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La nécessité de garder des voies de recours

Dans le document La déjudiciarisation de l'arbitrage OHADA (Page 90-95)

Chapitre I. La réécriture de l’acte uniforme

Section 2. Le contentieux extrajudiciaire dans l’acte uniforme

B. La nécessité de garder des voies de recours

Faut-il rappeler que les voies de recours participent à la crédibilité de l’arbitrage en tant que justice privée ? Hormis ce fait, notons que la sentence est une décision juridictionnelle qui produit des effets sur des individus. L’arbitre n’étant pas infaillible, il est normal que puisse être conçu des procédures visant à se rassurer quant à la justesse de la décision rendue. Cela participe à la bonne administration de la justice. Cependant, les voies de recours de recours contre la sentence peuvent être appréciées soit par l’arbitre lui-même (1) ou par un tiers (2).

1. Les voies de recours portées devant l’arbitre

Une fois le principe de voies de recours acté, il s’agit de trouver l’autorité compétente pour connaître de ces recours. Nous sommes d’avis que l’arbitre est capable de gérer les réclamations portées contre la sentence aussi bien dans le recours ordinaire qu’extraordinaire qu’il a prononcées.

L’acte uniforme sur l’arbitrage énumère six conditions alternatives qui peuvent entrainer l’annulation de la sentence239. Il s’agit de l’irrégularité du tribunal arbitral ou l’arbitre unique a été irrégulièrement désigné ; le caractère contraire à l’ordre public international de la sentence arbitrale ; le défaut de motivation de la sentence arbitrale ;

239Art 26 de l’AUA.

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le non-respect du principe de contradictoire ; la non-conformité du tribunal arbitral à la mission qui lui a été donnée et enfin le défaut ou la nullité de la convention d’arbitrage. La partie qui réclame une annulation de la sentence allègue à sa prétention, un si non plusieurs motifs dessus mentionnés. L’arbitre peut alors revenir sur le point qui lui est reproché et procéder à un nouvel examen. Par exemple, si l’annulation de la sentence est réclamée pour un défaut de motivation de cette dernière, l’arbitre peut effectivement constater l’absence de motivation. Il peut alors annuler la sentence et dans la foulée, reconvoquer le tribunal arbitral. Si l’arbitre ou le tribunal arbitral ne peut plus être reconstitué, les parties devront procéder à la désignation d’un nouvel arbitre ou à défaut, saisir la CCJA qui se prononcera sur l’irrégularité ou non de la sentence. Dans l’hypothèse où elle est annulée et que le tribunal arbitral est indisponible, les parties choisiront un nouvel arbitre qui motivera la sentence. Il ne s’agira pas pour ce dernier de rejuger le litige mais juste corriger l’élément défaillant de la sentence. Toutefois, pour certains motifs d’annulation, le litige devra être à nouveau tranché dans le fond240. En revanche, l’arbitrage doit être abandonné si l’annulation découle d’un défaut ou de la nullité de la convention d’arbitrage241. Plusieurs jurisprudences consacrent cette posture242 Dès lors, à défaut de pouvoir réunir à nouveau le tribunal arbitral, les parties devront choisir un ou des nouveaux arbitres pour trancher le litige. Il est vrai que cette solution présente des frais supplémentaires pour les parties, mais elle a le mérite de préserver le litige des juridictions étatiques.

S’agissant des voies de recours extraordinaires, le principe est la compétence de l’arbitre243. Cependant, si ce dernier est dans l’incapacité de pouvoir de nouveau connaître du litige, le juge peut se substituer à lui244. Nous pensons que cette solution

240Le non-respect du contradictoire par exemple. De fait, on peut penser que la partie qui n’a pas pu s’exprimer avait peut-être des arguments à faire valoir qui, auraient pu faire pencher la balance de la justice de son côté.

241Art 29 de l’acte uniforme sur l’arbitrage.

242C’est ce qui ressort en substance des décisions de justice puisque dans ce cas, la compétence est donnée au juge. Voir CA Abidjan, arrêt n° 1032, 30 juillet 2002 : ohadata J-03-20 ; CA Ouagadougou, arrêt n°116, 19 mai 2006 : ohadata J-09-25 ; T. com. Kayes, 5 juillet 2007.

243Art 25. Al. 5 et 6. de l’acte uniforme sur l’arbitrage.

244Art 25 op. cit.

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n’est pas la bonne. A défaut de pouvoir réunir le tribunal arbitral, une reconstitution de ce dernier doit être envisagée. Ce palliatif est déjà utilisé dans d’autres législations et ne pose aucun problème procédural majeur.

En outre, il est nécessaire d’ôter au juge étatique son pouvoir d’évocation des affaires soumis à l’arbitrage. En effet, lorsqu’il est saisi d’un recours contre la sentence, le juge peut être amené à trancher le litige dans le fond. Une telle situation dénature profondément l’arbitrage. Le juge précédemment exclue de la procédure, en devient le maître au détriment du juge privé investi par les parties.

2. Le recours contre la sentence porté devant un tiers

A défaut de confier l’examen des recours contre la sentence arbitrale à la même autorité qui a failli-si on l’entend ainsi-, ces derniers peuvent être examinés par un tiers non partie au tribunal arbitral.

Ce tiers peut être une personne morale ou une personne physique. Nous pensons que cette tâche peut être dévolue soit à la CCJA ou à un autre centre d’arbitrage en ce qui concerne la personne morale et à un arbitre neutre choisi par les parties en ce qui concerne la personne physique. Si la désignation d’une personne morale ne pose pas grand problème, en revanche, celle de la personne physique peut être sujette à polémique. L’hypothèse est celle d’une mésentente entre les parties pour la désignation de cet arbitre unique chargé d’examiner les différents motifs de demande d’annulation de la sentence. Dans ces circonstances, en cas de désaccord, la CCJA saisie par la partie la plus diligente, nomme un arbitre. Celui-ci a comme mission unique, de vérifier si le motif allégué par la partie demanderesse est avéré. Une fois sa mission terminée, le tribunal arbitral en cas de cause réelle d’annulation tranche à

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nouveau le litige245. Si le tribunal arbitral est dans l’incapacité de se réunir à nouveau, les parties devront en désigner un nouveau.

On peut envisager que le tiers puisse être investi du pouvoir d’évocation. Dès lors il faudra penser au principe d’égalité des parties cher à la justice. Si le tribunal arbitral était composé de trois membres, il est difficile d’accepter que le litige soit à nouveau tranché par un juge unique. A cela s’ajoute le fait qu’il existe des litiges dont la résolution demande plusieurs arbitres246. Techniquement, il est difficile de conférer au tiers personne physique, le pouvoir d’évocation lors d’un recours contre la sentence.

En revanche, cette possibilité est envisageable concernant un tiers, personne morale.

Disposant d’un vaste réservoir d’arbitre, le centre peut rapidement désigner les arbitres qui remplaceront valablement le juge et trancheront le litige sans problème. Toutefois, ils ne s’appuieront pas sur le règlement d’arbitrage de leur institution mais plutôt sur la convention d’arbitrage des parties.

Ce mécanisme peut également s’appliquer sur les voies de recours extraordinaires. De fait, lors de l’indisponibilité du tribunal arbitral ou de l’arbitre, le tiers désigné peut suppléer cette carence en statuant sur le fond du litige. Une question se pose sur ce mode d’intervention lorsqu’il s’agit d’une personne morale. Dans le cas d’un centre d’arbitrage, la règle est que dès lors que les parties confèrent à ce dernier un mandat porté sur le fond du litige, les règles applicables sont celles du centre d’arbitrage. Autrement dit, le règlement du centre d’arbitrage a toutes les chances de se voir appliquer. Nous estimons que dans une telle situation, l’arbitre désigné par le centre d’arbitrage ne doit pas appliquer les règles de l’institution mais plutôt s’appuyer sur celles contenues dans la convention d’arbitrage. En effet, ce sont elles qui font foi de loi des parties. L’arbitre qui se substitue au juge épouse sa fonction d’assistant technique. A ce titre, il ne doit pas appliquer ses règles à lui, mais celles que les parties ont choisies. Ce devrait être là, la limite de l’application du règlement d’arbitrage d’une institution d’arbitrage.

245Excepté en cas de nullité ou défaut de la convention d’arbitrage.

246Toujours en nombre impair selon l’AUA.

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Conclusion chapitre 1.

En somme, l’exclusion du juge passe inéluctablement par une nouvelle approche des difficultés dans la constitution et la reconstitution du tribunal arbitral, un aménagement d’un nouveau modèle d’administration des mesures d’instruction mais aussi des mesures provisoires ou conservatoires. Il ne faudra non plus oublier son éviction des voies de recours où parfois il est l’autorité compétente pour connaître de ces recours.

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Chapitre II. La modification des corpus législatifs nationaux et instruments

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