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La reconstitution extrajudiciaire du tribunal arbitral

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 61-66)

Chapitre I. La réécriture de l’acte uniforme

Section 1. La consécration de l’exclusion du juge judiciaire dans la gestion de la procédure arbitrale

B. La reconstitution extrajudiciaire du tribunal arbitral

Pendant l’instance arbitrale, il peut arriver que survienne un incident. Ce peut être la découverte d’un fait nouveau au sujet des qualités de l’arbitre ou encore la démission, l’indisponibilité de l’arbitre pour des raisons telles que la maladie, le décès… . Dans tous les cas, ces différents incidents ont pour conséquence l’arrêt de l’instance arbitrale. La reprise de celle-ci est subordonnée à la reconstitution du tribunal. Dans l’un ou dans l’autre des cas, il s’agira de révoquer ou de remplacer l’arbitre. La révocation ou le remplacement de l’arbitre, à la différence d’un arbitrage institutionnel, sont des procédures dans le cadre de l’arbitrage ad-hoc laissées à la compétence du juge judiciaire en l’absence de stipulations des parties. En France également, le code de procédure civile prévoit que « tout autre différend lié à la constitution du tribunal arbitral est réglé, faute d’accord des parties, par la personne chargée d’organiser l’arbitrage ou, à défaut, par le juge d’appui »160 La reconstitution telle que doit le prévoir les nouvelles dispositions de l’acte uniforme doit inclure une réforme extrajudiciaire des procédures de révocation, d’incapacité(1) et de remplacement (2) des arbitres.

160Article 1454 du Code de procédure civile français.

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1. La réforme extrajudiciaire de la procédure de révocation et d’incapacité des arbitres

Pour des raisons endogènes ou exogènes à sa volonté, l’arbitre peut être amené à interrompre sa participation à l’instance arbitrale. On parle alors d’incapacité pour l’arbitre de continuer sa mission. Cette incapacité peut résulter de facteurs physiques (maladie…) ou moraux (incapacité juridique). On y retrouve donc la maladie, l’empêchement, la démission, l’abstention… Cependant, pour éviter que certains arbitres paralysent l’instance en utilisant cette procédure abusivement, il est imposé que l’arbitre puisse disposer d’une cause légitime pour se délier de son obligation contractuelle. Si la maladie constitue véritablement un motif sérieux et légitime, les autres causes peuvent être discutées. La jurisprudence et la doctrine françaises traitent la cause légitime au cas par cas. Ainsi, il est légitime qu’un arbitre démissionne ou s’abstienne en cas de comportement condamnable des autres arbitres161.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de faits liés à l’indépendance ou l’impartialité de l’arbitre, il est automatiquement admis son retrait. Toute procédure abusive engage la responsabilité de l’arbitre162.

L’arbitre est un mandataire des litigants. En effet, il est investi par ces derniers d’une mission : trancher le litige qui les oppose. A cet égard, existe donc des obligations contractuelles entre les parties. Le non-respect de celles-ci peut entraîner la rupture du contrat. C’est ce qui se produit lorsque l’arbitre manque à ses obligations.

On parle alors de révocation. La révocation se présente dans ce cas de figure comme une sanction. De façon générale, l’arbitre sanctionné pour une faute contractuelle peut voir sa responsabilité engagée163. Il peut se voir condamner à verser des dommages et intérêts, voire aux tiers si jamais, sa faute leurs a causé un préjudice. Notons tout de

161Contra, Th. CLAY, L’arbitre, op cit, n° 788, p. 609.

162Paris, 1er juill. 1997, Rev. arb 1998, p. 31, note H. HASCHER ; TGI Paris, 15 févr. 1995, Rev. arb.

1996, p. 503 ; E. GAILLARD et P. De LAPASSE, « Commentaire analytique du décret portant réforme du droit français de l’arbitrage », Cah. arb. 2011, p. 263, spéc. n° 43.

163Ph. FOUCHARD, « Le statut de l’arbitre dans la jurisprudence française », Rev. arb. 1996, p. 325.

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même que l’action en responsabilité relève du droit commun et donc de la justice étatique.

Il est des cas où la procédure de récusation ne manifeste aucun caractère correctionnel164. Dans un tel scénario, l’arbitre doit être rémunéré pour le travail accompli. La révocation de l’arbitre doit être en principe consensuelle, c’est-à-dire souhaitée par les deux parties165. De fait, la désignation de l’arbitre étant consensuelle, il est logique que la révocation soit tout unanime. C’est le désaccord sur cette question qui conduit à la saisine du juge après échec des parties et des arbitres.

L’article 8 de l’acte uniforme sur l’arbitrage régit les procédures de révocation, d’incapacité des arbitres. A la lumière de ce texte, il est dit que le juge n’est compétent qu’à défaut de prévisions des parties dans la convention d’arbitrage, à défaut de telles prévisions par les arbitres ou faute d’accord entre ces derniers. Tel que conçu, le législateur marque le caractère doublement subsidiaire de l’intervention du juge. Cette position n’est pas toujours partagée des autres législations. En effet, en France par exemple, la procédure de révocation166 , de maintien167, d’empêchement ou d’abstention de l’arbitre en droit de l’arbitrage interne, est du ressort exclusif du juge.

A ce stade, l’acte uniforme est plus libéral que le droit français. Toutefois, en matière internationale, les deux droits se rejoignent. Le droit OHADA pourrait être davantage plus libéral en supprimant le concours du juge même en cas de carence des parties et des arbitres. Tout comme dans la constitution du tribunal arbitral, la question de la reconstitution de cet organe peut être appréhendée par un tiers.

Le tiers on l’a vu dans la constitution du tribunal arbitral, est parfaitement capable de régler cette phase. Il l’est également pour la reconstitution du tribunal arbitral notamment en statuant sur la révocation et l’incapacité de l’arbitre. Dans la pratique, pour un cas de révocation, à l’instar de la saisine du juge qui peut se faire par l’une des parties, le tribunal arbitral ou encore l’un de ses membres168, le tiers peut

164Th. CLAY, L’arbitre, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2001, spéc. n° 893, p. 680.

165Art. 1458 CPC français.

166Art 1458 du CPC français.

167Art 1456 du CPC français.

168TGI Paris, (Ord. réf.), 29 nov. 1989, Rev. arb. 1990, p. 525.

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aussi être saisi par les mêmes acteurs. La demande adressée au tiers devra présenter un caractère contradictoire puisqu’il s’agit pour les parties d’opposer leurs points de vue.

La demande doit être orientée vers les autres litigants de même que le ou les arbitres incriminés. Le tiers doit alors instruire et juger comme en matière de référé. Le défaut de contradictoire doit être considéré comme une désignation irrégulière du tribunal arbitral au même titre que le défaut de saisine du juge par voie d’assignation. La jurisprudence française169 a déjà retenu cette solution lorsque saisi par une partie, le juge n’a pas tenue à saisir le juge par cette voie.

L’incapacité peut se régir sous la même forme processuelle que la révocation à la différence que c’est l’arbitre qui saisit le tiers pour présenter sa nouvelle situation.

Le tiers saisi doit analyser la cause évoquée par l’arbitre. Il jugera par la suite de la légitimité ou non de cette dernière et pourra enfin se prononcer. Dans le cas où il ne trouve aucun fondement sérieux et légitime à l’incapacité de l’arbitre, il transmet ses conclusions aux parties qui peuvent éventuellement décider d’ester en justice l’arbitre pour procédure abusive. En effet, l’arbitre dispose du droit de s’abstenir ou de se rétracter. L’exercice de ce droit est encadré pour éviter que des manœuvres dilatoires puissent bloquer ou ralentir l’instance.

2. La réforme extrajudiciaire de la procédure de remplacement

« Les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés conformément à la convention des parties »170. Il résulte de cet article que ces opérations sont avant tout purement conventionnelles. Lorsque la convention ne les a pas prévues, elles sont traitées sur la base des règles légales. Ces dernières font références par exemple aux règlements d’arbitrages des centres d’arbitrage. S’il s’agit d’un arbitrage ad-hoc, une assistance judiciaire est sollicitée. La réforme extrajudiciaire de la procédure de remplacement vise à sortir le juge de cette opération. En effet, les différents alinéas de

169Civ, 2e, 19 mai 1999, Rev. arb. 1999, p. 593, note A. HORY.

170Art. 5 de l’AUA.

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l’article 5171 prévoient que le juge intervienne faute de convention d’arbitrage ou si elle est insuffisante. La nouvelle mouture doit prévoir le remplacement de l’arbitre par un tiers autre que le juge. Il s’emploiera à chercher dans le panel d’arbitre à sa disposition celui qui répond aux spécificités du litige. Le tiers peut être la CCJA qui dans ces condition aura un contrat de mandataire. On pourrait également solliciter les services de l’administration des chambres de commerce et d’industrie qui généralement disposent de centre d’arbitrage avec en leur sein, des listes d’arbitre.

§2. L’exclusion du juge dans l’administration des mesures

La gestion de l’instance arbitrale s’effectue au moyen d’actes d’instruction qui peuvent intervenir à différents moments de la procédure. Ces décisions qui ne sont pas des sentences, sont d’ordre procédural et visent l’organisation du déroulement de l’instance. En conséquence, elles ne peuvent faire l’objet d’un recours dans les mêmes conditions que la sentence172. Cependant, la doctrine admet qu’on pourrait attaquer ces décisions dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir173. En effet, il ne s’agit que de simples mesures d’administration qui se matérialisent sous la forme d’ordonnance de procédure174 , bien loin du but de la sentence puisque leur objet ne vise qu’à faire avancer l’instance175. Toutefois, certaines mesures peuvent prendre la forme de sentence arbitrale pour assurer l’efficacité de la décision. Dès lors, ces sentences sont susceptibles d’être attaquée devant le juge compétent.

L’arbitrage est une justice conventionnelle qui se base sur le principe de loyauté des parties. En principe, les parties doivent exécuter de bonne fois les sentences et décisions prisent par les arbitres. Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas.

171« … la nomination est effectuée, sur la demande d’une partie, par le juge compétent dans l’Etat partie ».

172Paris, 4 et 11 avril 2002, JCP G 2009, I, n° 12, obs. J. ORTSCHEIDT.

173Civ. 1re , 17 juin 2009, JCP G 2009, I, 2167, n° 3, obs. J. ORTSCHEIDT.

174 S. JARVIN, « Les décisions de procédure des arbitres peuvent-elles faire l’objet d’un recours juridictionnel ? », Rev. arb. 1998, p. 611.

175 D. HASCHER, « Principes et pratique de procédure dans l’arbitrage commercial international », Rec. Cours La Haye, 1999, spéc. p. 133.

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Dépourvu du pouvoir de contrainte, l’exécution de leur mesure s’avère difficile lorsque les protagonistes refusent de coopérer. Reste donc à faire intervenir le juge, détenteur du pouvoir de contrainte. Cependant, le recours au juge n’est pas nécessairement la solution. L’arbitrage peut se passer de ses services dans l’administration de sa justice. C’est notamment le cas dans l’administration des mesures provisoires ou conservatoires (A), dans les mesures de prorogation de délai, rectification d’erreur matérielle et interprétation de sentence (B).

A. L’administration des mesures provisoires et conservatoires sans le juge

L’essor de l’arbitrage dans la société a conduit à ce qu’on s’intéresse davantage à son acteur principal ainsi qu’à ses pouvoirs. Il en ressort des différentes études menées à ces sujets que l’arbitre détient dans la pratique, des pouvoirs similaires à ceux du juge étatique.

La batterie de normes régissant cette activité vient le confirmer un peu plus chaque jour. D’ailleurs, plusieurs législations reconnaissent le droit qu’ont les parties à pouvoir expressément rejeter toute intervention du juge176 dans leur procédure et ce, en dépit des difficultés qui pourraient subvenir avant, pendant et parfois après le litige.

Autorisation expresse, notifiée dans la clause compromissoire est alors donnée à l’arbitre pour par exemple prendre le genre de mesures, d’actes généralement laissés à la compétence du juge parce que considéré comme plus efficace: c’est le cas des mesures provisoires et conservatoires.

Les mesures provisoires et conservatoires sont des notions assez complexes à en juger par l’amalgame de certains auteurs qui les prennent pour des synonymes d’une part et par le manque de définition législative aussi bien nationale qu’internationale d’autre part. A défaut d’une telle définition, la doctrine et la jurisprudence se sont alors employées à différentier ces notions voisines. Ainsi, une mesure provisoire est « une

176 CIRDI, OHADA…

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