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Le recours, compétence principale du juge

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 82-85)

Chapitre I. La réécriture de l’acte uniforme

Section 2. Le contentieux extrajudiciaire dans l’acte uniforme

B. L’intervention du juge à titre principal ou accessoire

1. Le recours, compétence principale du juge

L’article 25, alinéa 2 dispose que la sentence « peut faire l’objet d’un recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent de l’Etat partie ». En disposant de la sorte, le législateur est clair quant à sa volonté de soustraire l’arbitre, pourtant « juge » de l’affaire, au recours contre sa décision. On assiste à une inversion du principe de l’efficacité de la convention d’arbitrage. En effet, l’efficacité de la convention d’arbitrage commande que le juge se déclare incompétent face au litige visé dans ladite convention. De nombreuses décisions judiciaires vont dans ce sens220. Le tribunal de grande instance de Ouagadougou l’a explicitement exprimé en affirmant que dès lors que « les parties ont prévu la voie de l’arbitrage pour le règlement de leurs litiges, les juridictions étatiques doivent se déclarer incompétentes en application de l’article 13 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage »221. A notre entendement, le litige constitue tout ce qui émane de la convention d’arbitrage, c’est-à-dire de la constitution du tribunal arbitral, de l’administration des mesures d’instruction… jusqu’à la sentence et donc le dessaisissement du tribunal arbitral. Or, nous remarquons que le juge s’immisce dans la procédure et bafoue le principe puisqu’il va dessaisir l’arbitre de son litige pour en avoir lui connaissance. Certains

218Le recours en annulation contre la sentence.

219C’est notamment le cas de la tierce opposition et du recours en révision.

220CA Abidjan, arrêt n° 1032, 30 juillet. 2002 ; ohadata J-03-28.

221CA Abidjan, arrêt n° 1032, 30 juillet. 2002 ; ohadata J-03-28.

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auteurs diront que le recours en annulation ne fait pas partie du litige puisque le juge ne tranche pas le différend dans le fond. A cet argument nous répondons quand bien même il ne tranche pas dans le fond, il prend tout de même connaissance du litige qui lui était à la base occulté. En cela, il viole déjà la volonté des parties.

A l’instar du jugement qui symbolise le terme d’un procès, la sentence arbitrale dessaisit l’arbitre222 et marque également l’aboutissement de la procédure en général223. Cependant, si le droit est dit, reste qu’il doit être fait. La matérialisation de la décision de justice fut-ce-t-elle publique ou privée passe donc impérativement par l’exécution de la décision. Si pour le juge étatique cette phase n’a rien d’exceptionnelle ou de complexe parce que doté de l’impérium, en revanche pour l’arbitre, privé de ce pouvoir, cela relève du parcours du combattant.

De fait, en dépit de ce que les parties se soient accordées dans le cadre de l’arbitrage à exécuter de bonne foi la décision qui en résulterait, dans la pratique, il n’est pas toujours courant de voir la partie ayant succombé, s’exécuter immédiatement.

Aussi, l’efficacité de la sentence arbitrale est grandement tributaire de l’action du juge étatique sur cette dernière. Pour qu’une sentence arbitrale soit applicable il faudrait qu’au préalable, cette dernière fasse l’objet d’une reconnaissance. Hormis la reconnaissance, la partie victorieuse peut également faire recours à une procédure d’exéquatur pour enjoindre la partie adverse à exécuter la sentence. La compétence du juge est donc exclusive lorsqu’il s’agit du contrôle, de la reconnaissance et l’exequatur des sentences arbitrales ou mêmes de certaines mesures. Le juge détient le monopole de la contrainte publique. Certes l’arbitre peut ordonner l’exécution provisoire d’une sentence mais pour ce qui est de contraindre une partie ou un tiers à s’exécuter, le juge privé reste désarmé. Aussi, les arbitres doivent faire recours au juge étatique pour une exécution forcée. Le juge dans ce cas, fait usage de ses prérogatives en sollicitant le concours de la force publique.

222 Article 22 de l’A.U.A.

223 C. GAVALDA et C.L de LEYSSAC, in « L’arbitrage », Dalloz, 1993, p. 69, cité par G.

KENFACK DOUAJNI, « Le contentieux de l’exécution provisoire dans l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage », Revue camerounaise de l’arbitrage, n° 16-janvier-février-mars 2002. p. 1, ohadata D-08-96.

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L’acte uniforme doit couper tout lien avec le juge que ce soit pour le contrôle de la sentence, la reconnaissance ou encore l’exequatur de la sentence. Certains systèmes juridiques224 lui ont déjà emboité le pas en déniant au juge le contrôle de leurs sentences arbitrales225. Cette tâche est laissée à un comité ad-hoc pour ce qui est de l’arbitrage CIRDI. Le droit OHADA peut s’inspirer de cette méthode en confiant le contrôle de sa sentence à la CCJA. Cette solution est rendue possible d’autant plus que la CCJA admet quasiment les mêmes critères d’annulation de sentence que l’acte uniforme. Quand bien même ils ne seraient pas identiques, la Cour apprécierait la validité de la sentence à travers les critères de l’acte uniforme. Pour ce qui est de la reconnaissance et l’exequatur des sentences, le droit commun de l’OHADA doit permettre une saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage. Cette dernière assure déjà ces fonctions dans le cadre de l’arbitrage institutionnel. Elle peut donc tout aussi bien exequaturer les décisions émanant de l’arbitrage ad-hoc. L’avantage de la démarche réside sur le fait que la CCJA est un organe judiciaire reconnu par les Etats parties aux Traité de 1999. Les décisions de cet organe sont donc applicables sur l’ensemble de l’espace sans besoin de l’assistance d’un juge étatique. Dans la pratique, la sentence munie de son exequatur devient un titre exécutoire que la partie qui souhaite s’en prévaloir transmet à un huissier de justice qui en assurera l’application en recourant à l’assistance de la force publique si nécessaire.

On peut être dubitatif quant à l’implication de la CCJA. On peut évoquer l’argument selon lequel cet organe est composé de magistrat et donc ce n’est pas régler la question de l’exclusion du juge dans la procédure arbitrale OHADA. Nous pensons que les juges de l’OHADA n’appartiennent à aucun système juridique national puisqu’ils sont déconnectés des droits nationaux des Etats. Ces juges supranationaux sont en conséquence moins partisans que ceux appartenant à un ordre juridique national. De plus, ils utilisent un droit spécial qui ne relève d’aucune législation nationale. Cette précision vaut tout son pesant d’or car désormais, suite à la nouvelle réforme de l’acte uniforme de 2017, l’arbitrage des investissements est aussi régit par

224Arbitrage CIRDI.

225Articles 53 et 54 de la convention de Washington

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cet acte. La Cour peut statuer en toute quiétude sans avoir à se soucier des questions d’indépendance de ces membres.

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