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La limpidité de la convention d’arbitrage

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 128-133)

Chapitre II. La modification des corpus législatifs nationaux et instruments contractuels

Section 2. Les instruments conventionnels

B. La limpidité de la convention d’arbitrage

Qu’il s’agisse de la clause compromissoire ou du compromis, leurs rédactions ne doivent pas être incomplètes ou pas assez explicites quant à la traduction de la volonté des parties. Ce sont ces imperfections qui obligent le juge à intervenir afin de sortir la procédure de l’impasse dans laquelle l’a plongée le texte.

327 Article 1448 du code de procédure civile français ; article 1506. 1° de l’arbitrage international français ; article II de la convention de New-York de 1958 ; article VI de la convention de Genève de 1961 ; article 7 LDIP Suisse ; article 52 code tunisien de l’arbitrage de 1993.

328L’arbitre ne rend pas la justice au nom d’un Etat. En conséquence, il ne dispose pas des mêmes pouvoirs que ce dernier. Voir sur cette question, Ch. JARROSSON, « Réflexion sur l’imperium », in Etudes offertes à Bellet, Litec, 1991, p. 245.

329Sauf en cas d’extension de la convention d’arbitrage à ces tiers.

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Aussi, les conventions d’arbitrage ou peu importe le nom qu’on leur donne, doivent être exemptes de toutes imperfections (1) justifiant le recours au juge. Pour ce faire, il existe des outils sur lesquels les rédacteurs peuvent s’en inspirer pour parfaire la convention (2).

1. L’épuration des imperfections dans la convention d’arbitrage

La rédaction de la convention d’arbitrage de par les conséquences qu’elle produit, est d’une importance primordiale. Elle doit pouvoir fidèlement exprimer la volonté des parties quant à la mission et les pouvoirs qu’elles confient à l’arbitre.

Selon la forme qu’elle adopte, la convention d’arbitrage présente des difficultés dans sa rédaction.

En effet, il est bien plus complexe de rédiger une clause compromissoire qu’un compromis. La raison principale de cette difficulté réside sur le fait que s’agissant de la clause compromissoire, le litige n’est pas encore né. Il s’agit donc pour les rédacteurs, d’un réel exercice de prévision de tous les éléments qui entourent la procédure. Il est donc certains que des points risquent soit d’être omis, soit d’être partiellement traités330. A contrario, le compromis est bien plus aisé à rédiger puisque le litige est né. Le rédacteur pourra bien cibler les différentes procédures, situations et pouvoirs que les parties souhaitent confier à l’arbitre. Il s’exprimera en des termes clairs et précis.

La précision et la clarté souhaitées permettent d’épurer certaines imperfections comme les clauses pathologiques qui entrainent généralement l’intervention du juge.

Une clause est dite pathologique lorsqu’elle fait obstacle au bon déroulement de la procédure. C’est dire si les possibilités sont nombreuses. Nous pouvons citer en exemple une clause pas assez claires quant au recours ou non à l’arbitrage en cas de

330 Voir. F. EISEMANN, « La clause d’arbitrage pathologique », in Etudes Minoli, p. 129 ; H.

SCALBERT et L. MARVILLE, « Les clauses compromissoires pathologiques », Rev. arb. 1988, p.

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litige ; une clause se référant alternativement, à la justice arbitrale et à la justice étatique ; clause faisant référence à la fois à un arbitrage ad-hoc et à un arbitrage institutionnel ; clause qui établit les modalités de désignation des arbitres qui, dans les faits est impraticables… Elles permettent également d’écarter la clause dite

« blanche ». Cette dernière renvoie à une clause qui n’exprime rien à l’exception de la volonté des parties à recourir à l’arbitrage.

Ainsi, toutes les questions relatives à la désignation des arbitres, le siège du tribunal arbitral, le droit applicable… sont éludées. Dans cette configuration, même si le juge est enclin à les sauver331 il est quasiment impossible de voir l’arbitrage aboutir.

2. Les outils visant une meilleure rédaction de la convention d’arbitrage

Véritable talon d’Achille de l’arbitrage, la convention d’arbitrage ou quelle que soit la dénomination qu’on lui donne, doit impérativement exprimer dans un français clair et précis la volonté des parties. Bien qu’étant difficile à élaborer du fait de l’imprévisibilité et les spécificités du contentieux, la clause d’arbitrage doit pour le moins s’efforcer à être explicite. Pour ce faire, plusieurs institutions et organisations proposes des modèles de clause compromissoire. Ce sont des textes rédigés par des professionnels qui, pour la plus part sont spécialistes de la matière. De par leurs expériences, ils peuvent anticiper certaines situations et repousser au maximum l’intrusion du juge. En effet, les clauses compromissoires proposées par ces experts sont exempts de clauses pathologiques ou encore de clauses « blanches ».

Dans l’espace OHADA, dans le cadre d’un arbitrage ad-hoc, les rédacteurs de la clause compromissoire peuvent s’inspirer du règlement d’arbitrage CCJA. Il ne s’agit

331Les juges français s’efforcent à donner effets aux clauses blanches au regard de l’abondance de la jurisprudence : Civ. 1re, 20 févr. 2007, JCP G 2007, I 168, p. 21, obs. J. BEGUIN ; Rev. arb. 2007, p.

775, note F.-X. TRAIN : n’est pas manifestement inapplicable la clause d’arbitrage dont les termes quelques peu contradictoires, désignent de façon impérative deux institutions arbitrales ; cette clause doit simplement faire l’objet d’une interprétation, mais ne remet pas en cause la volonté des parties de recourir à l’arbitrage.

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pas pour eux de faire un copié-collé de l’ensemble des dispositions de l’institution mais au moins un tri des dispositions favorable à leur égard. Hormis cet organisme sous régional, les rédacteurs peuvent également s’inspirer des modèles de clause compromissoire de la CCI de Paris, du CIRDI ou encore des nombreux centres d’arbitrage à travers la planète.

Les parties ne doivent néanmoins pas perdre le but de manœuvre : présenter une convention d’arbitrage claire et applicable dans l’optique d’éloigner un peu plus le juge des débats autour de l’arbitrage.

Conclusion du chapitre II

La déjudiciarisation de l’arbitrage passe par une extraction dans les dispositions nationales des références au juge. Elle nécessite une modification des corpus législatifs des Etats membres de l’OHADA. De plus, elle recommande une nouvelle approche des Etats vis-à-vis des conventions internationales sur la coopération judiciaire en matière d’arbitrage.

Par ailleurs, l’expulsion du juge nécessite que puisse être organisé un nouveau système d’exécution forcée des sentences. Dans la même veine, l’exequatur est remplacé par des modes juridiques en dehors du judiciaire.

En outre, le processus engagé requiert de la part des parties, une extrême vigilance lors de la rédaction de la convention d’arbitrage puisqu’elle est la base de l’arbitrage et sert de boussole à l’arbitre dans l’exercice de sa mission.

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Conclusion du Titre I

Le droit commun de l’arbitrage OHADA repose sur l’acte uniforme relatif en la matière que complètent des lois nationales. A côté de ces outils juridiques coexistent des dispositifs conventionnels. L’ensemble de ces règles expriment des divers angles, les cas dans lesquels le juge peut être amené à intervenir lors d’une procédure arbitrale. La révision de l’acte uniforme dans l’optique d’une déjudiciarisation de l’arbitrage s’avère inéluctable entraine comme conséquences une modification des corpus nationaux et conventionnels.

Désormais, le juge perd toutes prérogatives en matière de constitution ou reconstitution du tribunal arbitral ; d’administration de mesures provisoires ou conservatoires à l’exception des suretés judiciaires et des injonctions aux tiers. Il se voit exclu de tout le contentieux sur la sentence de même que le contrôle de cette dernière à l’exception des sentences étrangères. La nouvelle mouture de l’acte uniforme doit insister sur une construction et reconstruction extrajudiciaire du tribunal arbitral ; redéfinir et élargir les prérogatives de l’arbitre de l’urgence qui remplacera le juge de l’urgence. Dans le même élan, il doit reconnaître le statut du tiers vérificateur et de l’élargissement des compétences de la CCJA. Enfin, les textes modifiés doivent adopter un nouveau régime des voies de recours contre la sentence en laissant l’arbitre ou un tiers connaitre de la procédure et aussi celui sur l’exequatur des décisions de l’arbitre en promouvant un exequatur extrajudiciaire.

Par ailleurs, une approche des accords internationaux sur la coopération judiciaire est impératif pour une parfaite conjugaison des efforts pour l’exclusion du juge. Dans la poursuite de ces efforts, une parfaite maitrise des techniques de rédaction des conventions d’arbitrage est primordiale pour définitivement clore tout accès à l’officier public de justice.

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