reste la même.

La décision d’exequatur fait suite à un contrôle de la sentence par le juge. Il s’agit pour le juge de vérifier la conformité de la décision arbitrale à certaines conditions avant d’en ordonner l’exécution. La condition principale est le respect de l’ordre public du pays dans lequel la sentence doit produire ses effets. Le juge ne procède donc qu’à un contrôle prima facie de la sentence415.

406Article 30 de l’AUA.

407L’absence de texte réglementaire définissant précisément les cas et les conditions dans lesquelles le juge spécialisé devait intervenir rendait difficile l’application de la compétence du tribunal de grande instance.

408Lyon, 7 janvier 1988, Rev. arb., p. 685, note M.C. RONDEAU.

409TGI (Ord. psdt), 12 fév. 1987, RTD civ. 1988, p. 176, obs. J. NORMAND.

410TGI Paris, (Ord. Psdt, 23 déc. 1980, Rev. arb. 1982, p. 204.

411Article R 212-8.2° du code de l’organisation judicaire.

412Civ. 1er, 9 déc. 2003, JCP G 2004, I, 119, n° 8, obs. J. BEGUIN ; Rev. arb., 2004, p. 337, note S.

BOLLEE.

413Paris, 28 juin 2001, Rev. arb. 2001, p. 729, note H. LECUYER.

414Article 1498 al. 1 du CPC français.

415Rapport de la Cour de cassation, 2003, La documentation française, spéc. p. 580.

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Pourtant, même si ce rôle est particulièrement important, le juge de l’exequatur est appelé à disparaître dans le cadre de la déjudirictionnalisation. En effet, le principe est la disparition de tous les personnels judicaires étatiques intervenant dans la procédure arbitrale. A terme, un autre mécanisme doit être pensé afin de pallier leur disparition. Le juge de l’exequatur ne peut donc rester au sein de la procédure même s’il apparait distant par rapport aux autres juges. Il intervient tout de même pour valider ou infirmer la sentence arbitrale.

§2. Une instabilité de la matière arbitrale

Il est indubitable que les changements que provoque la déjuridictionnalisation en l’état, occasionnent un dysfonctionnement dans l’engrenage de l’arbitrage. En effet, la matrice de l’arbitrage ad-hoc moderne semble être adossée sur une coopération avec la justice étatique au point où dès que le juge n’est pas associé à la solution d’une difficulté, la procédure arbitrale s’en trouve totalement paralysée. Sans être exhaustif sur l’ensemble des situations où l’absence du juge fragile l’instance arbitrale, nous remarquons néanmoins que cette instabilité peut être de deux ordres : processuelle et qualitative. Nous nous retrouvons donc avec une insuffisance processuelle (A) qui impacte le résultat de la justice arbitrale (B).

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